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Libération animale: actions contre Novartis – l’histoire se répète

11 août 2009 Par Rédaction - Terrorisme.net

Le 27 juillet 2009, des activistes du mouvement radical de libération des animaux ont profané la tombe de la mère de Daniel Vasella, chef de la direction de l’entreprise pharmaceutique suisse Novartis. Quelques jours plus tard, une maison de campagne du chef de la direction a été incendiée en Autriche. Cet acte avait été précédé de graffitis sur l’église du village où réside Daniel Vasella. Le mode d’action utilisé par les activistes radicaux n’est pas nouveau: il rappelle les tactiques utilisées par les activistes du mouvement «Save the Newchurch Guinea Pigs», qui avaient contraint le propriétaire d’une ferme élevant des animaux de laboratoires à mettre un terme à ses activités en 2006.

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Image d’une partie de la page d’accueil d’un site d’activistes de la libération animale menant une virulente campagne contre Novartis.

Quels étaient les modes d’action utilisés par «Save the Newchurch Guinea Pigs»? Quelles sont les méthodes mises en œuvre contre la multinationale suisse? Doit-on craindre une escalade de la violence?


1. SNGP: un précédent

Le 20 janvier 2006, le mouvement «Save the Newchurch Guinea Pigs» (SNGP) publiait sur le site Bite Back un communiqué de presse triomphant, annonçant la fermeture définitive de la ferme de Darley Oaks, à Newchurch, dans le Staffordshire anglais (voir l’analyse de Terrorisme.net).

Né en 1999 suite à un raid de l’Animal Liberation Front, SNGP s’était fixé pour objectif la fermeture de cette ferme spécialisée dans l’élevage de cobayes destinés à des laboratoires d’expérimentation. Au nombre des actions d’intimidation des propriétaires de Darley Oaks, les activistes avaient eu recours à la destruction de vitres, des incendies criminels, des menaces de mort, une campagne de diffamation par graffitis (accusant notamment la famille de pédophilie) et le dépôt de faux explosifs (canular).

La campagne de SNGP atteignit son point culminant avec la profanation de la tombe et le vol du corps de Gladys Hammond, belle-mère de l’un des propriétaires de la ferme, en octobre 2004 (pour une chronologie des événements, voir le site de la BBC). Plusieurs mois après les faits, cette action fut revendiquée par l’Animal Rights Militia, étiquette utilisée pour les actions perpétrées sous la bannière des activistes les plus radicaux du mouvement de libération des animaux.

Il fallut ainsi près de deux ans au propriétaire de la ferme, David Hall et sa famille pour que le corps de Gladys Hammond retrouve sa tombe. Alors que la famille Hall annonçait l’abandon de ses activités, cinq activistes étaient arrêtés et condamnés à des peines de deux à douze ans de réclusion.

Prenant exemple sur la campagne contre la ferme de Darley Oaks, les activistes de SHAC (Stop Huntingdon Animal Cruelty) – dont certains avaient probablement déjà été actifs contre la ferme de Newchurch – ont eu recours à des tactiques similaires dans l’intensification de leur lutte contre la multinationale pharmaceutique Novartis, considérée comme l’un des principaux clients de Huntingdon Life Sciences (HLS), même si Novartis le dément. HLS est accusée d’exploiter le plus grand laboratoire d’expérimentation animale en Europe et de violer fréquemment les standards de traitement des animaux.

Comme dans le cas de Glady Hammond, les activistes de SHAC s’en sont pris à la tombe des parents de Daniel Vasella, chef de la direction du groupe pharmaceutique, dérobant l’urne funéraire de sa mère.

Quelques jours seulement après cette action, ils ont également mis le feu à une de ses résidences secondaires en Autriche, revendiquant leur action au nom de «MFAH Austria».

Même si le nom MFAH est resté inconnu jusqu’ici, il est probable qu’il s’agisse du nom d’emprunt d’une cellule agissant dans le cadre de la campagne de SHAC contre Novartis. A noter qu’il existe un site autrichien lié au SHAC qui dénonce Novartis et publie les adresses de certains responsables de l’entreprise dans ce pays.


2. Intensification de la lutte depuis 2007

En 2007 déjà, Terrorisme.net avait attiré l’attention sur l’intensification de la lutte des activistes de SHAC contre Novartis, débutant par l’empoisonnement présumé de bouteilles de produits ophtalmologiques en France ainsi que de tubes d’un produit antiseptique en Grande-Bretagne fabriqués par l’entreprise.

En plus de la France et de la Grande-Bretagne, l’Animal Rights Militia avait également indiqué avoir empoisonné des produits pharmaceutiques de Novartis en Espagne.

Comme par le passé, il est probable que ces empoisonnements aient constitué des canulars visant à causer un préjudice économique à l’entreprise, contrainte de retirer ses produits du commerce.

Ainsi, en 1992, un producteur de barres de chocolat fut contraint de retirer ses produits des rayons au Canada, ce qui eut un impact financier de plusieurs millions de dollars sur l’entreprise. La tactique suivie ici vise à contraindre les entreprises d’abandonner leurs expérimentations sur les animaux pour éviter des pertes économiques.

Une tactique qui se révèle parfois efficace: en 2007, aux Etats-Unis un producteur de jus de fruits annonça avoir cessé ses expérimentations sur les animaux suite à l’empoisonnement de ses produits par l’ARM.

Outre ces empoisonnements, une recrudescence importante de «visites à domicile» (home visits) – c’est-à-dire d’opérations contre les domiciles d’employés de Novartis – a été observée. Cette tactique est devenue l’une des armes privilégiée des activistes. Ainsi, pour la période 2008-2009, les communiqués publiés sur le site Bite Back Magazine revendiquant des actions contre Novartis faisaient – pour la plupart – état de «visites à domicile» visant des employés de l’entreprise.

Avec les manifestations quasi quotidiennes devant les locaux de l’entreprise à travers le monde (on trouvera plusieurs centaines d’exemples sur la page d’accueil du site Shac.net [ce site n’existe plus, mais on peut retrouver son contenu sur Internet Archive – 21.06.2016]), il s’agit du moyen de pression favori des activistes contre la multinationale suisse.

Par exemple, le 6 juin 2009, les activistes revendiquaient la destruction de trois voitures d’un cadre de l’entreprise à son domicile, en Suisse. A la mi-mai, les activistes visitaient les domiciles de trois cadres de Novartis, dans la région bâloise, affirmant même avoir caché un engin explosif dans le jardin de l’un d’eux.

Quelques semaines plus tôt, c’était un cadre de Novartis en Allemagne qui était réveillé en pleine nuit par des activistes en train de repeindre sa maison. Une mésaventure similaire avait frappé un cadre de Düsseldorf quelques jours auparavant.


3. Semaines d’actions et recrudescence d’attaques

L’attaque contre le chef de la direction de Novartis illustre également un phénomène observé à plusieurs reprises ces dernières années. Il s’agit de la combinaison de «semaines d’actions» – c’est-à-dire des manifestations et des actions d’une semaine devant les locaux d’HLS, ses présumés clients et fournisseurs – avec des «visites à domicile» d’employés des entreprises visées.

Ainsi, le 9 février 2008, dans le cadre d’une semaine d’action contre Novartis en Espagne, une marche réunissait 150-200 personnes à Barcelone. Durant la nuit qui précédait, une vitre de la filiale de Novartis dans la ville était brisée.

Cette marche avait été précédée de «visites» aux domiciles de quatre cadres de l’entreprise dans la capitale espagnole, Madrid ainsi que d’actes de vandalisme contre seize pharmacies dans la capitale catalane.

De plus, l’appartement du chef des installations d’expérimentation animale à l’université de Barcelone était également vandalisé dans la nuit du 5 février 2008.

De ce fait, on peut également voir dans les actions contre le chef de Novartis une illustration de ce principe de combinaison.

Une semaine d’action contre les clients les plus importants de HLS est prévue à la fin août et les actions contre Daniel Vasella pourraient en être un prélude.


4. Une escalade de la violence?

a. Des précédents

Pour de nombreux observateurs peu familiers du mouvement radical de libération des animaux, les actions contre le chef de la direction de Novartis peuvent donner l’impression d’une escalade sérieuse de la violence. Doit-on craindre que Novartis, son chef de la direction et ses employés deviennent des cibles directes d’attaques? Doit-on craindre pour leur intégrité physique et leur vie?

Comme nous l’avons rappelé, le vol de l’urne funéraire de la mère de Daniel Vasella n’était pas une tactique nouvelle: il avait été précédé d’une action similaire dans le cadre de la campagne Save the Newchurch Guinea Pigs (SNGP) en Grande-Bretagne en 2004.

Quant à l’incendie criminel, notons que, en 2007, des activistes luttant contre la consommation de viande avaient incendié des véhicules de boucherie au Tessin, dans la partie méridionale de la Suisse. Cette opération avait fait l’objet d’une large couverture médiatique (1). On retrouve ici également des précédents aux actions perpétrées ces derniers jours contre le chef de Novartis.

b. Un seuil de la violence qui n’a pas nécessairement évolué

En 2000, suite à une recrudescence d’attaques par les activistes du mouvement radical de libération des animaux – notamment dans le cadre de la campagne SNGP – la BBC s’était interrogée sur la possibilité que cette campagne ne dégénère et ne se transforme en une vague de «terrorisme urbain». Ainsi, l’article donnait l’impression que les activistes étaient maintenant en possession d’armes à feu et qu’ils allaient les utiliser contre les cibles de leurs campagnes (2).

Dix ans après ces prophéties alarmistes, le seuil de la violence n’a pas nécessairement évolué. Les activistes continuent de fonder leur action sur le harcèlement (répétition d’actions contre une même cible).

Le recours fréquent à des «visites à domicile» et la publication des noms des employés d’entreprises sur Internet visent à créer un sentiment d’insécurité et de vulnérabilité chez les victimes («nous sommes capables de vous atteindre, même dans votre intimité»), espérant les pousser ainsi à mettre un terme aux relations contractuelles avec les entreprises qui les emploient.

c. Un mouvement fortement décentralisé

Le mouvement radical de libération des animaux est un mouvement fortement décentralisé, composé de cellules agissant de manière indépendante et sans organisation centrale. On parle d’un mouvement basé sur le principe de la «résistance sans leader» qui enjoint les participants à renoncer à une structure d’organisation de type pyramidale et à favoriser l’action en petites cellules, totalement indépendantes et autonomes et agissant uniquement sur la base de principes ou lignes directrices et non sur ordre d’un (ou plusieurs) dirigeants.

Depuis sa création en 1976, l’Animal Liberation Front (qui est à la source du mouvement radical de libération des animaux) a fondé son action sur des lignes directrices enjoignant notamment aux activistes de prendre toutes les mesures pour éviter de blesser ou tuer des êtres humains et des animaux.

Dans sa campagne contre HLS, SHAC se réclame également du principe de non-violence contre des personnes.

Selon les activistes de SHAC, des attaques contre des objets (domiciles, voitures) ne sont pas considérées comme violentes. Jusqu’à présent, ce principe de non-violence contre des personnes a été largement respecté (à l’exception des activistes revendiquant leur action sous le nom d’Animal Rights Militia, qui sont prêts à violer cette règle).

Il est donc peu probable que le mouvement s’attaque directement à des personnes et tente d’attenter à leur vie. La déclaration du porte-parole de la branche nord-américaine de l’ALF disant «seulement regretter que M. Vasella n’ait pas été présent dans la maison quand elle a brûlé» relève probablement de la logique d’intimidation précédemment relevée.

Cependant, du fait de la nature décentralisée du mouvement et de l’impossibilité de contrôler tous ses éléments, on ne peut totalement exclure que des individus – agissant seuls ou en petit groupe – aient recours à la violence contre des personnes, surtout quand celles-ci se retrouvent démonisées en tant que symboles de tout un système honni.


Notes

(1) Pour un compte-rendu de cette attaque, on consultera Jean-Marc Flükiger, «An Appraisal of the Radical Animal Liberation Movement in Switzerland: 2003 to March 2007», Studies in Conflict and Terrorism, 31: 145-157, 2008.

(2) Pour une réflexion sur l’escalade de la violence par le mouvement radical de libération des animaux, voir Jean-Marc Flükiger, «The Radical Animal Liberation Movement: Some Reflections on Its Future», Journal for the Study of Radicalism, vol. 2, numéro 2, automne 2008, pp. 111-132.

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