En cette fin 2003, cela fait plus de deux ans que la guerre internationale contre le terrorisme a été lancée. Rien ne permet encore de dire qui gagne la partie. L’année a vu la capture de deux figures de proue d’Al Qaïda ainsi que d’autres arrestations importantes; l’Arabie saoudite a commencé à se joidnre sérieusement à la lutte contre le terrorisme. Mais les attentats à la bombe n’ont pas cessé, et l’Irak a émergé comme nouveau foyer potentiel d’activités terroristes.
16 décembre 2003 – Si le chef d’Al Qaïda, Oussama ben Laden, reste toujours en liberté, les agents des services de renseignement pakistanais ont en revanche arrêté Khalid Sheikh Mohammed, considéré comme une figure opérationnelle de premier plan et soupçonné d’être l’organisateur des attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Il se trouve actuellement détenu par les Américains dans un lieu inconnu.
Directeur du Centre pour l’étude du terrorisme de l’Université de Saint Andrews (Ecosse), Magnus Ranstorp avait alors prédit que l’arrestation de Mohammed empêcherait Al Qaïda de se trouver en mesure de lancer des opérations de l’échelle de celle du 11 septembre.
“Je crois que c’est très [important ] en termes globaux. Vous pouvez imaginer – le chef du comité militaire, le cerveau de grandes opérations très complexes. Si vous le sortez du jeu, cela aura certainement un gros impact sur la capacité d’Al Qaïda de se lancer dans des opérations à grande échelle“, avait déclaré Ranstorp.
Mohammed est soupçonné d’avoir participé aux attentats à la bombe de 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie ainsi qu’à l’attentat contre le U.S.S. Cole près de la côte yéménite en l’an 2000. Il passe également pour avoir joué un rôle dans l’assassinat du journaliste américain Daniel Pearl au Pakistan au début de l’an 2002.
Autre importante arrestation au mois d’août 2003: celle de Riduan Isamuddin, alias Hambali, en Thaïlande. Hambali, une figure de premier plan au sein de l’organisation indonésienne Jemaah Islamiyah, était considéré comme la cheville ouvrière opérationnelle d’Al Qaïda en Asie du Sud-Est. Il est soupçonné d’avoir planifié l’attentat à la bombe de Bali en 2002, qui coûta la vie à plus de 200 personnes.
Lors de l’arrestation de Hambali, le président Bush déclara que “Hambali était l’un des plus dangereux terroristes du monde, soupçonné d’avoir planifié d’importantes opérations terroristes, dont celle qui eut pour cadre Bali et d’autres attentats récents.”
Mais les meurtriers attentats à la bombe survenus en Arabia saoudite, en Indonésie, au Maroc, en Turquie et ailleurs, ont presque relégué à l’arrière-plan ces arrestations. Certes, aucun de ces attentats n’approchait l’ampleur de l’opération du 11 septembre. Cependant, ils ont prouvé que Al Qaïda et d’autres groupes terroristes restaient dangereux, en dépit des arrestations.
En outre, en 2003, même si beaucoup de cibles restèrent des Occidentaux ou des non musulmans, la majorité des victimes ont été des musulmans.
En Arabie saoudite, les attentats contre deux ensembles résidentiels – en mai et en novembre – ont tué 52 personnes, principalement des Arabes non saoudiens.
A Istanbul, plusieurs attentats répartis sur deux journées du mois de novembre ont tué plus de 60 personnes. Tous ces attentats ont été attribués à Al Qaïda ou à des groupes proches. […] le 20 novembre, des explosions frappèrent une banque dont le siège se trouve en Grande-Bretagne et le consulat britannique, tuant notamment le consul général. […] Deux autres bombes avaient visé des synagogues de la ville. La majorité des victimes des attentats d’Îstanbul étaient des passant musulmans.
Certains experts estiment que l’efficacité de la campagne internationale antiterroriste contraint les terroristes à choisir des cibles plus vulnérables, ce qui implique inévitablement le risque de victimes musulmanes. D’autres estiment que des musulmans sont délibérément tués, afin de créer dans la population un climat de peur et d’exercer une pression sur des gouvernements locaux pro-occidentaux.
Le prince Turki al-Faïçal, ambassadeur de l’Arabie saoudite en Grande-Bretagne, estime que les terroristes cèdent tout simplement au désespoir après la répression que le gouvernement exerce contre eux et choisissent des cibles par simple commodité.
“Oui, je crois que cela donne la mesure de leur désespoir et de leur conscience d’être sévèrement pourchassés par les autorités et mis sous pression. Et ils veulent montrer qu’ils peuvent encore faire quelque chose, après tous les succès que nous avons eus pour les identifier au cours des six derniers mois, avec de nombreuses arrestations ainsi que des découvertes de caches d’armes, de munitions et d’explosifs. Ces gens se retrouvent donc dans une situation désespérée, et ils sont prêts à prendre n’importe quelle cible qu’ils peuvent atteindre.”
La meilleure coopérations de la part du gouvernement saoudien dans la guerre contre le terrorisme a en effet été l’un des développements positifs de l’année 2003. Les Etats-Unis avaient critiqué les Saoudiens pour leur réactions insuffisante et pour le financement indirect de groupes terroristes. Rappelons que 15 des 19 auteurs de l’opération du 11 septembre étaient d’origine saoudienne.
Au mois de novembre, Daniel Neep, chef du programme pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord du Royal United Services Institute (Londres), a expliquà à RFE/RL que les attentats à la bombe de cette année avaient poussé le gouvernement saoudien de façon plus déterminée dans la guerre contre le terrorisme:
“Il y a eu beaucoup de critiques à Washington sur la réaction inadéquate des Saoudiens dans leur campagne antiterroriste. Bien sûr, les Saoudiens ont fait de grands progrès dans leurs efforts au cours des derniers mois, comme nous l’avons vu ces dernières semaines avec les arrestations à Riyadh, à Djeddah et dans d’autres lieux.”
Le gouvernement saoudien a lancé cette année une série d’opérations contre des militants à Djeddah, à Riyadh et à La Mecque. Et ce mois, les journaux saoudiens ont pris l’initiative inhabituelle de publier une liste de 26 suspects de terrorisme, dont le chef présumé d’Al Qaïda en Arabie saoudite. Les journaux ont annoncé qu’une récompense substantielle serait offerte pour la capture des suspects.
L’on ignore encore les conséquences à long terme de la guerre en Irak pour la lutte contre le terrorisme. Au départ, les Etats-Unis avaient justifié la guerre en partie comme moyen de prévenir des collusions possibles entre l’ancien dirigeant irakien Saddam Hussein et des groupes terroristes internationaux.
Cependant, l’ironie est que la guerre d’Irak a peut-être catalysé au contraire une telle coalition. Alors que l’année se termine, les forces alliées dirigées par les Américains doivent faire face à une violente insurrection; selon les responsables américains, on trouverait parmi les insurgés des éléments de groupes terroristes, dont certains affiliés à Al Qaïda.
Les responsables politiques américains soutiennent qu’un succès contre cette insurrection et de l’objectif plus large d’établir un Irak démocratique contribuerait à la guerre contre le terrorisme. Ils affirment que cela pourrait démontrer à des candidats au terrorisme – en particulièrement de jeunes musulmans attirés par une rhétorique anti-américaine – que les intentions des Etats-Unis dans la région sont bienveillantes.
D’autres voix estiment que tout progrès en Irak sera battu en brèche par la poursuite du conflit israélo-palestinien et la perception – largement répandue dans le monde arabe – selon laquelle les Etats-Unis favorisent de toute façon Israël.
Quant aux perspectives pour l’année 2004, les experts se montrent prudents et se bornent à prédire qu’elle nous vaudra sans doute de nouvelles arrestations de figures importantes du terrorisme – et aussi de nouveaux attentats.
Mark Baker
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