En Inde, terrorisme et insurrections ne sont pas un simple sujet d’études académiques, mais posent des défis multiples à ce grand pays. A Delhi, l’Institute for Conflict Management s’occupe de ces thèmes depuis 1997. Il se trouve également à l’origine d’un site web très riche en informations et qui reçoit des visiteurs du monde entier.
Sans doute est-ce le South Asian Terrorism Portal (SATP), créé en l’an 2000, qui a fait le plus connaître l’Institute for Conflict Management (ICM) en dehors du sous-continent indien. En outre, depuis 2002 existe un bulletin électronique hebdomadaire, la South Asia Intelligence Review (SAIR): il est envoyé chaque semaine à plus de 4.000 personnes, et ce nombre augmente constamment. Son objectif est d’aider à l’information de différents groupes cibles, notamment les décideurs politiques et les journalistes.

Ajai Sahni, directeur exécutif de l’ICM et du SATP.
Derrière cette initiative se trouve un groupe d’analystes très motivés. C’est au siège de l’ICM, dans la capitale indienne, non loin du Parlement, que se trouve son siège. Et c’est là que, au début du mois de mars, Ajai Sahni, directeur exécutif de l’ICM et du SATP ainsi que rédacteur en chef de la SAIR et de Faultlines, a reçu le responsable de la rédaction de Terrorisme.net pour lui présenter les multiples activités qu’abrite le modeste bungalow sis à Talkatora Road – sur un site soigneusement protégé, car la vigilance est forte à Delhi face aux risques d’attentats.
Si les locaux sont de surface modeste, le visiteur a tôt fait de découvrir qu’il s’agit d’une ruche studieuse. En effet – et cela a de quoi faire rêver plus d’un spécialiste universitaire du terrorisme travaillant en solitaire dans d’autres régions du monde – l’ICM emploie une équipe de vingt personnes à plein temps, réparties entre son siège principal à Delhi et son antenne à Guwahati (Assam); cette dernière s’occupe des questions d’insurrection et de violence politique dans le Nord-Est de l’Inde. Chacun des analystes a la responsabilité d’une zone, ce qui permet d’atteindre un bon degré de spécialisation.

K.P.S. Gill, président de l’ICM, qui mena la guerre contre le terrorisme au Pendjab.
A l’origine de l’ICM se trouve K.P.S. Gill, un officier de police à la retraite qui a une longue expérience des questions de violence politique, puisqu’il fut posté dans l’Assam de 1958 à 1983 et devint par la suite directeur général de la police dans l’Etat du Pendjab, où il joua un rôle clé pour rétablir l’ordre dans cette région.
Entré dans une retraite active en 1995, K.P.S. Gill avait le sentiment que les politiques gouvernementales face aux problèmes qu’il avait vus de près n’étaient pas toujours cohérentes ou rationnelles. En 1997, il s’associa à Ajai Sahni pour fonder l’ICM. Ils étaient alors seuls: comme on le constate, la croissance de l’ICM a été spectaculaire en une demi-douzaine d’années.
Au début, explique Ajai Sahni, l’ICM était avant tout un groupe de pression pour inciter le gouvernement à développer une politique contre-terroriste cohérente. Mais très vite, les auteurs de cette initiative ressentirent le besoin d’une base documentaire, car celle-ci n’existait pas pour l’Asie méridionale.
En outre, il n’y avait aucune recherche universitaire sérieuse sur le terrorisme en Inde. L’ICM s’est donc en fait efforcé de créer une nouvelle discipline dans le domaine de la recherche indienne. Cela s’est concrétisé, en mai 1999, par la publication du premier numéro de la revue Faultlines, fruit d’une année d’efforts.
Les articles publiés dans Faultlines ne sont pas tous écrits par des chercheurs universitaires: la revue donne également la parole à des auteurs venant de l’armée, de la police et de l’administration, qui n’ont pas nécessairement une formation académique, mais bénéficient en revanche d’une irremplaçable connaissance de terrain.
Vers la même époque, l’ICM prit conscience des nouvelles possibilités offertes par Internet pour permettre la diffusion des abondantes informations systématiquement recueillies: ce fut ainsi que naquit le SATP, en l’an 2000, comme nous l’avons déjà mentionné.
A noter que les tragiques événements du 11 septembre 2001 marquèrent un véritable tournant pour ce site: le nombre de consultations quotidiennes augmenta spectaculairement après les attentats de New York et de Washington. Il continue de croître. Le lancement de la SAIR a marqué un second tournant et donné une impulsion supplémentaire à la fréquentation du site.
Ce n’est pas sans une certaine fierté qu’Ajai Sahni souligne que même des publications pakistanaises sur le terrorisme citent comme source les données statistiques sur le Pakistan produites par l’ICM, qui se livre à un recensement quotidien et systématique des actes de violence politique en Asie du Sud. En effet, il n’existe aucune équipe de recherche pakistanaise qui se livre à un travail équivalent sur les développements au Pakistan même. Cette reconnaissance tacite du travail de l’ICM par les experts du pays voisin donne la mesure de l’effort fourni.

Des analystes de l’ICM au travail dans les locaux de l’antenne de Guwahati.
En 2002, l’ICM a lancé, à côté du SATP, le Northeast Portal [ce site n’existe plus – 06.06.2016]. En effet, comme a déjà eu l’occasion de le souligner Terrorisme.net, si le grand public occidental entend parler du conflit du Cachemire, il ignore souvent les multiples tensions et insurrections qui ont pour cadre le Nord-Est de l’Inde. Mais, souligne Ajai Sahni, même en Inde, aucune recherche sérieuse sur ces questions n’était menée dans le Nord-Est; il n’y avait en outre pas beaucoup de sources ouvertes facilement accessibles.
Le portail web sur le Nord-Est se veut une base de données et de documentation, qui ne se limite pas aux questions de terrorisme, mais fournit une information générale sur ces régions excentrées.
Bien entendu, la question du Cachemire occupe aussi l’équipe de l’ICM. Ajai Sahni dit espérer qu’une antenne similaire à celle de Guwahati pourra voir le jour au Cachemire, lorsque les moyens financiers disponibles le permettront.
Comme on le voit, l’ICM fournit un travail considérable dans le domaine des conflits, des insurrections et du terrorisme en Asie du Sud: il n’est pas étonnant qu’il se soit rapidement imposé comme une source d’information sans équivalent sur ces questions.
Description de l’ICM et de son travail sur son propre site:
http://www.satp.org/satporgtp/icm/index.html