Les kamikazes, ces terroristes qui se font sauter avec leur propre bombe, sont-ils nés de la pauvreté et de l’ignorance? Plusieurs recherches prétendent que contrairement à ce que l’on croit – ou contrairement à ce que leurs adversaires veulent nous faire croire – ils ne sont ni moins scolarisés ni moins riches que leurs compatriotes.
Agence Science-Presse (14 mars 2003) – Ce qui ne facilite pas la tâche de ceux qui tentent d’éradiquer le mal à sa source. On prétend souvent, en effet, qu’une meilleure éducation servirait de remède au terrorisme. Ce n’est pas aussi simple, analyse Scott Atran, du CNRS-Institut Jean Nicod, à Paris. Ce qu’il faut à ces communautés d’où émergent les terroristes, c’est “d’apprendre à minimiser la réceptivité des recruteurs chez les gens ordinaires“. En d’autres termes, faire en sorte que le discours propagandiste n’ait plus prise dans leurs esprits.
![Après un attentat suicide au Sri Lanka, 29 octobre 2001 [source: www.spur.asn.au].](https://www.terrorisme.net/wp-content/uploads/2016/06/suicide_bomb_29_oct_2001_narahenpita.jpg)
Après un attentat suicide au Sri Lanka, 29 octobre 2001 [source: www.spur.asn.au].
Sauf que dans tous ces cas, il y a un point commun, que ce soit aujourd’hui ou il y a 2000 ans. Si la personne qui choisit de se sacrifier le fait volontairement, elle n’en agit pas moins, chaque fois, systématiquement, sous une pression du groupe ou d’un individu charismatique.
C’est donc là que se trouve le nœud à trancher. La première ligne de défense ne peut pas être une attaque directe contre l’ennemi, par définition évanescent. Il faut plutôt empêcher les gens de devenir terroristes. Et nous sommes très mal partis si nous persistons à voir dans ces kamikazes des fous ou des lâches (cette dernière interprétation étant celle qu’a donné George Bush au lendemain des attentats du 11 septembre): même une personne saine d’esprit peut être poussée à accomplir des actes barbares, comme l’a démontré il y a longtemps le psychologue Stanley Milgram avec sa célèbre expérience au cours de laquelle un individu ordinaire était poussé à donner des chocs électriques (qu’il croyait réels) à un acteur payé pour simuler la souffrance.
Ce qu’il faut, c’est d’arriver à comprendre comment se fait cette connection entre l’individu charismatique et le futur terroriste. Pourquoi des individus tout à fait sains de corps et d’esprit réagissent ainsi. Pourquoi ils sont plus enclins que d’autres à voir le monde en noir et blanc: tous les bons sont de leur côté, et tous les méchants de l’autre. Certains sont passés par les mêmes écoles, voire les mêmes universités que leurs compatriotes, et pourtant eux seuls ont conservé cette vision manichéenne de l’univers. Pourquoi cela?
![Cadavre d'un terroriste-suicide à Kandy (Sri Lanka), 25 janvier 1998 [source: www.spur.asn.au].](https://www.terrorisme.net/wp-content/uploads/2016/06/maligawa12.jpg)
Cadavre d’un terroriste-suicide à Kandy (Sri Lanka), 25 janvier 1998 [source: www.spur.asn.au].
Bref, prétendre que la pauvreté et l’ignorance sont les seules sources du terrorisme fournit de belles phrases aux politiciens, mais ne conduit qu’à repousser le moment où l’on cherchera véritablement à comprendre les racines du problème.
Références: Scott Atran, “Genesis of Suicide Terrorism”, Science, volume 299, numéro 5612, 7 mars 2003, pp. 1534-1539.
Cet article a été publié par l’Agence Science-Presse. Etablie au Canada, l’Agence Science-Presse est une agence de presse qui, depuis le 21 novembre 1978, alimente les médias en informations sur la science et les nouvelles technologies. Son site Internet a été lancé en 1996.
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