Un éventuel renoncement aux attentats suicides de la part de Hamas représenterait-il un tournant politique ou un simple revirement tactique temporaire? Les avis sont partagés. Mais la réalité de Hamas ne se réduit pas au terrorisme, comme l’admettent également les observateurs israéliens. Le groupe espère prendre la relève d’Arafat et de l’Autorité palestinienne.
Malgré l’absence de résultats, les récentes discussions menées au Caire à l’invitation du gouvernement égyptien au sujet d’un éventuel cessez-le-feu ont donné lieu à plus d’une spéculation.
Selon des hauts responsables des services de sécurité palestiniens, Hamas ne verrait dans une éventuelle suspension des attentats qu’une “tactique temporaire“. La direction du mouvement islamiste palestinien se dit en effet certaine que les attentats portent de sérieux coups (y compris psychologiques) aux Israéliens et pose en échange de leur abandon des conditions irréalisables: les dirigeants de Hamas sont de toute façon certains que les Israéliens ne respecteront pas des accords passés avec des Palestiniens, ce qui leur donnerait toujours des justifications pour reprendre des attentats après une trêve.
Cependant, les récentes discussions du Caire donnent aux experts de la région l’occasion de rappeler que le but de Hamas est politique. Le mouvement recourt certes au terrorisme, mais celui-ci ne constitue qu’un outil parmi d’autres dans l’arsenal d’un groupe dont l’objectif est de prendre la tête de la population palestinienne.
Participer aux discussions du Caire représentait ainsi pour Hamas une occasion d’être reconnu comme interlocuteur clé, sans lequel aucun résultat ne peut être atteint, notent plusieurs commentateurs.
Dans une intervention révélatrice, le 6 février 2003, Mahmoud Zahar, l’une des figures de proue de la branche politique de Hamas, a déclaré à l’Associated Press que son mouvement était prêt à prendre la direction de la Palestine et disposait “politiquement, financièrement et socialement” de l’infrastructure nécessaire pour cela.
Hamas souhaite cependant y parvenir par des moyens pacifiques (par rapport à ses concurrents palestinien), d’autant plus qu’il ne serait pas dans l’intérêt du mouvement de créer des divisions violentes au sein de la société palestinienne. Les attentats ne doivent pas faire oublier le projet politique (bien plus large) de Hamas.
Dans une intéressante analyse publiée par le Jerusalem Report (10 février 2003), Isabel Kershner cite une source bien informée qui estime que pourrait se produire un “glissement [de Hamas] vers le pragmatisme“. Et d’ajouter: “Ils ne vivent pas dans un monde complètement différent.”
La compétition entre groupes palestiniens autour des attentats (suicides ou non) par rapport à l’image qu’espèrent projeter ces mouvements dans la population palestinienne est manifeste: on l’a vu encore avec les multiples revendications qui ont accompagné la destruction d’un engin blindé le 15 février 2003. Mais le recours à des méthodes identiques ne signifie pas approche politique commune: si Hamas a au moins accepté de participer aux discussions du Caire, les tentatives de convaincre son concurrent, le Jihad islamique, de faire de même ont en revanche échoué.
Plusieurs personnes interrogées par Isabel Kershner soulignent cependant que la difficulté d’aboutir à une décision unanime ne tient pas seulement à l’intransigeance du Jihad islamique. Au sein même de leurs organisations, Hamas et – plus encore – le Fatah sont loin de présenter un front uni.
Cela dit, nous pouvons nous demander si une éventuelle décision de Hamas de suspendre les attentats suicides ne serait pas également la conséquence d’autres considérations.
Tout d’abord, si les attentats bénéficient de l’approbation d’une partie substantielle de la population palestinienne, sur le plan international leur poursuite n’est pas vraiment de nature à conférer au groupe la respectabilité qu’il recherche, dans le présent contexte de “guerre contre le terrorisme”.
Ensuite, comme le soulignait récemment le réputé quotidien israélien Haaretz, pour un attentat suicide “réussi”, quinze seraient déjoués par les forces israéliennes. Même si chaque attentat qui atteint sa cible représente un coup dur, avec les victimes etg le traumatisme qui l’accompagnent, le prix à payer par l’organisation qui commet les attentats est également de plus en plus lourd à payer (tout en cimentant certes, dans une stratégie d’escalade, des haines toujours plus fortes en raison des représailles qui succèdent immanquablement aux attentats).
Enfin, les Palestiniens doivent bien admettre que, malgré les atteintes portées à l’image d’Israël dans l’opinion internationale, leur situation est sombre après deux ans et demi de l’actuelle intifada: territoires réoccupé, coupés les uns des autres, etc.
Ce sont aussi des considérations qui pourraient peser dans la balance. Mais même une hypothétique suspension des attentats suicides ne les empêcherait pas totalement, surtout après l’accumulation de violences et de difficultés entraînée par les développements de ces dernières années.
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