Après l’attentat de Mombasa, nombreux étaient ceux qui s’attendaient à voir Israël saisir l’occasion de devenir un partenaire clé de la “guerre contre le terrorisme” lancée sous l’égide des Etats-Unis. En réalité, des voix autorisées en Israël appellent à la prudence, comme le révèle la lecture de la presse de ce pays.
Dans l’édition du 9 décembre 2002 du Jerusalem Post, Shlomo Gazit, ancien chef du renseignement militaire et aujourd’hui membre de la direction de ce grand quotidien, souligne que ces attentats (dont l’un – celui contre un avion israélien à l’aide de missiles – a échoué) sont différents de ceux auxquels se trouve le plus souvent confronté l’Etat d’Israël, précisément parce qu’ils n’ont pas eu pour auteurs des Palestiniens et aussi parce qu’ils s’inscrivent dans le contexte d’une série d’attentats commis internationalement contre différentes cibles.
Shlomo Gazit appelle cependant ses compatriotes à garder la tête froide dans les réactions face à ce développement. Israël, dit-il, ne dispose pas d’un arsenal illimité de possibilités pour une telle confrontation.
“La confrontation limitée que nous avons déjà dans notre conflit ‘privé’ avec les Palestiniens suffit. Plus nous minimiserons le rôle d’Israël dans le conflit global, mieux ce sera pour nous. Si nous nous plaçons à l’avant-plan du combat contre le terrorisme international, nous nous exposerons aux réactions considérables de ce terrorisme international.”
Et Shlomo Gazit de conclure: “Il serait sage pour Israël de laisser l’Amérique mener cette guerre.”
Ce n’est pas une réaction isolée. Sous le titre “Israël contre Al Qaïda“, le numéro du 30 décembre 2002 d’un magazine israélien réputé, le Jerusalem Report, consacre cinq pages à un reportage bien renseigné signé par Ina Friedman.
Selon l’enquête menée par le magazine, les experts israéliens admettent que leur pays a certes acquis une expérience particulière en matière de la lutte contre des actes contre le terrorisme, mais qu’il s’agit d’un combat bien plus difficile que celui mené jusqu’à maintenant contre des groupes palestiniens.
Les premières réactions officielles ont certes été très offensives. Le premier ministre Ariel Sharon s’est ainsi empressé d’affirmer que “le long bras [d’Israël] atteindra les terroristes“, tandis que Ephraim Halevy, ancien chef du Mossad, qui préside actuellement le Conseil national de sécurité d’Israël, a déclaré qu’il fallait réagir exactement comme si l’attentat contre l’avion s’était terminé par une désastre. Ariel Sharon a d’ailleurs immédiatement donné des instructions au Mossad pour s’engager dans une campagne contre ce nouvel ennemi.
Face à ces attitudes martiales (et qui le sont d’autant plus que des échéances électorales approchent), Shlomo Gazit n’est cependant pas le seul analyste israélien à inciter à la prudence, ne serait-ce qu’en raison du poids que l’intifada fait déjà peser sur les ressources économiques et militaires du pays.
Al Qaïda, font remarquer ces analystes, est un réseau mondial, et analyser toutes les informations qui peuvent être pertinentes demande des efforts énormes aux services américains, en raison même de la masse des données récoltées.
Les mêmes voix soulignent que la situation actuelle est différente de ce qu’a connu Israël précédemment, puisque plusieurs pays, les Etats-Unis en tête, sont activement engagés dans la “guerre contre le terrorisme”.
Cependant, il est probable que le Mossad le crédit de 200 millions de dollars qu’il a demandé pour recruter de nouveaux agents, établir des installations et améliorer son équipement. En effet, d’autres analystes israéliens ont le sentiment que leur pays ne peut pas simplement compter sur ce que feront les pays engagés dans l’offensive antiterroriste. Ils font en outre valoir que le Mossad dispose d’une expérience dans des activités telles que le recrutement d’agents dans des pays arabes, les actions dans des régions de crise où le contrôle gouvernemental est faible et des actions de désinformation visant des groupes terroristes.
En tout cas, relate Ina Friedman, les analystes s’accordent pour estimer que la clé du succès sera la coopération entre les services de différents pays. Israël devra en outre tenir compte de facteurs diplomatiques avant de décider d’éventuelles interventions directes.