Le gouvernement a décidé de réduire les dépenses de différents ministères afin de pouvoir consacrer plus d’argent à la lutte contre les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur dans le Nord du pays.
Notamment pour un pays aux ressources limitées, une insurrection peut lourdement peser sur le budget national. Le cas de l’Ouganda vient de le montrer à nouveau. Au mois d’octobre, le Ministère de la Défense a demandé aux différents services officiels de trouver des moyens d’économiser, afin de pouvoir allouer des sommes plus importantes à l’armée pour lui permettre de lutter contre l’Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA). Les autorités ougandaises affirment que les bailleurs de fonds étrangers qui soutiennent l’Ouganda se montrent compréhensifs: pas seulement en raison de l’actuel climat de “guerre contre le terrorisme”, mais surtout parce que la pacification du Nord du pays constituerait un pas important pour la stabilité de l’Ouganda. Certains donateurs s’interrogent cependant sur la sagesse de réduire le budget dans tous les domaines et s’inquiètent notamment pour le secteur de la santé.
En tout cas, les coûts de la guerre sont lourds pour l’économie ougandaise: seize ans de troubles dans le Nord ont déjà coûté des centaines de millions de dollars. Selon un rapport que viennent de publier des oeuvres d’entraide actives dans la région, la campagne lancée cette année (voir plus bas) aurait déjà coûté plus de 250 millions de dollars.
Un mouvement impitoyable, en lutte depuis les années 1980
Les conséquences sur le plan humanitaire sont également graves. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées par suite de ce conflit. L’Armée de résistance du Seigneur était née dans la seconde moitié des années 1980, sur les cendres d’un groupe précédent, le Holy Spirit Movement. Le chef de l’Armée de résistance du Seigneur, est un neveu d’Alice Lakwena, qui avait dirigé le Holy Spirit Movement en 1986-1987, avant d’être défaite par les forces armées ougandaises et de devoir fuir au Kenya. Le mouvement d’Alice Lakwena avait bénéficé de sympathies dans la population d’ethnie acholi en raison de ressentiments éprouvés par cette population. Les exactions de l’Armée de résistance du Seigneur semblent cependant avoir considérablement érodé le capital de sympathie initialement existant.
L’Armée de résistance du Seigneur a en effet surtout retenu l’attention internationale en raison d’atrocités commises. C’est notamment le recrutement forcé d’enfants-soldats qui lui a valu une image peu flatteuse et les critiques très vives d’organisations humanitaires (par exemple un rapport d’Amnesty International sur l'”enfance détruite” en 1997). Des jeunes filles enlevées sont utilisées pour la satisfaction sexuelle des responsables du groupe rebelle. Les traitements infligés à la population civile afin de la terroriser (membres coupés et exécutions, sans parler des “réquisitions” de nourriture) sont également du nombre des méfaits régulièrement attribués à l’Armée de résistance du Seigneur.
Le groupe résiste mieux que prévu à la dernière offensive ougandaise
Depuis plus de deux ans, la situation était relativement calme et l’on commençait à avoir l’impression que la menace présentée par l’Armée de résistance du Seigneur diminuait et que le groupe se trouvait sur la défensive, d’autant plus que le soutien longtemps reçu du gouvernement du Soudan s’était quasiment interrompu à la suite du rétablissement des relations diplomatiques entre l’Ouganda et le Soudan en 1999 – même si l’Ouganda avait d’abord exprimé un certain scepticisme quant à l’interruption de l’appui soudanais. Le gouvernement soudanais avait même laissé entendre alors que Kony avait été placé en résidence surveillée.
Le 10 mars 2002, les deux pays avaient signé un accord autorisant les forces armées ougandaises à poursuivre les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur sur territoire soudanais. L’Ouganda avait ainsi lancé une offensive contre les bases rebelles dès la fin du mois de mars (opération Iron Fist), détruisant plusieurs de celles-ci et des stocks de nourriture. Les officiers ougandais se disaient confiants de venir enfin à bout du groupe, dont les effectifs sont estimés à quelque 3.000 combattants. Le gouvernement ougandais s’est par ailleurs déclaré prêt à plusieurs reprises à discuter avec les rebelles, voire à les faire bénéficier d’une amnistie en échange de leur renoncement à la lutte armée, comme cela s’est déjà fait avec d’autres groupes en Ouganda.
Cependant, depuis le mois de juin 2002, les rebelles ont à nouveau mené de nombreuses opérations, sans qu’il soit aisé de déterminer ce que cela signifie (réaction désespérée d’un mouvement acculé ou résistance nettement plus importante que prévu?). L’un des objectifs des forces armées ougandaises est maintenant de détruire les repaires utilisés par le mouvement et de couper les routes par lesquelles les militants s’enfuient après leurs offensives. Les rebelles se montrent très mobiles et évitent toute bataille frontale.
La LRA figure désormais sur une liste américaine de groupes terroristes
En général, le groupe est présenté comme aspirant à remplacer l’actuel système ougandais par un nouveau régime fondé sur les Dix Commandements. Durant quelque temps, dans la seconde moitié des années 1990, il existait à Washington un “Comité des affaires étrangères” de l’Armée de résistance du Seigneur, qui affirmait représenter le point de vue de celle-ci. Les documents qu’il avait publiés tentaient de donner une image du mouvement plus politique que celle d’un groupe fanatique qui lui est habituellement associée. Selon un manifeste alors publié, l’objectif était le développement d’une “démocratie multipartite” en Ouganda. Le groupe insistait également sur sa volonté de coordination avec d’autres mouvements d’opposition ougandais. Dans un exposé prononcé le 5 avril 1997 par James Obita (un homme d’affaires qui fut le responsable des relations internationales du mouvement de 1996 à 1998) lors d’une conférence organisée par des groupes d’ethnie acholi à Londres dans le cadre d’une initiative dite de Kacoke Madit pour essayer de rétablir la paix dans la région, on pouvait lire:
“La propagande du régime Museveni [le président de l’Ouganda] et des médias, selon laquelle la LRA est un groupe de fondamentalistes chrétiens aux croyances bizarres dont l’objectif est de renverser le régime Museveni et de le remplacer par un système de gouvernement fondé sur les Dix Commandements de la Bible, […] doit être rejetée avec tout le mépris qu’elle mérite.”
La représentation de l’Armée du résistance du Seigneur à Washington semble avoir disparu depuis longtemps, de même que le site Internet qui fut mis en ligne durant quelque temps en 1997. Même si cette délégation aux Etats-Unis avait poursuivi son activité, elle aurait probablement été contrainte de fermer ses portes en 2001: en effet, après avoir fait l’objet de l’une ou l’autre mention fugitive dans des rapports américains sur le terrorisme ces dernières années, l’Armée de résistance du Seigneur a été placée le 5 décembre 2001 sur une liste de 39 organisations dont les membres sont interdits d’entrée sur territoire américain ou doivent en être expulsés s’ils s’y trouvent (Terrorist Exclusion List, en application de l’USA Patriot Act). Elle s’y trouve aux côtés de groupes islamistes radicaux ou d’extrême-gauche ainsi que de groupes terroristes irlandais et de groupes rwandais impliqués dans le génocide.