Ancien conseiller pour les questions de terrorisme auprès du bureau du chancelier allemand, Guido Steinberg est actuellement collaborateur scientifique auprès de la fondation Science et Politique (Stiftung Wissenschaft und Politik), un important think thank basé à Berlin. Spécialiste de l’Arabie Saoudite, Guido Steinberg est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. Dans son intéressant livre Der nahe und der ferne Feind. Das Netzwerk des islamistischen Terrorismus (en allemand, Beck, Münich 2005), il décrit avec précision le développement et les ramifications des réseaux terroristes islamistes dans le monde.
Entre «ennemi proche» et «ennemi éloigné»
Terrorisme.net – Votre ouvrage se concentre sur la distinction entre «ennemi proche» et «ennemi éloigné». Ce dernier concept a cependant subi un développement, des réflexions d’Abdullah Azzam au concept utilisé par Ben Laden. Pourriez-vous esquisser ce développement?
Guido Steinberg – Cette distinction entre “ennemi proche” et “ennemi éloigné” est absolument fondamentale pour les débats stratégiques menés au sein des cercles jihadistes. En effet, ces deux concepts décrivent différents types de cibles: l’ennemi proche fait référence aux régimes des pays musulmans qui sont dans le collimateur de certains groupes islamistes, alors que l’ennemi éloigné fait référence à Israël, aux Etats-Unis, au monde occidental dans son ensemble – c’est-à-dire l’ennemi que l’on ne peut attaquer directement lorsque l’on vit dans le monde musulman – ou les Etats qui soutiennent les régimes au pouvoir dans les pays d’origine des jihadistes. Selon cette dernière interprétation, l’ennemi éloigné peut donc varier: pour les groupes jihadistes saoudiens, il s’agit des Etats-Unis, pour les Egyptiens, il s’agissait pendant longtemps d’Israël puis des Etats-Unis. Pour le GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) algérien, l’ennemi éloigné est en premier lieu la France, même si ces dernières années, on a constaté que les Etats-Unis avaient également endossé ce rôle.
Pour ce qui est du développement d’Al Qaïda, on a assisté à un changement de paradigme. Les débats parmi les militants égyptiens dans les années 1990 ont joué un rôle décisif dans ce changement. En effet, depuis les années 1970, les militants égyptiens se sont toujours battus contre leur ennemi proche, le régime d’Anouar El Sadat puis le régime d’Hosni Mubarak. Au milieu des années 1990, ces militants sont arrivés à la conclusion que leur combat contre l’ennemi proche n’aboutirait pas à un victoire. Le soulèvement de 1992 avait déjà échoué. On a observé deux types de réactions face à cet échec: d’une part, l’abandon de la violence par la Jamaa al-Islamiyya mais également un changement de cibles initié notamment par Ayman Al-Zawahiri, changement qui visait dorénavant les Etats-Unis.
Terrorisme.net – Comment interpréter alors le conflit en Bosnie et l’engagement de vétérans d’Afghanistan dans le conflit. S’agissait-il déjà de se battre contre un ennemi éloigné?
Guido Steinberg – Le conflit bosniaque a pris fin en 1995 avec l’accord de Dayton. Il faut noter que c’est cette année-là que l’on observe, notament dans les débats théoriques au sein de cercles jihadistes égyptiens, les premiers signes de ce changement paradigme, sous l’impulsion d’Ayman Al-Zawahiri. Mais pour autant que je sache, la stratégie en tant que telle n’existait pas encore. Concernant votre question, il faut ici également distinguer entre le jihad d’Al Qaïda et un jihad plutôt traditionnel, défendu par Abdullah Azzam qui ne distinguait pas entre ennemi proche et ennemi éloigné, mais avait pour objectif de libérer les territoires musulmans de la domination de non-musulmans. Il s’agissait de pays ou de régions comme l’Afghanistan, la Bosnie ou l’Asie centrale. Dans ce sens, la doctrine d’Azzam correspond au droit la guerre islamique classique.
Terrorisme.net – Ce concept d’Abdullah Azzam d’un jihad plus traditionnel qui vise à libérer les pays musulmans de la domination de non-musulmans joue-t-il encore un rôle?
Guido Steinberg – Oui, je pense qu’il joue encore un rôle dans le cas du conflit en Irak. J’ai le sentiment qu’il est beaucoup plus facile de recruter des volontaires en ayant recours à un concept plus traditionnel de jihad, tel que défendu par Abdullah Azzam. D’un point de vue idéologique, il est par exemple indiscutable pour de nombreux religieux saoudiens que la lutte menée en Irak constitue un combat justifié qui vise à libérer un pays musulmans occupé par des non-musulmans, comme ce fut le cas en Afghanistan ou en Palestine. Par contre, il est beaucoup plus difficile de recruter des jeunes musulmans volontaires pour un jihad dans le style d’Al Qaïda qui vise simultanément des cibles proches et éloignés, ainsi que des membres de la même religion, comme dans le cas des chiites.
Terrorisme.net – Dans votre ouvrage, vous écrivez que «l’orientation idéologique fortement anti-américaine d’Al Qaida laisse supposer qu’ultimement son but est la destruction des Etats-Unis» (p. 25). Dans quelle mesure cette thèse est-elle compatible avec votre distinction entre ennemi proche et ennemi éloigné, dans la mesure où il s’agit dans le cas de l’ennemi éloigné de faire pression sur lui pour influencer sa politique étrangère (comme par exemple de cesser le soutien à Israël ou aux régimes autoritaires dans le monde arabe et musulman)?
Guido Steinberg – Les stratèges d’Al Qaïda sont en premier lieu des réalistes lorsqu’il s’agit des débats sur le militantisme. La réflexion de base du changement de stratégie d’Al Qaïda visait en premier lieu à exercer une pression sur les Etats-Unis afin que ceux-ci se retirent du monde arabe puis musulman. Qui plus est, les débats stratégiques n’ont pas nécessairement pris position sur une éventuelle continuation de la lutte, sur une vision à plus long terme du monde. Concernant Ben Laden, on peut partir du principe, selon les informations dont l’on dispose sur lui, qu’il défend une vision qui inclurait une destruction des Etats-Unis et un objectif beaucoup plus concret: la destruction d’Israël. Ces dernières réflexions ne jouent pourtant qu’un rôle secondaire dans les débats stratégiques.
Al Qaïda et résistance sans leader
Terrorisme.net – Selon vous, le recours à des structures de résistance sans leader par Al Qaida serait lié à la perte du sanctuaire afghan. Ne doit-on cependant pas voir dans les écrits d’AbuMusab Al-Suri et en particulier son Appel à la résistance islamique globale où il développe la réflexion du «system, la tanzim» (système mais pas organisation) une influence majeure dans la mesure où il se serait même vanté d’avoir influencé les cellules responsables des attentats de Londres et Madrid?
Guido Steinberg – Même si mon ouvrage considère partiellement les réflexions d’Al Suri, les connaissances qu’on a de son Appel à la résistance islamique globale ont singulièrement progressé depuis la parution de mon ouvrage Der nahe und der ferne Feind. Das Netzwerk des islamistischen Terrorismus en novembre 2005.
Cette transition vers des structures de résistance sans leader est tout d’abord une réaction à la perte des anciennes «conditions de travail» en Afghanistan, des opportunités d’entraînement etc. Des penseurs comme Al-Suri avaient déjà réfléchi à des structures décentralisées de résistance sans leader au préalable et ces réflexions sont devenues influentes seulement après 2001. C’est seulement lorsque sur les événements sur le terrain ont donné raison à Al-Suri qu’il est devenu très influent. En d’autres termes, celui-ci profite de l’opportunité offerte par les événements pour développer de manière systématique l’idée de Louis Beam. Du fait que les réflexions stratégiques sur des structures de résistance sans leader existaient depuis longtemps, je pense que ce sont les événements sur le terrain qui sont ici décisifs.
Vous citez les attentats de Londres: pour ma part, je suis convaincu qu’il ne s’agit pas d’actes de résistance sans leader (ni d’ailleurs à Madrid), mais d’attentats où l’on retrouve des liens très concrets avec une organisation terroriste.
Terrorisme.net – En d’autres termes, si les attentats de Londres et de Madrid ne sont pas des attentats de résistance sans leader, pensez-vous que des attentats sur ce modèle soient une possibilité qui apparaîtra dans le futur?
Guido Steinberg – La réflexion théorique est effectivement déjà présente. Il faut cependant se poser la question des lecteurs potentiels d’Al-Suri: qui le lit vraiment dans les réseaux jihadistes ? Il y effectivement des militants, mais je ne suis pas sûr que beaucoup soient en mesure de lire et surtout de comprendre les 1600 pages de l’Appel à la résistance islamique globale. Il a évidemment rédigé des contributions plus brèves, mais j’ai mes doutes sur la véritable influence d’Al-Suri.
A cela s’ajoute «qu’en face», c’est-à-dire dans les services de renseignement et de sécurité européens, cette idée d’une résistance sans leader a été prise très au sérieux. Pour ma part, je crois qu’il ne s’agit que d’un modèle idéal dont les militants se rapprochent petit-à-petit mais que l’on n’a pas encore observé dans sa forme la plus «pure». Dans tous les cas d’attentats importants, il y a des indices d’hommes qui tirent les ficelles en sous-main, que les auteurs n’ont pas agi de manière totalement indépendante, même s’il est vrai que les militants deviennent de plus en plus indépendants, de plus en plus imprévisibles. Il s’agit donc d’un modèle idéal, d’une tendance, mais pas encore d’une réalité sur le terrain.
Terrorisme.net – On a pu lire ces dernières semaines qu’Al Qaïda aurait probablement retrouvé une base à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan. Dans quelle mesure cette nouvelle base pourrait-elle avoir une influence sur le fonctionnement de l’organisationet les structures de résistance sans leader?
Guido Steinberg – Je pense qu’il faut être très prudent avec ces informations qui viennent en premier lieu de cercles du renseignement américain et qui sont ensuite reprises et amplifiées par les médias américains et européens. En effet, il faut le dire, les Américains sont, dans leur lutte contre le terrorisme, presque paranoïques. Cependant ces informations ont probablement un fond de vérité, c’est-à-dire qu’il semble que l’organisation Al Qaïda d’Ousama Ben Laden et d’Ayman Al-Zawahiri ait plus ou moins réussi à retrouver une influence sur les aspects opérationnels de la lutte.
Selon moi, il y a certains indices dans le cas des attentats de Londres selon lesquels le lien avec les réseaux pakistanais ait été très présent. Au niveau de ces réseaux, je pense qu’on a assisté en 2004- 2005 à un rapprochement ou à une collaboration plus forte avec les dirigeants d’Al Qaïda. On peut ainsi parler d’une «pakistanisation» du noyau d’Al Qaïda. Je pense qu’il s’agit là d’une des caractéristiques principales du développement du réseau pour les années 2006 et 2007.
Simultanément, on a également assisté ces dernières années à l’émergence de groupes sur lesquels Al Qaïda n’a aucune influence opérationnelle, voire même aucune influence stratégique mais qu’y sont affiliés, comme par exemple le réseau d’Abu Musab Al-Zarqawi «Al Qaïda au pays des deux fleuves» (appelé également «Al Qai’da en Mésopotamie») et le GSPC qui a endossé le nom d’«Al Qaïda dans le Maghreb islamique». Je considère qu’il s’agit d’organisations indépendantes d’Al Qaïda, en particulier du fait que celles-ci ont gardé une orientation stratégique propre, comme par exemple dans le cas d’Al Qaïda en Irak qui présente une stratégie anti-chiite très forte, et qui a pour cette raison été critiquée par Ben-Laden et Al-Zawahiri.
Pour le cas d’Al Qaïda dans le Maghreb islamique, l’organisation se présente rhétoriquement comme Al Qaïda, mais dans la pratique, celle-ci est responsable d’attentats de type plutôt traditionnels, comme par exemple l’attentat d’Alger du 11 avril 2007. Dans ce dernier cas, il faut signaler que le GSPC qui a repris ce nom «Al Qaïda dans le Maghreb islamique» poursuit des buts plutôt «classiques» et que par conséquent, il s’agit plutôt de la même organisation avec un autre nom que d’une filière d’Al Qaïda.
Terrorisme.net – Selon vous, le GSPC aurait donc endossé ce nom d’Al Qaïda dans le Maghreb islamique à des fins de recutement, alors qu’en principe l’organisation n’a pas véritablement changé d’orientation?
Guido Steinberg – Oui, dans le cas de l’Algérie et de l’Irak, l’affiliation à Al Qaïda avait pour objectif d’accéder à des nouvelles sources de financement et de recrutement, stratégie qui a été couronnée de succès. Il faut cependant garder à l’esprit que de tels changements de stratégie développent ensuite une dynamique propre, ce que l’on peut par exemple observer au Maghreb où différents nouveaux groupes dont on ne connaît pas le lien exact avec le GSPC ont renforcé leurs activités. Je pense que cette internationalisation liée à l’affiliation avec Al Qaïda va conduire dans un premier temps à une «maghrébisation» des activités terroristes et peut-être à une internationalisation, notamment des activités contre la France, le Benelux et l’Espagne.
Terrorisme.net – Il s’agirait donc des ennemis éloignés pour ces groupes…
Guido Steinberg – Absolument. Je pense que justement du fait de ce nouveau nom «d’Al Qaïda dans le Maghreb islamique», le danger d’attentats dans des pays avec une communauté algérienne et nord-africaine importante a sensiblement augmenté.
Terrorisme.net – Vous vous attendez donc à des attentats qui viseraient des pays comme la France, l’Espagne ou les pays du Bénélux dans ces prochains mois?
Guido Steinberg – Je n’irais pas jusque-là. Exprimé de manière plus prudente, disons que cela ne me surprendrait pas. Comme Isabelle Werenfels et moi l’avons écrit dans une contribution publiée en février, je m’attends en particulier à des attentats au Maroc.
Il s’agit peut-être d’un autre thème, mais je crains des attentats en Allemagne, liés à l’engagement de la Bundeswehr en Afghanistan. A ce sujet – et c’est la raison pour laquelle je crains des attentats ici en Allemagne – on a observé ces derniers mois une multiplication des références à l’Allemagne dans les cercles jihadistes. De plus, on a également assisté à des attentats contre les Allemands et les troupes allemandes en Afghanistan, ou en Irak. Dans ce dernier cas, il y a eu des enlèvements de citoyens allemands où les ravisseurs exigeaient un retrait des troupes allemandes d’Afghanistan. Selon moi, le danger pour l’Allemagne augmente du fait qu’au sein de leur mission en Afghanistan dans les troupes de l’ISAF, l’Allemagne constitue l’un des points faibles: les jihadistes savent parfaitement qu’avec des actions minimes contre des Allemands, que ce soit en Afghanistan, en Irak ou ici en Allemagne, ils seront peut-être en mesure d’influencer le public de manière à empêcher un renouvellement du mandat en Afghanistan, mandat qui sera voté en octobre-novembre par le Bundestag. J’irais même jusqu’à dire que s’il devait y avoir une structure jihadiste en Allemagne bénéficiant de liens avec Al Qaïda, et que celle-ci soit en mesure d’exécuter des attentats, ces derniers pourraient avoir lieu en octobre-novembre cette année.
L’avenir du jihad
Terrorisme.net – Plusieurs auteurs ont mis en évidence ces derniers mois les lutes intestines au sein du mouvement jihadiste (Al Qaïda contre les Talibans au Waziristan, Al Qaïda contre d’autres groupes en Irak).Quelle est l’importance de ces luttes: pourraient-elles conduire à un affaiblissement significatif d’Al Qaïda? Dans quelle mesure de telles luttes constituent-elles une opportunité de combattre le mouvement jihadiste?
Guido Steinberg – Tout d’abord, il est important de relever ici qu’il y a toujours eu des luttes intestines au sein des mouvements terroristes islamistes et que l’idée d’un bloc islamiste monolithique telle qu’elle a été propagée après le 11 septembre n’est qu’un mythe. En Afghanistan déjà, Al Qaïda était une organisation extrêmement peu homogène, qui éprouvait d’énormes difficultés à rassembler sous une même enseigne les différents groupes combattants. Si l’on prend en considération le spectre des groupes terroristes islamiques à l’heure actuelle, ceux-ci ne sont pas plus ou moins fragmentés qu’à l’époque. Pour ce qui est d’Al Qaïda et des Talibans, je ne vois pas une grande fragmentation dans la mesure où ceux-ci poursuivent des intérêts plus ou moins similaires en Afghanistan et au Pakistan. On a cependant observé des conflits entre différents commandants arabes sur le terrain, comme par exemple Abu Laith Al-Libi qui opère encore en Afghanistan ou du moins y opérait encore il y a quelques temps. Al-Libi se bat maintenant aux côtés des Talibans et s’est séparé d’Al Qaïda du fait qu’il refuse la domination des Egyptiens dans l’organisation. Il existe donc effectivement des luttes intestines, mais on ne devrait pas les surestimer dans la mesure où les objectifs communs sont toujours présents, en particulier dans le cas de l’Afghanistan et du Pakistan.
Dans le cas de l’Irak, je ne considérerais pas cela comme un conflit entre jihadistes, mais comme un conflit au sein même du mouvement insurrectionnel irakien, qui est constitué selon moi de trois grands groupes: les Ba’athistes, les nationalistes-islamistes qui sont fortement orientés vers une cause nationale et combattent l’occupation et le nouvel Etat irakien, et les jihadistes qui ont d’une part des intérêts plus larges que les deux autres groupes et poursuivent une stratégie de guerre civile. Sur le terrain, les rivalités entre ces groupes affaiblissent Al Qaïda en Irak. Ceci est dû au fait que le mouvement de résistance manque tellement d’homogénéité qu’il est facile de monter les groupes les uns contre les autres: pour les nationalistes-islamistes, il s’agit en premier lieu de participer au futur pouvoir irakien et de conserver leur domination politique sunnite. Pour les jihadistes, il s’agit plutôt d’imposer une pureté de doctrine telle que prônée par Zarqawi. Par conséquent, je ne dirais donc pas qu’on assiste à des luttes intestines au sein du mouvement jihadiste, mais plutôt à des conflits entre des militants islamistes et des jihadistes, conflits qui mènent effectivement à un affaiblissement d’Al Qaïda en Irak, mais également d’Ansar As-Sunna, mais je ne crois pas que cet affaiblissement sera de longue durée: Al Qaïda en Irak et Ansar As-Sunna sont tellement forts qu’ils occuperont encore les Américains et le monde occidental, non seulement en Irak mais également au-delà.
L’entretien a eu lieu à Berlin (Allemagne) le 20 août 2007. Entretien et traduction: Jean-Marc Flükiger.