Certaines personnes ont soutenu que les médias ne devraient pas rendre compte de chaque opération-suicide, prise d’otages, ou déclarations de dirigeants terroristes. Selon ce point de vue, une telle couverture donne aux terroristes la publicité qu’ils recherchent. D’autres observateurs, pourtant, estiment que, dans des pays démocratiques, la liberté d’expression est prioritaire.
Londres, 30 janvier 2006 (RFE/RL) – – «Pour les démocraties, mettre un terme à la couverture médiatique de la violence politique serait, à mon avis, une grande erreur» déclare Paul Wilkinson, Directeur du Centre pour l’étude du terrorisme et de la violence politique de St. Andrews en Ecosse. «Si les médias sont capables de compte-rendus objectifs et factuels, ils peuvent contribuer à la discussion et aider au développement d’un débat plus critique qui, nous l’espérons, améliorera la politique à l’avenir. Il y a donc de grands avantages à disposer de médias libres.»
Wilkinson admet que les terroristes visent à obtenir de la publicité, mais souligne que le public a le droit d’être informé sur des développements internationaux majeurs.
Il reste pourtant des preuves manifestes que des groupes terroristes peuvent tirer bénéfice de l’accès aux médias et même des compte-rendus médiatiques de la violence.
Négocier avec les preneurs d’otages
Le European Journal of Social Psychology, périodique réputé dans son domaine, a publié récemment un rapport affirmant que 16%des gens sont enclins à négocier avec les terroristes après avoir vu des images d’otages désespérés à la télévision.
Wilkinson souligne que la plupart des grands médias renoncent à publier des images et des articles particulièrement horribles et qu’il s’agit de la manière correcte d’aborder ce problème.
Certains experts cependant qu’il est facile de franchir par inadvertance la limite entre la couverture d’un événement et la diffusion de propagande pour le groupe terroriste.
Essayer de détruire la liberté d’expression
Ali Reza Nourizadeh est directeur du Centre des études arabo-iraniennes (Arab-Iranian Studies Center) à Londres. Il déclare que «faire le compte-rendu d’une atrocité représente une nécessité», mais que les médias ne devraient pas diffuser des messages des terroristes eux-mêmes.
«Je ne comprends pas pourquoi certains réseaux d’informations américains et européens donnent une telle importance aux messages du chef d’Al-Qaeda, Osama ben Laden, et à la dernière déclaration du numéro 2 d’Al Qaida, Al Zawahri – diffusés par le réseau d’informations Al-Jazeera nuit et jour – et quels objectifs ils espèrent atteindre» déclare-t-il. «Au bout du compte, il s’agit d’un terroriste qui se moque des milliers de personnes tuées dans les attentats du 11 septembre, Afghanistan et en Iraq.»
Nourizadeh ajoute que les terroristes abusent de la liberté d’expression pour atteindre leurs propres objectifs, qui incluent souvent la destruction de la démocractie et la liberté d’expression».
Analyser les déclarations des terroristes
Pourtant, Wilkinson maintienz que c’est un avantage que de pouvoir obtenir toutes sortes d’informations utiles sur les terroristes par le biais des médias. Ces informations incluent les déclarations des leaders terroristes qui permettent aux experts d’évaluer leur santé et leurs intentions, par exemple. Ceci contre-balance le fait que ces messages pourraient inciter certaines personnes à encourager les buts des terroristes.
Wilkinson ajoute que la station de télévision Al-Jazeera, souvent critiquée par les leaders occidentaux, vérifient les déclarations et que ses jugements ne diffèrent que rarement de ceux des experts de reconnaissance vocale de la CIA. Il affirme également que les compte-rendus des médias sur les attaques terroristes contre les civils ont permis de retourner l’opinion publique contre les terroristes.
«Je n’ai pas l’impression que malgré toute sa propagande, Al Qaida ait soudain conquis l’opinion publique du monde musulman», déclare-t-il. «Au contraire, je crois qu’il y a eu des réactions très fortes dans un passé proche, en particulier suite à ces atrocités en Irak où les terroristes ont massacré des chiites».
Juger chaque cas individuellement
Comme les médias, la plupart des journalistes réagissent avec prudence. Lord William Rees-Mogg est l’ancien rédacteur en chef du journal londonien The Times. Il déclare que les médias doivent se comporter de manière responsable et qu’il n’est pas toujours juste de faire de la publicité à ceux qui la recherchent. Chaque cas doit être jugé individuellement.
«Je ne pense pas qu’il s’agisse simplement de bon sens» dit-il. «Un compte-rendu peut-il contribuer à mettre des vies en danger, voire à tuer des gens ? C’est une question qui doit être sérieusement évaluée. S’agit-il d’une information importante pour le grand public, même si elle n’est pas agréable ? La réponse n’est pas la même dans tous les cas. Les journaux doivent faire preuve de nuances. Parfois, il est juste de publier et parfois il n’est pas faux de publier». Rees-Mogg conclut cependant qu’il est mieux pour le public d’être bien informé.
Jan M.P. Jun
© 2006 RFE/RL, Inc. Publié avec la permission de Radio Free Europe/Radio Liberty, 1201 Connecticut Ave., N.W. Washington DC 20036.
Website: http://www.rferl.org/
Traduction: Jean-Marc Flükiger.