La police israélienne a déclaré avoir interrogé plusieurs extrémistes juifs qui parlaient de tirer un missile contre un des sites saints les plus importants de l’Islam à Jérusalem. Au même moment, des centaines de manifestants ont été arrêtés pour avoir bloqué des routes dans tout le pays pour protester contre le plan de retrait de Gaza du gouvernement.
Cet article est la traduction de l’article mis en ligne précédemment en langue anglaise sur ce site, suivi de la synthèse d’un article bien informé paru l’an dernier à ce sujet dans un quotidien israélien.
Jérusalem, 17 mai 2005 – La police israélienne a déclaré avoir arrêté ce dernier mois une poignée d’extrémistes juifs, les soupçonnant d’un complot visant à attaquer le Dôme du Rocher, un des sites les plus saints de l’Islam.
La police a déclaré que plusieurs personnes incarcérées avaient admis avoir discuté l’achat d’un missile anti-tank pour le tirer contre un complexe de mosquées. Les suspects ont également avoué avoir planifié le tir du missile, de jeter des grenades contre les forces de sécurité israéliennes qui se seraient approchées pour les appréhender puis de se suicider.
Le complot a apparemment été abandonné par manque de moyens financiers et de savoir-faire.
La police a avoué manquer de preuves pour retenir ces suspects et les a relâchés sous plusieurs réserves, sans les inculper.
A plusieurs reprises, les forces de sécurité israéliennes ont mis en garde contre des tentatives d’attaques par des extrémistes juifs du Haram al-Sharif, qui abrite le Dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsa. Une telle attaque provoquerait probablement une flambée de violence non seulement en Israël, en Cisjordanie et Gaza, mais dans tout le Moyen-Orient.
Les informations sur le complot n’ont été révélées que lundi dernier et tombent à une période de tensions croissantes provoquées par le plan de démantèlement des colonies juives de Gaza et de petites portions de la Cisjordanie qui débutera en août.
Des centaines d’opposants au plan ont bloqué des routes et organisé des sit-ins dans tout le pays lundi soir, paralysant le trafic pendant des heures.
Environ 150 personnes ont manifesté à Gilo, un quartier à la périphérie de Jérusalem, construit sur sol palestinien annexé par Israël. Jaqueline Esther Levensen faisait partie des manifestants.
“On parle de déraciner des juifs qui perdront leur foyer”, a-t-elle déclaré.
“Il est important que la jeunesse comprenne que nous perdons le pays et que nous devons [le] défendre et être sur nos gardes [et faire] tout ce qui est possible pour éviter ce déracinement”.
Plus de 300 manifestants, pour la plupart des jeunes gens, ont été arrêtés, alors que les organisateurs prévenaient qu’il ne s’agissait que d’un début.
Rédacteur au quotidien Yedioth Ahronoth, Yair Lapid a critiqué les manifestations de lundi les qualifiant de “festival d’auto-adoration” de la jeunesse des colonies. Mais les Israéliens bloqués pendant des heures dans les embouteillages ont pu en tirer une bonne leçon. Il a déclaré que le public connaît maintenant la difficulté de vivre avec des barrages routiers. “L’espace d’un instant”, écrit-il, “nous aussi avons été des Palestiniens” faisant référence aux barrages routiers et aux routes fermées par les militaires israéliens avec lesquels la plupart des Palestiniens ont dû vivre ces dernières années.
© 2005 Voice of America
Traduction: Jean-Marc Flükiger
L’arrière plan des actions extrémistes contre le Mont du Temple
Le 7 avril 2004, sous la signature de Nadav Shragai, le réputé quotidien israélien Haaretz avait publié un article évoquant les risques d’action d’extrémistes juifs contre le Mont du Temple afin de contrarier un retrait de la bamde de Gaza. Nous résumons ci-après quelques-unes des informations contenues dans cet article.
L’article de Nadav Shragai rappelait tout d’abord qu’en avril 1982, environ une année avant l’évacuation de Yamit (colonie du nord du Sinaï), plusieurs activistes du “Mouvement pour stopper le retrait du Sinaï” se rencontrèrent dans l’école de cette colonie. “Parmi les participants, on comptait les rabbins Zvi Tau, Yisrael Ariel et Oded Wolensky; Yehuda Harel du plateau du Golan et Shlomo Baum, un vétéran de l’Unité 101, le premier commando israélien des années 50; Avraham Mintz, dont le fils, Yehuda Etzion, fut impliqué deux ans plus tard dans le mouvement clandestin juif (Jewish Underground); et Galila Ron Feder, auteur de livres pour adolescents.”
Pendant ces discussions qui durèrent deux jours, les participants se demandèrent comment torpiller le retrait. Les idées mises en avant allèrent de l’assasiant du président égyptien sadate à une “action sur le Mont du Temple qui aurait un fort impact – comme par exemple la réunion de 10’000 personnes sur le Mont et leur maintien jusqu’à l’annulation du retrait – voire peut-être quelque chose de plus extrême”.
La discussions resta sans résultat concret: mais les participants ignoraient que des groupes clandestins avaient décidé de passer à l’action. “Quelques membres de l’organisation pensait que la démolition des mosquées sur le Mont du Temple constituerait un moyen efficace pour stopper le retrait et prévenir l’évacuation de Yamit. Presque 10 ans auparavant, sur fond des accords sur la séparation des forces au Sinaï qui avaient vu le jour à la fin de la guerre du Kippour, Yoel Lerner avait proposé la même idée, pensant qu’une attaque sur le Mont du Temple empêcherait tout groupe arabe de continuer le processus politique engagé avec Israël.”
Ce risque existe à nouveau aujourd’hui, estimait le Shin Bet il y a un an – une évaluation qui reste aujourd’hui d’actualité. Selon l’article alors publié par Haaretz, “l’hypothèse de travail du Shin Bet est la suivante : ceux qui, par le passé, considéraient le Mont du Temple comme un instrument légitime pour contrecarrer une manœuvre politique pourraient arriver aux mêmes conclusions à l’heure actuelle.” Les services de sécurité avaient été confortés dans ces vues par les aveux d’un personnage soupçonné d’appartenir à une organisation extrémiste juive: il avait donné le nom de trois membres d’un mouvement de jeunes activistes et avait ajouté que d’autres cellules – sans lien les unes avec les autres – envisageaient des attaques contre des mosquées.
Le Shin Bet s’efforce donc de déterminer quels sont les groupes potentiellement susceptibles de commettre une telle attaque:
“Les extrémistes des collines [de la Samarie], les centres de nouveaux religieux, les activistes du mouvement – interdit – Kach, les yeshivas où de jeunes gens étudient la cabale, les criminels devenus proches de la religion et qui ont accès à du matériel de combat et les individus déséquilibrés sous l’influence d’extrémistes politiques ou religieux sont sous surveillance.”
Mais la surveillance se révélait beaucoup plus difficile que par le passé: les extrémistes ont en effet tiré les leçons des expériences passées et se montrent plus habiles pour déjouer les mesures de surveillance.
Certes, la surveillance et la protection du site et des mosquées est aujourd’hui très professionnelle. Mais, expliquait l’article, les services de police redoutent notamment d’un missile qui serait tiré d’un point plus éloigné. Lors de l’arrestation par la police de Shimon Barda (un évadé, membre du “gang Lifta”, dont les membres avaient été arrêtés alors qu’il projetaient de faire sauter le Mont du Temple), Barda avait révélé aux enquêteurs une cache dans un quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem, où se trouvait un missile anti-tank.
Emprisonné durant les années 1970 et 1980 pour des projets de destruction des mosquées, Yoel Lerner estime que certains individus pourraient tenter d’exécuter un tel plan: “C’est arrivé une ou deux fois, il n’y a aucune raison que cela ne se reproduise pas” avait-il déclaré au journaliste de Haaretz. Ce point de vue est partagé par Yehuda Etzion, qui avait eu des projets semblables, mais refuse l’idée d’utiliser le Mont du Temple comme moyen pour empêcher le retrait: “ce serait un usage inacceptable du Mont du Temple qui doit constituer un but en soi”, avant de s’empresser de préciser: “en disant cela, je n’affirme pas que nous devrions faire sauter le Dôme du Rocher, même sans retrait”.
Selon l’avocat Naftali Werzberger, qui a représenté au fil des ans de nombreux extrémistes, l’idée de frapper le Mont du Temple “est dans l’air depuis des décennies, avec des hauts et des bas”. “Les acteurs changent”, avait expliqué Werzberger à Haaretz, “mais l’idée existe”. Il exprimait en outre quelques indications sur le profil potentiel des auteurs d’un tel acte:
“Je dirais qu’il ne s’agit pas de personnes qui se montrent dans la rue et manifestent. Les auteurs potentiels de telles activités se cachent dans des extrêmes religieux moins politisés: il s’agit de nouveaux religieux, de cabalistes, des excentriques ‘des collines’ ou de personnes qui seraient exposées pour la première fois à des prophéties et à des livres d’écrits apocalyptiques. Les autres canalisent leur protestation par des activités dans la rue.”
Nadav Shragai précisait que la perception du danger par rapport au Mont du Temple avait évolué dans les rangs du Shin Bet:
“Le Shin Bet est bien conscient des difficultés auxquelles il doit faire face pour obtenir des renseignements sur le secteur des extrémistes juifs. C’est peut-être pour cette raison qu’il a organisé différentes rencontres avec des rabbins de Yesha ces dernières années. Ces rencontres avaient pour objectif de rendre les rabbins conscients de la possibilité d’actions illégales et violentes par des extrémistes juifs afin qu’ils usent de leur influence sur les extrémistes et les retiennent. En général, les rencontres avaient pour sujet des extrémistes juifs qui pourraient attaquer des arabes en représailles aux actions terroristes arabes. Le Mont du Temple était à peine mentionné.”
Mais cela a changé depuis quelque temps, et les rabbins sont également rendus attentifs à cet aspect: en effet, si un plan devait se concrétiser, les responsables des services de sécurité estiment que les responsables pourraient approcher certains rabbins en vue d’obtenir leur approbation. Encore que cela ne soit nullement certain: des activistes pourraient passer à l’acte sans obtenir un feu vert d’une autorité religieuse. Le plus grand risque serait l’action d’un individu isolé, face auxquels les tentatives préventives risqueraient fort de se révéler impuissantes.