Attentats liés au conflit en Tchétchénie ou au terrorisme international? Dans la perception russe, les deux éléments ne peuvent être séparés. L’article qui suit, que nous a aimablement communiqué le bureau français de l’agence de presse russe RIA-Novosti, résume les événements et présente l’analyse qui en est faite en Russie, où la “guerre au terrorisme” est également à l’ordre du jour. Cet article est complété par une brève note sur les “Brigades Islambouli” et une chronologie des attentats survenus à Moscou de 1999 à 2004.

Après l’attentat du 31 août 2004 à Moscou, les enquêteurs se livrent aux premières constatations. (Photo Dmitri Korobeinikov, RIA-Novosti)
Agence RIA-NOVOSTI, 1er septembre 2004 — Après les attentats du 24 août – l’explosion en vol, de deux avions des lignes intérieures russes, qui a fait 89 morts – le terrorisme a encore frappé: à Moscou le 31 août, en Ossétie du Nord le 1er septembre.
Dans la soirée du 31 août, une femme s’est fait exploser devant la station de métro “Rijskaïa”, faisant dix morts et une cinquantaine de blessés. Selon le maire de Moscou, cette femme s’apprêtait à pénétrer dans le métro quand elle a fait demi-tour à la vue des policiers en faction à l’entrée. Quelques secondes plus tard, elle actionnait sa ceinture bourrée d’explosifs. Il semblerait que la bombe, d’une puissance équivalent à 2kg de TNT environ ait été bourrée de vis et d’objets métalliques. Selon une source proche des enquêteurs, la femme kamikaze pourrait être Rosa Nagaeva, la sœur d’Amanate Nagaeva, suspectée d’avoir fait exploser en vol le Tu-134 le 24 août.
Cet attentat a été revendiqué par le groupe islamiste des “Brigades Islambouli”, celui-là même qui avait revendiqué le double crash du 24 août. Les mesures de sécurité ont été renforcées dans la capitale. Le maire de Moscou a toutefois déclaré que les festivités consacrées à la Journée de la Ville les 4 et 5 septembre ne seraient pas annulées. Le ministre de la Défense à appelé, de son côté, la population à faire preuve de vigilance.
Le 1er septembre, ce sont une quinzaine d’hommes en armes qui ont fait irruption dans l’école N°1 de Beslan, en Ossétie du Nord, où ils ont pris en otage les quelque 200 enfants qui s’y trouvaient avec leurs parents en ce jour de rentrée scolaire. On ignore encore les motifs et les revendications des terroristes. On sait seulement qu’ils ont remis une cassette vidéo, dans laquelle ils exigent de rencontrer le président de l’Ingouchie et celui de l’Ossétie du Nord. Selon les premières informations, les enfants auraient été rassemblés dans le gymnase qui serai miné. Des tirs en provenance de l’école ont été entendus. Des représentants des structures de force se sont rendus sur place pour tenter d’entrer en contact avec les ravisseurs. “Tout est mis en oeuvre pour qu’il n’y ait pas de victimes“, a déclaré le chef du service de presse du président de l’Ossétie du Nord. La protection de la frontière administrative entre l’Ossétie du Nord et l’Ingouchie a été renforcée.

Le périmètre de l’attentat bouclé par les forces de police. (Photo Dmitri Korobeinikov, RIA-Novosti)
La réprobation est unanime dans le monde. Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, se dit bouleversé et condamne sévèrement l’attentat de Moscou. Les Etats-Unis ont proposé leur assistance aux autorités russes, a annoncé le porte-parole du département d’Etat, Richard Boucher. Déjà, après le double attentat du 24 août, Peter Schieder, président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, avait exprimé son indignation et souligné : “Cet acte effroyable montre la nécessité d’améliorer encore la coordination internationale (…). Aucune forme de terrorisme ne peut se justifier, quelle que soit la cause qu’il prétend servir.”
Pour de nombreux politologues, cette flambée de violence en Russie, les attentats en Israël, l’assassinat d’ouvriers népalais en Irak sont les maillons d’une même chaîne. “L’objectif du terrorisme international est de semer la panique, d’obliger le monde à parler des terroristes“, affirme le président de la Fondation pour une politique efficace, Gleb Pavlovski.
Cette liste macabre va-t-elle continuer à s’allonger ? Ce n’est pas exclu, estime le ministre de la Défense, Sergueï Ivanov. “C’est en fait une guerre qui nous est déclarée, a-t-il noté devant les journalistes, une guerre dans laquelle l’ennemi est invisible et la ligne de front inexistante.” S’opposer au terrorisme est difficile, mais “nous le combattrons par tous les moyens, y compris par des moyens politiques“, a ajouté le ministre.
Qui sont les “Brigades Islambouli”?
Le groupe des “Brigades Islambouli”, peu connu jusqu’alors, est vraisemblablement une organisation de combattants séparatistes tchétchènes liée à Al-Qaïda, estime le directeur d’un centre de recherche londonien. Cette organisation s’était fait connaître, pour la première fois, le 31 juillet dernier, en revendiquant l’attentat contre le Premier ministre pakistanais désigné, Shaukat Aziz. Elle doit son nom à l’officier égyptien Khaled Islambouli, qui avait organisé l’assassinat du président Sadate, le 6 octobre 1981. Aux dires de cet expert, les petites organisations terroristes prennent souvent le nom d’un martyr célèbre. Et changent souvent de nom pour égarer les services secrets qui les prennent en chasse.
On sait encore peu de choses des “islamboulistes”. Pour certains, ils seraient dirigés par le frère de Khaled qui rejoignit le Pakistan en 1982 pour y recruter des combattants pour l’Afghanistan. Il connaîtrait bien Oussama ben Laden et aurait pu se rendre en Tchétchénie en 2001.
Les attentats à Moscou entre 1999 et 2004
1999 :
31 août: une bombe explose dans le centre commercial “Okhotny riad” (en face du Kremlin), faisant un mort et 41 blessés.
Dans la nuit du 8 au 9 septembre, 92 personnes sont tuées et 264 autres blessées dans l’explosion de leur immeuble.
13 septembre: 124 personnes (dont 13 enfants) sont tuées et 9 autres blessés dans un attentat à la bombe qui détruit totalement un immeuble d’habitation.
2000:
8 août: une bombe explose dans un passage souterrain en plein coeur de Moscou, place Pouchkine, tuant 7 personnes et en blessant une centaine d’autres (dont 5 décéderont par la suite).
2001:
5 février: un engin explosif fait dix blessés à la station de métro “Biélorousskaia” fait 10 blessés.
2002:
23 octobre: plus de 800 personnes (dont 80 étrangers) sont prises en otages au théâtre de la rue Doubrovka par un commando tchétchène conduit par Movsar Baraev. Les terroristes exigent le retrait des troupes fédérales de la république de Tchétchénie. Le 26 octobre, lors de l’opération de libération des otages, les 50 terroristes (32 hommes et 18 femmes) sont tuées. 128 otages (dont 8 étrangers) trouvent la mort lors de cette opération.
2003:
5 juillet: un double attentat suicide perpétré par des jeunes femmes kamikazes fait 11 morts (dont 1 enfant) et 35 blessés (dont 3 décèderont de leurs blessures) lors du festival de rock “Krylia” sur l’aérodrome Touchino.
9 juillet: une jeune femme est arrêtée au café “Imbir”, au centre de Moscou. Un artificier du Service fédéral de sécurité trouve la mort en voulant désamorcer la bombe qu’elle portait dans son sac. Originaire de la république de Tchétchénie, Zarema Moujikhoeva, sera condamnée 20 ans de prison.
9 décembre: un attentat suicide, perpétré par une femme près de l’hôtel “National” (en face du Kremlin) fait 5 morts et 13 blessés (dont une ressortissante chinoise).
2004:
6 février: un attentat à l’explosif, commis à une heure de pointe, fait 39 morts et quelque 140 blessés dans une rame du métro entre les stations “Avtozavodskaïa” et “Paveletskaïa”.
15 mars: des employés de la compagnie ” Réseaux électriques de Moscou ” découvrent trois pylônes endommagés par une explosion et un explosif fixé sur un autre pylône. Deux autres engins explosifs sont trouvés un peu plus loin, ainsi qu’un morceau de tissu faisant penser au drapeau de la République d’Itchkérie.
© Agence de presse RIA-NOVOSTI 2004 (textes et photos)