Le 30 mai dernier, les autorités cambodgiennes ont annoncé l’arrestation de trois ressortissants étrangers musulmans, la fermeture d’une école coranique et l’expulsion de vingt-huit enseignants musulmans originaires de six pays différents.
Dans un discours diffusé sur les ondes de la radio nationale, le Premier ministre Hun Sen a déclaré que l’opération avait été menée sur la foi d’informations confidentielles obtenues en collaboration avec les Etats-Unis. “Nous menions l’enquête avec les Etats-Unis depuis les attaques terroristes de New York. A partir des résultats obtenus avec les Etats-Unis, nous avons établi qu’un réseau de terroristes se cachait au Cambodge“, a notamment déclaré le Premier ministre.
Les trois musulmans arrêtés sont originaires, pour deux d’entre eux, de la Thaïlande voisine, et, pour le troisième, d’Egypte. Un quatrième ressortissant étranger, un Yéménite, a échappé à l’arrestation et est toujours recherché. Le 12 juin, une nouvelle arrestation a eu lieu, concernant cette fois-ci un musulman cambodgien âgé de 23 ans et qui a séjourné durant trois ans dans une école coranique du sud de la Thaïlande.
Le gouvernement cambodgien soupçonne ces personnes d’avoir des liens avec la Jemaah Islamiyah , réseau terroriste qui serait en lien avec al-Qaida et que les autorités indonésiennes accusent d’être derrière l’attentat de Bali d’octobre 2002. Les vingt-huit enseignants qui ont reçu l’ordre de quitter le Cambodge, en compagnie des membres de leurs familles – soit 47 personnes au total -, sont originaires du Nigeria, du Pakistan, du Soudan, du Yémen, d’Egypte et de Thaïlande. Selon le gouvernement de Phnom Penh, l’ensemble de ces musulmans était associé à une école coranique des environs de la capitale cambodgienne. Liée à une organisation appelée Umm al-Qura , du nom d’une université de La Mecque, en Arabie Saoudite, cette école a été fermée et ses cinq cents élèves dispersés.
Selon la presse locale, l’ensemble de cette opération est à mettre en lien avec la tenue prochaine, du 16 au 21 juin 2003, à Phnom Penh de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN, l’Association des Nations du Sud-Est asiatique. La venue de Colin Powell, secrétaire d’Etat des Etats-Unis, à cette réunion est annoncée. Dans ce contexte, le gouvernement dirigé par Hun Sen aurait voulu montrer qu’il prenait au sérieux la menace terroriste islamiste et, en ciblant des étrangers, il indique que cette menace vient non de la minorité musulmane du Cambodge, composée de Chams et de Malais, mais d’éléments exogènes. Le département d’Etat américain qui, jusqu’à une date récente, ne ménageait pas ses critiques à l’endroit du gouvernement cambodgien, a chaleureusement félicité Hun Sen pour l’opération menée contre l’école coranique al-Qura.
La minorité musulmane du Cambodge, pays peuplé de 12 millions d’habitants, bouddhistes à 95 %, représente environ 300 000 personnes, soit 2,5 % de la population. Particulièrement persécutée par les Khmers rouges, cette communauté est regroupée principalement à Phnom Penh et dans les villages de pêcheurs des provinces de Kompong Cham, de Kompong Chhnang et de Kampot. 90 % d’entre eux appartiennent à la branche sunnite Shafi, influencée par le monde malais, les 10 % restant étant adhérents d’une branche locale de l’islam, appelée Iman-San, ou des Quadianis, d’origine indo-pakistanaise.
Dans les années 1990, des organisations islamiques du Pakistan et d’Arabie Saoudite ont entrepris un patient travail d’enseignement au sein de la minorité musulmane, cherchant à contrer les séquelles laissées par les années de communisme mais aussi à “purifier” la pratique des musulmans du Cambodge, empreinte de bouddhisme et d’hindouisme. Selon des spécialistes de l’islam cambodgien, si les contacts entre les musulmans du Cambodge et le Pakistan ou l’Arabie Saoudite ont été principalement orientés dans le sens d’un renouveau de la foi et des pratiques religieuses, des organisations islamistes liées de près ou de loin aux réseaux terroristes ont pu profiter de la porosité des frontières cambodgiennes et de la corruption des autorités pour s’installer discrètement dans le pays.
Cette information a été publiée dans le N° 377 (16 juin 2003) d’Eglises d’Asie, Agence d’Information des Missions Etrangères de Paris (128 rue du Bac, 75341 Paris Cedex 07).
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