Tandis que l’enquête britannique sur des réseaux terroristes se poursuit après la découverte d’indices d’un gaz mortel, des responsables géorgiens contestent des rumeurs selon lesquelles la substance toxique aurait pu être produite dans la vallée de Pankisi et transmise par la suite aux suspects.
Le 20 janvier 2002, la police britannique a effectué une perquisition dans une mosquée de Londres, plus de deux semaines après la découverte de ricine – un gaz mortel produit à partir de graines de castor – dans un appartement d’un autre quartier de la capitale. Sept personnes ont été placées en état d’arrestation après l’opération de la police. Même si les autorités ne les ont pas encore formellement inculpées, les enquêteurs s’intéressent à un réseau d’extrémistes algériens entretenant des liens avec l’Afghanistan et la Tchétchénie. Quatre hommes originaires de l’Afrique du Nord, qui avaient été appréhendés le 13 janvier, sont accusés d’implication dans des activités terroristes en relation avec la découverte de ricine dans l’appartement londonien.
Selon certaines sources, les enquêteurs britanniques et français s’intéresseraient à des liens possibles avec Pankisi – non seulement à propos de cet incident, mais aussi pour d’autres affaires découvertes en France par la police à la fin de l’année 2002. Le 12 janvier [2003], le Times de Londres citait des sources liées à des services de renseignement, selon lesquelles la zone de Pankisi serait “utilisée par des unités d’Al Qaïda ayant fui l’Afghanistan pour y installer un nouveau camp d’entraînement“. Et certaines des sources du quotidien étaient convaincues qu’un “maître d’oeuvre terroriste disposant de connaissances sur les produits toxiques et armes chimiques se trouvait dans un camp de fortune installé dans la vallée, semblable aux camps d’Al Qaïda en Afghanistan“.
De telles informations battent en brèche les déclarations du président Edouard Shevardnadze et d’autres personnes qui affirment que les opérations militaires spéciales de l’été dernier auraient nettoyé Pankisi des combattants liés aux conflits de l’Afghanistan ou de la Tchétchénie. Avant ces opérations, cette gorge était réputée servir à des guérilleros tchétchènes en lutte contre les Russes et à des trafiquants de drogue. Lors d’une conférence de presse qui s’est déroulée le 14 janvier [2003], Nika Laliashvili, porte-parole du ministère de la Sécurité, a souligné avec insistance que la vallée était “entièrement sous contrôle“.
L’ambassade britannique à Tbilissi a fait savoir qu’elle ne disposait d’aucune preuve permettant d’établir un lien entre les suspects actuellement en cause et Pankisi. De son côté, en revanche, une source à l’ambassade de France a déclaré que “tout est possible“. Mais la source française s’est empressée d’ajouter: “A ce stade, il n’y a aucune raison de croire que les personnes arrêtées en France n’auraient pas seulement reçu un entraînement en Tchétchénie, mais également à Pankisi.” Par ailleurs, l’agence de presse russe Interfax a annoncé le 13 janvier [2003] que les forces spéciales russes auraient abattu un combattant tchétchène porteur d’instructions pour la fabrication de poisons, dont la ricine.
Valeri Khaburdzania, ministre en charge de la sécurité de l’Etat en Géorgie, a laissé entendre que les services de renseignement géorgiens avait aidé à fournir des informations qui ont conduit à l’arrestation des suspects en Grande-Bretagne. “Nous n’excluons pas la possibilité que ces individus aient été appréhendés sur la base d’informations que nous avions fournies à nos amis britanniques“, a déclaré Khaburdzania à la télévision géorgienne le 17 janvier. Il a insisté sur le fait qu’il n’existait aucune “preuve matérielle confirmant que la ricine ou toute autre substance toxique semblable ait été produite à Pankisi ou y ait été disponible“. Il a cependant aussi admis que l’on aurait certainement pu trouver du ricin dans la région. Dans un entretien accordé au Moscow Times (13 janvier), le président Edouard Shevardnadze a précisé que “un ou deux hommes dans la gorge de Pankisi […] savaient comment produire de tels toxiques“, mais a souligné qu’ils avaient quitté la région.
Président de la Fondation géorgienne pour les études stratégiques et internationales, Alexandre Rondeli partage ce point de vue. “La zone a été nettoyée de ses éléments criminels l’an dernier“, a-t-il dit à EurasiaNet, ce qui rend les informations liant Pankisi avec les opérations déjouées en Europe “plutôt étranges“.
Laliashvili a fourni des précisions sur le réseau terroriste: celui-ci avait une présence bien établie à Pankisi – et il pourrait en rester quelques résidus. Le porte-parole du ministère de la Sécurité a expliqué aux journalistes que, jusqu’en février 2002, des combattants d’origine arabe y avaient construit et équipé un hôpital militaire “avec des fonds provenant directement des canaux d’Al Qaïda“. De gros montants auraient été acheminés clandestinement à Pankisi sur les ordres de personnes proches d’Oussama ben Laden. L’argent aurait été utilisé pour mettre sur pied des camps d’entraînement et des équipements de tir.
Daan van der Schriek
Daan van der Schriek est un journaliste indépendant installé à Bakou.
Cet article a été publié en anglais par EurasiaNet. EurasiaNet offre des informations et analyses sur les développements dans les domaines politique, économique, écologique et social dans les pays de l’Asie centrale et du Caucase ainsi qu’en Russie, au Proche-Orient et en Asie du Sud-Est. EurasiaNet s’inscrit dans le cadre du Central Eurasia Project de l’Open Society Institute.
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Date de publication originale: 22 janvier 2003.
Article reproduit avec l’autorisation d’EurasiaNet. Traduction en français par les soins de Terrorisme.net.
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