Selon un institut spécialisé indien, entre juillet 1999 et novembre 2002, il y aurait eu 74 attaques suicides dans la partie indienne du Cachemire. Ils ont fait 164 victimes dans les forces de sécurité et 104 victimes civiles. A noter que l’expression d’attentats suicides n’est pas tout à fait exacte, puisqu’il s’agit d’opérations n’impliquant pas un “suicide” au sens strict, mais plutôt d’attaques auxquelles leurs auteurs n’ont que peu de chance de survivre.
Publiée par l’Institute for Conflict Management à Delhi, qui met constamment à jour son site Internet, le South Asian Terrorism Portal, la South Asia Intelligence Review offre dans son numéro du 9 décembre 2002 une analyse des attaques suicides au Cachemire, sous la plume de Kanchan Lakshman, un chercheur associé à l’Institut.
Entre juillet 1999 et novembre 2002, 338 personnes (y compris les assaillants eux-mêmes) auraient perdu la vie dans de telles actions. On dénombre en outre 432 blessés. Ces chiffres sont bien sûr approximatifs et peuvent légèrement varier selon les sources d’information utilisées.
Il faut noter que 55 attaques suicides auraient été menées contre des camps de l’armée ou des forces de sécurité. Ce n’est donc pas avant tout à des cibles civiles que s’en prennent les auteurs de ces opérations. Mais celles-ci ne sont pas épargnées: selon les renseignements compilés par Kanchan Lakshman, le premier attentat suicide contre une cible civile aurait été celui commis contre la gare de Jammu le 7 août 2001.
Derrière la majorité des “attaques suicides” se trouve le Lashkar-e-Taiba, un groupe qui a été officiellement interdit au début de l’année au Pakistan, mais qui poursuit son action. Ainsi, au cours de l’année 2001, 23 des 28 attentats suicides recensés peuvent lui être attribués. C’était une fois encore le Lashkar-e-Taiba – selon la police indienne – qui se trouvait apparemment derrière les attaques du 24 novembre 2002 contre les temples de Raghunath et de Panjbakhtar, dans la ville de Jammu (12 tués, 45 blessés).
La première opération remonterait au 13 juillet 1999; elle avait coûté la vie à six membres de la Border Security Force (BSF). Nombre d’opérations ont été menées contre des cibles prestigieuses, note Kanchan Lakshman: qu’il s’agisse de la salle de contrôle des opérations de la police à Srinagar ou de l’aéroport et du siège de l’assemblée législative dans cette même ville, ou encore de sites militaires.
Les attaques suivent en général le même modèle: les assaillants fondent sur leur cible et essaient de faire le plus grand nombre de victimes possible avant de trouver eux-mêmes la mort. Notons ici qu’il s’agit d’un mode quelque peu différent de celui que nous voyons dans le contexte palestinien: dans la plupart des cas, les auteurs des opérations ne se font pas exploser, en raison de l’interdiction traditionnelle du suicide par la religion musulmane, mais ils se lancent dans des attaques dont ils n’ont pratiquement aucune chance de revenir vivants. Il y a des exceptions, par exemple le conducteur du véhicule dans l’opération contre le siège de l’assemblée législative, mené d’ailleurs non par le Lashkar-e-Taiba, mais par le Jaish-e-Mohammed.
Comme le souligne l’auteur, des attaques de ce type présentent des avantages pour ceux qui les organisent. Le risque pour leur sécurité est réduit, puisque les assaillants survivent rarement et ne peuvent donc faire ensuite des révélations aux services de sécurité. “Outre la destruction physique qu’ils causent, les attentats suicides ont également des conséquences psychologiques pour la société visée, puisqu’ils transmettent le message selon lequel l’ennemi est prêt à recourir aux mesures les plus extrêmes dont il dispose.“