Association bien connue de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch – dont le siège se trouve à New York – vient de publier un rapport sur les attentats suicides en Israël. Le rapport exonère Yasser Arafat et l’Autorité palestinienne de toute implication directe dans ces opérations. En revanche, il conclut que – même lorsque l’Autorité palestinienne aurait eu le pouvoir de le faire – tout n’a pas été entrepris pour essayer de les prévenir comme il l’aurait fallu. Human Rights Watch juge comme étant sans fondement les arguments parfois avancés pour justifier les attentats suicides et les qualifie purement et simplement de crimes contre l’humanité.
“Attentats suicides” ou “opérations de martyre”: dans le contexte du Proche-Orient ou pour tous ceux qui sont à quelque titre impliqués directement ou émotionnellement dans le conflit, le choix entre les deux expressions est capital. Le courrier parfois reçu par terrorisme.net témoigne de l’exacerbation des sensibilités. Rappelons que, quel que soit le terme utilisé pour les désigner, les attentats suicides relèvent techniquement du terrorisme, indépendamment du jugement que l’on peut porter sur la cause défendue. C’est à cette ligne que notre site entend se tenir.
Human Rights Wtach vient de publier un volumineux rapport sur les attentats suicides. Intitulé Erased in a Moment: Suicide Bombing Attacks Against Israeli Civilians, il compte 172 pages. Il se fonde sur une recherche de terrain menée auprès des différentes parties en mai-juin 2002.
Plus de 415 citoyens israéliens et autres civils ont été tués dans des attentats suicides commis par des militants palestiniens entre le 30 septembre 2000 et le 31 août 2002. Plus de 2.000 ont en outre été blessés. Comme on le sait, ces actions répétées, conçues pour causer un maximum de victimes, ont répandu une peur diffuse dans la population. Le recours aux attentats suicides avait déjà existé dans les années 1990, mais sans atteindre une telle fréquence: 14 attentats suicides contre des civils israéliens entre septembre 1993 et septembre 2000 (avec une pointe en 1996-1997), faisant plus de 120 morts et plus de 150 blessés.
Ces attentats ont pour auteurs quatre groupes: trois sont opposés à l’Autorité palestinienne (Hamas, Jihad islamique, FPLP), le quatrième déclare en revanche la soutenir (Brigades des martyrs d’Al Aqsa). Le rapport reconnaît que des centaines de militants de Hamas et du Jihad islamique avaient été arrêtés et détenus, mais sans être jugés; beaucoup d’entre eux furent libérés dans les derniers mois de l’an 2000, au moment où reprirent les heurts entre Israéliens et Palestiniens.
Les enquêteurs de Human Rights Watch déclarent n’avoir trouvé aucune preuve que Yasser Arafat ou l’Autorité palestinienne auraient “planifié, ordonné ou mené des attentats suicides ou d’autres attentats contre des civils israéliens“. Rien n’indique que les Brigades d’Al Aqsa demandaient le feu vert de Yasser Arafat avant d’agir. Human Rights Watch admet aussi que, dans les circonstances actuelles, les possibilités d’action de l’Autorité palestinienne sont extrêmement limitées. En revanche, le jugement est plus sévère pour les périodes antérieures: l’Autorité palestinienne, estiment les enquêteurs, n’a pas réagi assez vigoureusement et n’a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour tenter de mettre un terme aux attentats suicides.
Dans une première partie, le rapport fournit une vue synthétique sur les attentats suicides, leur évolution et la façon dont ils sont perçus par les différents acteurs. Il les examine ensuite sous l’angle du droit et des justifications qui sont offertes. Il s’intéresse ensuite de plus près aux quatre organisations impliquées ainsi qu’aux soutiens financiers et logistiques dont bénéficient les groupes coupables d’attentats suicides. Une liste chronologique des attentats d’octobre 2000 à août 2002 est fournie en appendice. Différents tableaux statistiques complètent l’étude.
Ce travail documentaire – qu’il est possible de décharger sans frais sur Internet – mérite bien entendu l’attention des experts et autres personnes intéressées par les questions de terrorisme. Dans ce bref compte rendu, bornons-nous à évoquer la conclusion sur laquelle débouche le travail mené par Human Rights Watch. Même une guerre de libération contre une occupation ne saurait exempter ses acteurs du respect du droit international humanitaire. Les attaques contre des civils sont prohibées. Malgré le caractère illégal – au regard du droit humanitaire international – des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens, même les colons restent des civils tant qu’ils ne participent pas aux hostilités. Le rapport conclut donc que les attentats suicides doivent être considérés comme des crimes graves, et même comme des crimes contre l’humanité.
Le rapport contient également des recommandations à l’Autorité palestinienne, au gouvernement israélien et à la communauté internationale.
Il est possible de lire le rapport de Human Rights Watch en ligne:
http://www.hrw.org/reports/2002/isrl-pa/
ou de le décharger sous forme de fichier PDF (1045 Ko):
http://www.hrw.org/reports/2002/isrl-pa/ISRAELPA1002.pdf