Dix ans après l’arrestation d’Abimael Guzman, son chef charismatique, le Sentier lumineux fait beaucoup moins parler de lui. Mais il existe toujours, et plusieurs indices de ces derniers mois semblent signaler une activité accrue de la part de ce groupe. Un rapprochement s’effectuerait également avec les FARC de Colombie.
Le Sentier lumineux est le nom sous lequel est généralement connue une organisation fondée dans les années 1960 et qui se donne le nom officiel de Parti communiste du Pérou (PCP). Elle se veut une continuation du maoïsme. Ce groupe d’implantation essentiellement rurale (mais également implanté dans les bidonvilles de Lima) est connu pour son caractère impitoyable et a fait de nombreuses victimes. Il mène ce qu’il considère comme une “guerre populaire”. Il conserve une audience dans certains milieux péruviens.
Arrêté le 12 septembre 1992, son fondateur est détenu dans des conditions de sécurité extrêmement strictes et régulièrement dénoncées par ses sympathisants. Même si l’offensive menée contre le Sentier lumineux dans les années 1990 lui a porté de sérieux coups, cela ne signifie pas que le groupe a disparu. Selon des sources officielles péruviennes, il y aurait 300 à 450 guerilleros du Sentier lumineux en activité à l’heure actuelle, mais il est impossible de savoir si ces estimations sont exactes ou sous-estiment la réalité. Tout le monde est d’accord, en revanche, pour dire que le mouvement est impliqué dans le narco-trafic. Un texte de février 1998 du Comité central du PCP dénonçait d’ailleurs sous des prétextes politiques la lutte contre le narco-trafic:
“La ‘lutte contre le narco-trafic’ est aussi une arme de la double politique impérialiste pour avoir un prétexte de plus pour appliquer sa stratégie contre-révolutionnaire de ‘guerre de basse intensité’ et étouffer la révolution principalement dans les pays du tiers-monde; c’est un instrument pour subjuguer les nations opprimées.”
En raison de la situation politique troublée qui a prévalu au Pérou durant la fin de l’ère du président Fujimori, il semble que la vigilance à l’encontre du Sentier lumineux ait connu durant quelque temps un relâchement (sans parler des remaniements intervenus dans les services de renseignements à la suite du changement de gouvernement), péripéties dont le pays risque de subir les conséquences. En effet, plusieurs indices de ces derniers mois incitent à prêter attention aux activités du Sentier lumineux, pendant que les experts en matière de terrorisme ont pour beaucoup le regard tourné vers d’autres horizons géographiques. Il est possible que ces développements au sein du mouvement soient liés en partie à des divisions internes et à l’émergence d’une faction radicale, mais rien ne permet encore de confirmer avec un degré raisonnable de certitude cette hypothèse.
Le 20 mars 2002, trois jours avant la visite du président Bush au Pérou: l’explosion d’une voiture piégée non loin de l’ambassade des Etats-Unis à Lima coûta la vie à 9 personnes et en blessa une trentaine. L’attentat n’était pas revendiqué, mais plusieurs observateurs soupçonnaient le Sentier lumineux d’en avoir été l’instigateur. En juin, la police avait arrêté trois personnes appartenant au Sentier lumineux et qui auraient été les auteurs de l’attentat. Au début du mois de septembre, les autorités péruviennes ont annoncé l’arrestation d’un chef régional du mouvement, qui serait à l’origine de la planification de l’attentat.
Particulièrement dignes d’attention sont les observations faites par des membres d’Eglises protestantes de la région et communiquées à des coreligionnaire à l’étranger. Selon ces sources, on observerait actuellement des développements très semblables à ceux qui avaient marqué les débuts de la violence dans les années 1980. Ces derniers mois, le passage d’émissaires du Sentier lumineux a été signalé par des habitants de plusieurs villages; ces émissaires s’efforceraient de convaincre leurs interlocuteurs et de les mobiliser, mettant à profit les difficultés socio-économiques du pays pour appuyer leurs arguments.
Un autre sujet de préoccupation est lié à la possibilité de collaborations entre le Sentier lumineux et les Forces armées révolutionnaire de Colombie (FARC). Certes, sur le plan idéologique, le Sentier lumineux et les FARC n’éprouvent guère de sympathie mutuelle, et il reste donc à voir dans quelle mesure ces divergences pourront être mises provisoirement de côté. Mais une alliance tactique n’est pas exclue, d’autant plus que les FARC souhaitent se ménager des possibilités de repli en cas d’offensive trop sévère du nouveau gouvernement. Les sources précitées signalent depuis quelque temps la présence de visiteurs colombiens qui noueraient de discrets contacts avec des groupes de guérilla du Sentier lumineux.
Un périodique publié à Bruxelles, El Diario Internacional, présentait le point de vue du Sentier lumineux (principalement en espagnol, certains articles en français ou en anglais); ce site existe toujours et se trouve aujourd’hui [04.06.2016] à l’adresse:
http://www.eldiariointernacional.com
Avec une adresse en Californie, le site en anglais du Committee to Support the Revolution in Peruoffre un riche matériel, notamment des documents idéologiques:
http://www.csrp.org/
[ce site n’existe plus, mais on peut en retrouver le contenu grâce à Internet Archives: https://web.archive.org/web/*/http://www.csrp.org – 04.06.2016]