Nombre d’observateurs et de citoyens israéliens s’interrogent sur les résultats de la politique suivie par le gouvernement: les attentats n’ont pas cessé. En revanche, les forces armées se disent certaines d’être sur la bonne voie. Pendant ce temps, le démantèlement d’une cellule terroriste impliquant plusieurs habitants de la partie arabe de Jérusalem pose une fois de plus la question des relations entre ceux-ci et Israël.
Indépendamment du jugement qu’on peut porter sur l’approche du gouvernement israélien face aux Palestiniens et des débats passionnés que cela suscite (y compris en Israël), le terrorisme est un élément dans la donne. D’un point de vue purement technique, quels que soient les euphémismes utilisés pour les baptiser ou les causes qui poussent des hommes et des femmes à recourir à ces méthodes, des pratiques telles que les attentats suicides relèvent du terrorisme.
Actualité: démantèlement d’une cellule du Hamas à Jérusalem
Plusieurs épisodes récents ont illustré l’arrière-plan complexe des actions terroristes pratiquées actuellement contre des cibles israéliennes. Ainsi, en juillet 2002, des résidents juifs d’une colonie de peuplement ont été arrêtés pour avoir volé d’important stocks de cartouches et quelques armes afin de les vendre à des acheteurs palestiniens; le cas ne serait pas unique, même si c’est un thème dont les autorités n’aiment guère parler.
Autre épisode récent: le 17 août 2002, démantèlement d’une cellule du mouvement palestinien Hamas dans la partie orientale (arabe) de Jérusalem, dont les membres sont accusés de plusieurs attentats ces derniers mois, dont celui qui a fait neuf victimes à l’Université hébraïque de Jérusalem le 31 juillet 2002. Des membres de la cellule auraient été arrêtés alors qu’ils s’apprêtaient à commettre un nouvel attentat. La même cellule aurait tenté à deux reprises de causer le déraillement de trains en faisant exploser des voies et de faire sauter des réservoirs de pétrole – confirmant en Israël les craintes d’un acte “mégaterroriste” qui causerait d’importantes pertes.
Les principaux suspects ne venaient pas des territoires palestiniens, mais étaient porteurs de cartes d’identité israéliennes (les habitants arabes de la partie orientale de Jérusalem ont un statut différent de celui des Arabes israéliens: ils ne sont pas des citoyens israéliens, mais ont un statut de “résidents permanents”; ils ne peuvent pas voter aux élections pour la Knesset, mais peuvent en revanche participer aux élections municipales, bien que la plupart se refusent à le faire pour ne pas entériner la domination israélienne; les associations de défense des droits de l’homme accusent les autorités israéliennes de tout faire pour réduire leur nombre). Les âges des quatre principaux activistes arrêtés – soupçonnés d’être impliqués dans huit attentats au moins – allaient de 25 à 31 ans, tous mariés avec des enfants et ayant un travail. La cellule à laquelle ils appartenaient aurait compté 15 membres, tous appréhendés, mais d’autres arrestations seraient attendues.
Quelle stratégie israélienne face aux actions terroristes?
Comme le montrent ces dernières péripéties, les interventions militaires israéliennes n’ont pas mis un terme au terrorisme, et nombreux sont ceux qui s’interrogent la stratégie choisie est-elle un échec, alors que le pays continue de se trouver dans un état d’alerte permanent et que la presse égrène au fil des mois les noms des dernières victimes d’attentats ou attaques?
Le Jerusalem Report, un magazine israélien réputé, consacre un article à cette question dans son édition du 26 août 2002 sous la plume de Leslie Susser.
L’article commence par un constat: les opérations menées en avril et en juin par les forces israéliennes, qui étaient supposées “démolir l’infrastructure de la terreur” et empêcher les terroristes de circuler librement, n’ont pas pu prévenir de nouveaux attentats.
Cependant, note l’article, tant le gouvernement que les forces armées sont persuadées d’être sur la bonne voie pour l’emporter, petit à petit. En fait, résume Leslie Susser, les militaires soutiennent que leur intervention “élimine l’infection, même si les symptômes n’ont pas encore commencé à disparaître“.
Bien entendu, les objectifs ne se limitent pas à une offensive antiterroriste: l’analyse des militaires prévoit un déclin de l’autorité d’Arafait à moyen terme, combiné avec l’émergence de nouveaux dirigeants palestiniens. Cette analyse semble assez largement partagée par les experts israéliens: dans le N° 44 des Tel Aviv Notes(21 juillet 2002) publiées par le Jaffee Center for Strategic Studies et le Moshe Dayan Center for Middle Eastern and African Studies, Anat Kurz parvenait également à la conclusion qu’un fossé toujours plus grand était en train de se creuser entre l’Autorité palestinienne et la cause palestinienne: Yasser Arafat et l’OLP pourront donc de moins en moins prétendre à une identification avec les attentes palestiniennes. Il ne s’agit pas simplement du statut international de l’Autorité palestinienne, mais de sa crédibilité en Palestine même.
Dans cette perspective, les actes terroristes (ou la frappe israélienne du 22 juillet à Gaza, qui a tué Selah Shehada, chef des brigades Qassam, mais causé également plusieurs victimes civiles) ne changent rien fondamentalement. Pour essayer d’entraver le terrorisme, l’armée adopte maintenant une approche dissuasive plus globale: mesures répressives contre les familles des auteurs d’attentats si elles ne se distancient pas de ceux-ci, efforts pour empêcher l’argent versé par différentes sources aux familles des “martyrs” d’atteindre celles-ci. L’idée est de faire payer le prix de la terreur aux familles et à l’environnement des auteurs des actes (démolition de maisons, expulsion de certains membres de leurs familles…).
Si l’on en croit Avi Dichter, chef du Shin Bet, depuis que cette politique a été mise en oeuvre, des activistes auraient déjà renoncé à commettre des actions terroristes par souci de leurs proches.
En outre, toujours selon Dichter, une fatigue de la guerre se ferait sentir déjà dans certains secteurs politiques palestiniens: un nombre croissant de membres du Fatah ne croiraient plus “à la possibilité d’atteindre leurs objectifs par le combat armé“.
En Israël, tout le monde n’est cependant pas convaincu de l’efficacité de la politique adoptée. Il y a bien sûr des critiques dans des milieux politiques, de droite comme de gauche. Mais un scepticisme se fait également entendre de la part de certains experts des questions de terrorisme, comme Boaz Ganor (International Policy Institute for Counter-Terrorism). S’il salue l’offensive psychologique que monte l’armée, il n’est pas convaincu de l’effet dissuasif des destructions de maison ou de l’expulsion de membres de familles des auteurs d’attentats. Il souligne en outre que la politique israélienne a totalement échoué à essayer de s’adresser à la population palestinienne en contournant ses dirigeants.
Du point de vue de la tactique du contre-terrorisme, Ganor fait en outre une observation importante: si la présence des troupes israéliennes dans les territoires palestiniens peut en effet, dans un premier temps, limiter les capacités des cellules terroristes à agir, plus leur présence durera, moins l’efficacité sera grande: une adaptation à ces nouvelles circonstances se produira. Il prône donc une approche plus dynamique, avec des incursions pour une période courte plus qu’une présence permanente.
La lecture de l’intéressant reportage de Susser conduit cependant à une interrogation: les mesures contre-terroristes prises aujourd’hui, efficaces ou non dans l’immédiat, n’alimentent-elles pas un ressentiment déjà profond et ne sèment-elles pas en même temps les graines du terrorisme de demain? Nous le savons tous: la solution du conflit israélo-palestinien exige bien plus que des mesures antiterroristes…
Le site des Forces de défense israéliennes (en anglais):
http://www.idf.il/newsite/english/main.asp
Le site de l’Islamic Association for Palestine (IAP):
http://www.iap.org/index2.html
Site du Palestinian Information Center (comprend également une bonne section sur Hamas et une section “Zionist Terrorism”):
http://www.palestine-info.co.uk/index_e.htm
Les dernières informations sur Hamas publiées dans la presse anglophone, agrégées par NewsTrove:
http://hamas.newstrove.com/
Au mois de mai 2002, islamonline.net avait publié un entretien avec Selah Shehada, dans lequel il donnait de nombreuses précisions sur les opérations de martyre, le choix des candidats, etc. Au début du mois de juillet 2002, une traduction française de cet entretien a été mise en ligne par le site français Islamiya:
http://islamiya.net/modules.php?name=News&file=article&sid=1867