Dans son N° 279 (25 novembre 2006, pp. 16-21), l’hebdomadaire marocain Le Journal publie, sous la signature du journaliste Taïeb Chadi, un très intéressant reportage sur “les kamikazes marocains en Irak”.
En effet, au cours des derniers mois, sept jeunes identifiés provenant tous du quartier de la mosquée Mezwak (60.000 habitants=, un ancien bidonville de Tétouan, sont partis en Irak. Deux d’entre eux (21 et 22 ans) auraient ainsi commis des attentats-suicides en octobre 2006 au nord de Bagdad. Il est frappant de constater que cinq jeunes également originaires de ce quartier avaient péri en faisant sauter des explosifs en Espagne, en avril 2004, alors que la police était sur leurs traces en raison de leur implication dans les attentats de Madrid du 11 mars 2004. Le Journal publie une carte du quartier, qui montre que plusieurs de ces jeunes gens habitaient des maisons proches les unes des autres.
Ils se connaissaient donc et sont partis en prétextant qui un pèlerinage, qui un voyage dans une autre ville. Tous avaient manifesté des signes d’intensification de leur pratique religieuse – mais cela n’est pas un indice suffisant, car ils ne sont pas les seuls à le faire dans ce quartier. Si l’on trouve parmi eux des jeunes gens qui n’avaient jamais pu étudier ou avaient quitté l’université après un échec précoce, d’autres sont en revanche décrits comme intelligents, voire même brillants: une explication par l’absence de toute perspective d’avenir serait donc un peu courte, même si la situation économique du quartier est en effet difficile et le taux de chômage très élevé. En outre, l’un s’était marié deux ans plus tôt et venait d’avoir une fille.
Ces jeunes n’étaient pas fichés par les services de sécurité – porter une barbe et un vêtement afghan n’est pas un indice suffisant non plus dans un quartier où cela ne représente pas un comportement isolé – et n’avaient pas d’antécédents qui auraient permis de les soupçonner, selon la police et les services de renseignement marocains, interrogés également par Le Journal.
Le politologue Abdellah Rami, qui a accordé un entretien à ce sujet à l’hebdomadaire de Casablanca, confirme que la plupart des recrues n’ont pas de passé jihadiste, ce qui rend leur repérage difficile. Nous assistons en outre à une diversification des voies d’accès au jihadisme, grâce à de nouveaux médias. Si le recrutement s’effectue certes aussi par contacts directs – certaines mosquées sont connues pour attirer des éléments extrémistes – , Internet jouerait en effet dans le recrutement un rôle de plus en plus important, donnant accès à la fois à des forums et à la littérature jihadiste, dans un contexte où la surveillance s’est renforcée notablement depuis 2001.
Une surveillance qui, nous apprend Taïeb Chadi sur la foi d’une source au ministère de l’Intérieur, n’est pas jugée satisfaisante par les Américains: plusieurs agents de la CIA seraient arrivés en novembre 2006 au Maroc pour y enquêter sur les réseaux de recrutement pour l’Irak – d’autant plus que quelques dizaines de volontaires marocains y ont déjà été interceptés depuis 2003, précise l’article.