Depuis l’opération à grande échelle menée le 23 juin par des maoïstes dans une localité de l’Etat indien du Bihar – opération qui a coûté la vie à 21 personnes – les autorités indiennes se demandent si les rebelles népalais ont prêté main forte à leurs homologues indiens. Les maoïstes népalais démentent cependant toute implication. Mais l’affaire attire une fois de plus l’attention sur le nouvel élan que la progression des maoïstes au Népal donne à leurs homologues d’autres pays.
Nul n’ignore les liens tissés entre maoïstes indiens et népalais. Mais le territoire indien est plutôt apparu jusqu’à maintenant comme un lieu de refuge, par exemple pour des rebelles népalais en quête d’un traitement médical.
Cela aurait-il changé? Le 23 juin 2005, un important groupe de combattants du Parti communiste de l’Inde (maoïste), aujourd’hui principal groupe de rebelles d’extrême-gauche en Inde – a pris d’assaut Madhuban, dans le district du Champaran oriental, et a pillé la localité durant quelque 90 minutes, volant l’argent des branches locales de la State Bank of India et de la Central Bank, mettant le feu au poste de police, etc.
Jamais une attaque de cette ampleur n’aurait eu lieu depuis les débuts du mouvement maoïste en Inde en 1967, déclarent plusieurs observateurs, alors que cette tactique est fréquente au Népal. Selon les estimations, pas moins de 300 personnes, dont des femmes en armes, auraient participé à l’opération. La police affirme avoir tué une douzaine de rebelles. Les autorités se demandent comment un groupe si important a pu atteindre son objectif sans déclencher la moindre alerte.
Surtout, l’inspecteur général de la police locale affirme qu’un contingent important de maoïstes népalais auraient pris part à l’attaque.
Les maoïstes népalais ont immédiatement démenti, déclarant que cela allait à l’encontre de la politique de leur Parti et qu’ils concentraient actuellement toutes leurs forces contre le roi Gyanendra. Les responsables de l’armée royale népalaise n’ont pas non plus eu vent de tels plans, mais estiment possible que les maoïstes indiens – qui avaient parfois entraîné les Népalais aux débuts de leur mouvement – reprennent certains modes opératoires développés par leurs anciens élèves.
Certains experts du renseignement indien n’excluent pas qu’un groupe de maoïstes aient pris l’initiative d’aider leurs frères d’armes indiens sans en référer à leurs dirigeants. Des opérations conjointes sur sol indien ne serviraient en effet pas les intérêts et la stratégie des maoïstes népalais à ce stade.
La police indienne a arrêté six personnes soupçonnées d’avoir été impliquées dans l’opération de Madhuban. Des policiers népalais se trouvent actuellement en Inde pour les interroger et essayer de se faire une idée plus précise des événements, signale l’Indo-Asian News Service (8 juillet 2005).
Quelle que soit ou non l’implication des maoïstes népalais, il ne fait guère de doute que la progression de la rébellion au Népal galvanise actuellement les insurgés maoïstes en Inde et ailleurs, puisqu’ils voient des combattants aux mêmes convictions idéologiques qui pourraient demain arriver au pouvoir et contrôlent déjà une partie du royaume himalayen. Les différents partis maoïstes de la région se retrouvent au sein d’un Coordination Committee of Maoist Parties and Organisation of South Asia (CCOMPOSA).
“Une nouvelle vague révolutionnaire émerge à travers le monde”, déclarait avec optimisme (et en plusieurs langues, dont le français) le Parti communiste du Népal (maoïste) dans son message du 1er mai 2003 [ce site n’existe plus, mais demeure accessible grâce à Internet Archive – 18.06.2016]. “Nous réitérons aujourd’hui notre appel à tourner le regard vers les monts Himalaya, où on peut voir des millions d’opprimés se lever, armes en main, et s’emparer du pouvoir politique pour l’immense majorité de la population. Morceau par morceau, la guerre populaire est en train de transformer le Népal d’un pays extrêmement arriéré en un exemple brillant de ce que l’avenir peut représenter pour les prolétaires et les opprimés de tous les pays. Au Pérou, en Turquie, en Inde, aux Philippines et ailleurs, les révolutionnaires maoïstes persistent là aussi à brandir haut levée la bannière de la Guerre Populaire.” (Nous avons conservé le style et la typographie de la traduction française diffusée par les communistes népalais eux-mêmes.)
En Inde, exploitant les ressentiments locaux de populations pauvres, mais attirant aussi une petite frange idéologisée d’intellectuels, les maoïstes étendent actuellement leurs zones d’action. La fusion de 2004 entre les deux principales organisations maoïstes, le People’s War Group et le Maoist Communist Centre of India, pour former l’actuel Communist Party of India (Maoist) a également donné une impulsion renouvelée à la rébellion. Chaque mois apporte son lot d’incidents dans différentes régions de l’Inde.
A l’heure où tous les regards sont braqués vers les manifestations extrémistes d’origine islamique, il paraît judicieux de ne pas perdre de vue d’autres développements, même s’ils n’affectent pas aussi directement l’Occident.