Le 29 avril 2004, l’ambassadeur Cofer Black, coordinateur pour les affaires de contre-terrorisme, a présenté à Washington le rapport annuel américain Patterns of Global Terrorism 2003.
Le rapport comptabilise 190 actes de terrorisme international en 2003. 82 attentats visaient des cibles américaines et ont fait 35 victimes (sur un total de 159 tués pour l’ensemble des attentats recensés).
Dans cette comptabilité ne sont bien entendu pas comprises les attaques contre des troupes américaines en Irak, puisque seuls sont considérés comme attentats terroristes – selon la définition utilisée du terrorisme international – les attentats visant des civils ou du personnel millitaire non armé ou en dehors des heures de service, a tenu à préciser l’ambassadeur Black lors de la conférence de presse pour présenter le rapport.
Les experts du terrorisme au Département d’Etat s’attendent toujours à des tentatives d’Al Qaïda pour commettre des attentats spectaculaires, même s’ils estiment que 70% des cadres d’Al Qaïda auraient été éliminés ou arrêtés. Au total, plus de 3.400 personnes soupçonnées d’être associées avec Al Qaïda ont été arrêtées à travers le monde.
Un changement est manifeste: à côté de ce qui reste de l’organisation Al Qaïda proprement dite – et sans entrer ici dans l’épineuse question de la définition qu’on en donne – des cellules locales radicalisées, n’entretenant pas nécessairement de nombreux contacts extérieurs, présentent un défi nouveau, comme l’a montré par exemple l’attentat de Madrid.
De même, les Américains considèrent Abu Musab al Zarqawi comme un personnage associé à Al Qaïda de longue date et sympathisant avec les objectifs d’Al Qaïda, mais en même temps un acteur assez indépendant pour n’avoir pas besoin de recevoir des orientations et des ordres d’Al Qaïda. L’ambassadeur Black le décrit comme “associé” plutôt qu'”intégré” à Al Qaïda.
Mais les Américains veillent à souligner – pour d’évidentes raisons – que bien des attaques visent des musulmans. Richard Armitage, secrétaire d’Etat adjoint, a d’ailleurs pu en faire l’expérience (presque) directe, comme il l’a souligné en introduisant l’ambassadeur Black: il se trouvait en effet en plein entretien avec le ministre saoudien des affaires étrangères à Riyadh, le 21 avril, lorsque les deux hommes entendirent le bruit sourd de l’explosion visant l’immeuble des services de sécurité saoudiens, qui a coûté la vie à cinq personnes, dont une fillette de 11 ans.
Comme de coutume, le rapport désigne l’Iran et la Syrie comme des Etats soutenant le terrorisme.
En ce qui concerne la Libye, elle se trouve elle aussi encore sur la liste, mais “ils ont clairement renoncé au terrorisme“, a déclaré l’ambassadeur Black. Certaines questions doivent cependant encore être résolues: les Américains entendent notamment s’assurer que les Libyens n’entretiennent plus aucune relation avec des groupes terroristes sous quelque forme que ce soit: il subsiste apparemment encore quelques doutes à ce sujet. Il sera ensuite possible de retirer la Libye de la liste.
Pour ce qui est de la Corée du Nord, elle se trouve toujours sur la liste en raison de son implication dans les attentats de 1983 (Rangoon) et de 1987 (Boeing 707 de Korean Air). Comme la Libye, avant de pouvoir être retirée de la liste, la Libye devra faire la preuve qu’elle n’entretient plus de contacts avec des “terroristes internationaux“.
“[…] les Etats-Unis ont une mémoire longue et ne rayeront pas un soutien du terrorisme de la liste simplement parce que le temps a passé“, a averti l’ambassadeur Black. Cela s’applique aussi au Hezbollah, at-t-il précisé en réponse à une question: les Etats-Unis n’oublieront pas les Marines morts dans l’explosion de leur cantonnement à Beyrouth en 1983.
Le Soudan reçoit de bons points, comme la Libye. En revanche, comme on pouvait s’y attendre, Cuba est accusé de ne pas en faire assez – à l’instar de l’Iran, de la Corée du Nord et de la Syrie – pour se dissocier complètement de liens avec le terrorisme.
En Afrique, la Somalie pose la plus sérieuse menace pour les intérêts américains, selon le rapport, “en raison de la présence d’éléments actifs d’Al Qaïda“. Mais le rapport fait des allusions au soutien reçu en Afrique orientale de la part de l’Ethiopie et du Kenya: l’Ethiopie a ainsi renforcé sa coordination antiterroriste avec les Etats-Unis et s’efforce de mieux contrôler sa poreuse frontière avec la Somalie, mais sa contribution s’étend également à d’autres domaines d’activité antiterroriste.
L’Asie du Sud demeure un théâtre d’opération central de la “guerre globale contre le terrorisme“. A côté de l’Afghanistan, les opérations menés par des groupes cachemiris sur territoire indien sont bien entendu mentionnées: Washington espère pouvoir le renforcement de ses relations avec Delhi dans la lutte contre le terrorisme. Si la situation au Sri Lanka a connu une amélioration, celle du Népal s’est en revanche dégradée, avec la violence entretenue par les actions de la guérilla maoïste.
Pour l’Asie orientale, le rapport insiste sur l’importance de l’arrestation de Nurjaman Riduan bin Isomuddin (alias Hambali). Bien que les groupes islamistes violents en Indonésie, en Malaisie, dans le sud des Philippines et en Thaïlande abhorrent l’Occident, ils visent avant tout à provoquer des changements dans leurs pays. Les extrémistes s’efforceraient de gagner de l’influence en finançant des mosquées ou écoles ainsi qu’en exploitant le mécontentement des populations musulmanes de ces régions.
Sur le territoire de la Communauté des Etats indépendants (CEI), le rapport évoque les attentats dont a été victime la Russie: selon des chiffres officiels russes, 90% des actes terroristes commis en Russie en 2003 l’auraient été en Tchétchénie ou dans les régions voisines.
Le rapport s’étend sur l’appui apporté par les Etats de l’Asie central à la “guerre contre le terrorisme“. Plusieurs actions des polices locales ont prévenu des attentats, dont certains qui auraient pu frapper des cibles américaines.
L’Union européenne est décrite comme “un partenaire fiable” dans la lutte contre le terrorisme. Mais des obstacles légaux – souvent liés aux lois sur l’asile ou à une législation inadéquate en matière de contre-terrorisme – représentent encore des déficiences importantes dans une action conséquente contre le terrorisme.
Les avancées de la France et de l’Espagne dans la lutte contre le terrorisme sont saluées par le rapport. La Grande-Bretagne s’est activement engagée dans le gel des avoirs de personnes ou organisations soutenant le terrorisme et – forte de son expérience en la matière – a également fourni une importante assistance pour la formation au contre-terrorisme à travers le monde. La Grèce se propose de dépenser 750 millions de dollars pour assurer la sécurité pendant les jeuy olympiques de 2004 et a mené à bien en 2003 le procès des dirigeants du groupe terroriste du 17 Novembre, même si l’on estime que tous ses membres n’ont pas été arrêtés.
C’est au Proche-Orient que le terrorisme cause bien entendu le plus de soucis aux Américains. Le Maroc, l’Arabie saoudite, l’Irak et Israël ont subi d’importantes attaques terroristes en 2003. Le rapport note avec satisfaction une amélioration notable de la coopération avec les Saoudiens: après les attentats survenus sur leur propre sol, ils paraissent plus enclins à partager les informations dont ils disposent.
En Amérique du Sud, la Colombie continue de susciter des préoccupations. Quant aux aspects régionaux de la “guerre contre le terrorisme”, ils portent surtout – dans cette région – sur des réseaux de financement. La région des trois frontières (où se rencontrent Argentine, Brésil et Paraguay) est depuis longtemps considérée comme une zone sensible pour les activités de financement du Hezbollah et du Hamas.
Le texte complet du rapport Patterns of Global Terrorism 2003 est accessible sur le site du Département d’Etat, aux formats HTML et PDF:
http://www.state.gov/j/ct/rls/crt/2003/