Nombre de lecteurs nous demandent depuis quelque temps déjà une présentation panoramique et introductive des pratiques du terrorisme. Avec l’aimable autorisation de l’auteur, terrorisme.net a le plaisir de mettre à disposition des visiteurs du site un panorama rédigé par Alexandre Blais.
Il s’agit à l’origine d’un projet de recherche entrepris dans le cadre d’études de maîtrise en criminologie à l’Université de Montréal en l’an 2000. Cela explique plusieurs références à la situation canadienne dans le texte, mais la perspective d’ensemble est internationale et les informations fournies s’appliquent à tous les pays. Comme l’explique l’auteur, le terrorisme non conventionnel l’intéresse particulièrement, en raison des incertitudes qui l’entourent, mais il dresse cependant un portrait général des techniques terroristes déjà utilisées ou potentielles.
L’auteur a procédé à certaines mises à jour, mais la situation évolue très vite, notamment dans le domaine des mesures contre-terroristes. Aux Etats-Unis et ailleurs, nombre de nouvelles mesures ont été adoptées depuis la rédaction de ce travail: il convient de s’en souvenir en lisant les sections qui évoquent ces sujets.
Comme toujours lorsque nous publions un texte d’un auteur invité, celui-ci est seul responsable du contenu et des opinions exprimées.
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L’auteur de cet article de recherche détient un baccalauréat en science politique et une scolarité de maîtrise en criminologie de l’Université de Montréal. Cet article de recherche est issu d’un projet de recherche entrepris à titre d’étudiant de maîtrise en criminologie à l’automne 2000.
Sommaire
Présentation du document
Introduction
1.Terminologie du terrorisme
1.1 Définitions tirées des textes législatifs et de la littérature
1.2 Traits spécifiques au terrorisme
1.3 Motivations liées au terrorisme
- Méthodes du terrorisme
2.1 Attentats à la bombe
2.1.1 Types d’attentats
2.1.2 Types d’engins explosifs utilisés
2.1.3 Mécanique des engins explosifs
2.1.4 Méthodes d’utilisation des engins explosifs
2.2 Assassinats
2.3 Prises d’otages
2.3.1 L’enlèvement avec séquestration
2.3.2 La prise d’otage avec barricade
2.4 Atteintes à la sécurité des transports aériens
2.5 Mesures contre-terroristes
- Terrorisme non conventionnel
3.1 Matériel nucléaire et radiologique
3.1.1. Trafic illicite de matières nucléaires
3.1.2 Utilisation des matières nucléaires
3.2 Agents chimiques
3.2.1 Agents neurotoxiques
3.2.2 Agents vésicants
3.2.3 Agents suffocants et anoxiants
3.2.4 Acquisition et dissémination
3.2.5 Incidents terroristes – agents chimiques
3.2.6 Aum Shinrikyo et les attentats au sarin
3.2.7 L’attentat de Matsumoto
3.2.8 L’attaque du métro de Tokyo
3.3 Agents biologiques
3.3.1 Agents bactériens
3.3.2 Agents viraux
3.3.3 Toxines biologiques
3.3.4 Acquisition et dissémination
3.3.5 Incidents terroristes – agents biologiques
3.4 Réaction au terrorisme à caractère chimique et biologique
3.4.1 Mesures de préparation aux Etats-Unis
3.4.2 Mesures de préparation au Canada
Conclusion
Références bibliographiques
Introduction
La liste des pays affectés par le phénomène terroriste est longue. En fait, il semble qu’aucun pays, comme le note Bonanate (1994), n’a été totalement épargné par le terrorisme. Le terrorisme est dans certains pays un phénomène criminel rare. Pour d’autres, il est une source d’inquiétude et de danger importante (Egypte, Algérie, Sri Lanka, Colombie, etc.). L’un des pays les plus ciblés par le terrorisme est sans aucun doute IsraeNl. Depuis le début des années 60, diverses organisations terroristes ont été à l’origine d’attentats brutaux en IsraeNl. Le phénomène terroriste est aussi présent dans plusieurs pays de l’Europe. Le terrorisme a constitué pendant plusieurs années une véritable menace pour le Royaume-Uni. La plupart des actes de terrorisme commis au Royaume-Uni avaient un lien avec les affaires d’Irlande du Nord. Le scénario est semblable pour la France et l’Espagne. La France a été dans les années 80 et 90 marquée par des attentats à la bombe d’une grande violence, perpétrés essentiellement par des groupes terroristes internationaux arabes. Quant àl’Espagne, le système judiciaire semble incapable de venir à bout de l’organisation terroriste séparatiste basque qui sévit sur son territoire.
En Amérique du Nord, les actes de terrorisme sont rares et ne constituent qu’une part infime de la criminalité de violence. Les actes de terrorisme qui ont étécommis aux Etats-Unis sont peu nombreux. Les actes de terrorisme les plus meurtriers des annales du terrorisme ont cependant été commis dans ce pays, en l’occurrence les attaques catastrophiques du 11 septembre 2001. Avant cette date, le pays avait connu certains actes de terrorisme, dont un premier attentat plus ou moins manqué contre le Word Trade Center en 1993 et l’attentat à la bombe très destructeur d’Oklahoma City en 1995. D’autres actes de terrorisme, bien que moins spectaculaires, ont également été commis par des extrémistes opposés à l’avortement, des groupuscules suprémacistes blancs et des groupuscules séparatistes portoricains.
Pendant longtemps, le terrorisme ne constituait pas une source d’insécurité importante pour la population américaine. Avant l’attentat d’Oklahoma City, le terrorisme était considéré essentiellement comme un problème extérieur et ce, en raison des nombreux attentats dont les Etats-Unis avaient été la cible à l’étranger. Plusieurs attentats importants ont été commis contre des cibles américaines àtravers le monde. Les Etats-Unis ont notamment été la cible en 1996 d’un attentat à la bombe contre les tours Khobar à Dhahran en Egypte, et en 1998 d’attentats à la bombe contre les ambassades américaines de Nairobi au Kenya et de Dar es-Salaam en Tanzanie. Le Federal Bureau of Investigation (FBI) estime qu’environ 32 % des attaques terroristes perpétrées à travers le monde entre 1982 et 1992 ont visé des cibles américaines.
Au Canada, on ne compte qu’un petit nombre d’actes pouvant être considérés comme du terrorisme. Les actes de terrorisme qui ont présenté la plus grande menace pour la sécurité publique sont ceux survenus au Québec dans les années 70. Plusieurs attentats à la bombe avaient été perpétrés à Montréal par le Front de libération du Québec (FLQ), groupe aussi à l’origine de l’assassinat du ministre du Travail Pierre Laporte et de l’enlèvement du diplomate britannique James Richard Cross. La série d’attentats avait culminé avec l’adoption de la Loi sur les mesures guerre. Plus récemment, quelques incidents sont survenus, que la section de l’analyse du crime extrémiste de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qualifie de terroristes (2001: 12). En 1998, le rédacteur du Indo-Canadian Time, un journal sikh modéré, a été assassiné par balle dans son garage alors qu’il sortait de sa voiture pour prendre place dans sa chaise roulante. Des extrémistes sikhs ont été soupçonnés par les autorités policières d’être àl’origine du meurtre. En 1997, le docteur Jack Fainman, un médecin pratiquant l’avortement à Winnipeg, a été victime d’une tentative de meurtre par un tireur embusqué alors qu’il était dans sa maison. Puis, en 1996, le Jewish Federation Centre, situé à Calgary, a reçu un engin explosif dissimulé dans un emballage cadeau, qui n’a explosé que partiellement dans les mains d’une secrétaire. La même année, le groupuscule de défense des animaux Justice Department avait prétendu avoir envoyé des lettres piégées avec des lames de rasoir infectées du virus du VIH à des sociétés exploitant les animaux à fourrure. D’autres groupuscules défendant des causes particulières ont aussi été à l’origine d’autres incidents.
Contrairement aux Etats-Unis, le Canada n’a pas fait l’objet d’attentat spectaculaire sur son territoire. Néanmoins, des terroristes se sont installés au Canada pour mener diverses activités de soutien au terrorisme et de planification en vue de commettre des attentats. Selon Smythe (1996: 18), ces activités sont le reflet de conflits étrangers et n’ont pas de lien avec la scène politique canadienne. Les activités ont principalement consisté à collecter des fonds sous le couvert de causes légitimes pour appuyer financièrement des actes de terrorisme perpétrés à l’étranger. Plus de 50 organisations et 350 individus auraient à ce sujet été dans le collimateur du renseignement canadien (SCRS, 2001: 7). Depuis les dernières années, des terroristes actifs ont aussi utilisé le Canada comme lieu de transit en vue de commettre des attentats aux Etats-Unis. A cet égard, Ahmed Ressam, un ancien résident de Montréal travaillant pour le réseau terroriste Al-Qaeda, avait été arrêté à la frontière canado-américaine en décembre 1999 en possession d’explosifs destinés à e^tre utilisés pour commettre un attentat à l’aéroport de Los Angeles.
Les attentats du 11 septembre 2001 survenus aux Etats-Unis ont fait du terrorisme le phénomène criminel qui constitue la plus grande source de préoccupation pour les gouvernements et les organismes de sécurité dans le monde. Ces attentats ont surpris plus d’un observateur par l’ampleur de la catastrophe et de la crise provoquée mais également par la capacité que pouvaient avoir certains terroristes à mener des attaques d’une grande violence. De plus, ces attentats auraient permis aux autorités, selon Hamilton (2001: 10), d’être sensibilisées davantage quant à la possibilité que des terroristes puissent recourir à des méthodes auxquelles les autorités ne sont pas habituées ? faire face et qui peuvent causer un grand nombre de victimes.
A cette occasion, les terroristes avaient utilisé des avions comme bombes volantes. Il n?est pas impossible que des terroristes utilisent à nouveau ce moyen pour s’attaquer à leurs ennemis, même si des mesures de sécurité accrues ont été adoptées pour prévenir la répétition de tels actes. Mais d’autres scénarios sont envisagés, dont l’utilisation par des terroristes de matières dangereuses (nucléaire, radiologique, chimique, biologique). L’emploi de ces matières à des fins de terrorisme est considéré par les services de sécurité nord-américains comme la principale menace. Pour la sécurité nationale, il s’agit là, comme le note Hamilton (2001: 12), d?une “menace fort complexe qui pose un risque de destruction plus élevé”. Toutefois, un attentat aux matières dangereuses ne serait rien de nouveau dans les annales du terrorisme. Les terroristes ont déjà montré à plusieurs reprises un intérêt pour les matières dangereuses. L’organisation Aum Shinrikyo a sans doute été celle qui a démontré le plus de détermination à acquérir de telles armes et à les utiliser contre le public. Elle avait été à l’origine de l’attentat au sarin dans le métro de Tokyo en 1995.
Le terrorisme et ses méthodes sont bien connus en criminologie. Le phénomène du terrorisme lié aux matières dangereuses (non conventionnel) l’est cependant moins. C’est pour cette raison que ce document a été réalisé. Il s’adresse autant aux étudiants en criminologie qu’aux personnes chargées de l’application de la loi qui désirent en connaître plus sur ce phénomène criminel. Après quelques précisions sur la définition du terrorisme à partir de sources académiques ou légales, après un examen des traits spécifiques au terrorisme et de ses motivations, nous aborderons les méthodes du terrorisme les plus connues (attentats à la bombe, prises d’otage, assassinat, etc.) et nous examinerons les réponses possibles à de tels actes. Cette entrée en matière un peu longue mais nécessaire sur le sujet du terrorisme conventionnel nous permettra de dresser un portrait des tendances actuelles dans le domaine du terrorisme et d’aborder une forme moins conventionnelle de terrorisme, avec utilisation d’armes chimiques, biologiques et radiologiques. Nous présenterons les matières dangereuses qui, selon la littérature, présentent un risque d’être utilisées comme armes à des fins de terrorisme, ainsi que les moyens par lesquels elles risquent d’être acquises et utilisées par des organisations terroristes. Nous passerons en revue les incidents terroristes récents impliquant des matières dangereuses et, puisque les autorités estiment que d’autres incidents similaires ou pires peuvent se produire an Amérique du Nord, nous examinerons comment elles s’y préparent.
- Terminologie du terrorisme
Le terme terrorisme est souvent employé par les médias sans savoir à quoi il renvoie précisément. On peut circonscrire ce que l’on entend par le terme terrorisme en se référant aux définitions proposées selon les textes législatifs et les experts du terrorisme. Cette entreprise nous permettra de dégager les traits caractéristiques du terrorisme. Dans un but de rendre la compréhension du terrorisme la plus exhaustive possible, nous présenterons ensuite les différentes motivations associées au terrorisme.
1.1 Définitions tirées des textes législatifs et de la littérature
Circonscrire avec exactitude ce que constitue le terrorisme est une tâche complexe si l’on considère qu’il n’existe pas d’unanimité sur sa définition. Plusieurs textes législatifs offrent une définition du terrorisme et en font une infraction criminelle spécifique. Toutefois, la signification du terrorisme à tendance à varier d’une législation à l’autre. Du côté de la littérature, on retrouve plus d’une centaine de définitions du terrorisme. Il apparaît donc clairement qu’il est difficile de dégager une définition générique (Renar, 1992). La présentation de quelques-unes des ces définitions nous permettra de dégager les traits les plus caractéristiques qui s’y rapportent.
Dans le cadre du droit pénal classique, le terrorisme ou l’acte de terrorisme n’est pas défini. C’était le cas au Canada avant le dépôt du projet de loi C-36, où le Code criminel ne contenait pas d’incrimination spécifique de terrorisme. Celui-ci était indéfini et renvoyait à une série d’incriminations de droit commun. Les incriminations pouvant se rapporter au terrorisme tombaient sous celles existantes dans le Code criminel telles les infractions contre l’ordre public (intimidation du parlement ou d’une législature, sabotage, détournement, atteinte à la sécurité des aéronefs ou des aéroports, usage d’explosif) et les infractions contre la personne (meurtre, enlèvement, prise d’otage). Le terrorisme pouvait néanmoins être défini en référence à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (paragraphe 2c) qui, sans parler de terrorisme, couvrait cette infraction. Cette loi comprend les «activités qui visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d’atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État étranger».
Toutefois, le projet de législation C-36 présenté par le gouvernement canadien (2001) a fait du terrorisme une infraction spécifique. En vertu du projet de loi C-36 (partie II.1), le terrorisme est définit comme:
«(i) un acte commis a) au nom d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique, b) en vue d’intimider la population ou une partie de celle-ci quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir, que la personne, le gouvernement ou l’organisation soit ou non au Canada; (ii) qui visea) à causer des blessures graves à une personne ou la mort de celle-ci, par l’usage de la violence, b) à mettre en danger la vie d’une personne, c) à compromettre gravement la santé ou la sécurité d’une population ou une partie de celle-ci, d) à causer des dommages matériels considérables, que les biens visés soient publics ou privés, dans des circonstances telles qu’il est probable que l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C) et (E) en résultera; e) à perturber gravement ou à paralyser des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre d’activités licites de revendications, de protestation ou de manifestation d’un désaccord, ou d’un arrêt de travail licite, qui ne sont pas exercées dans le but de provoquer l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C). Est exclue de la définition l’action commis au cours d’un conflit armé et conforme au droit international coutumier ou au droit international conventionnel applicable au conflit ainsi que les activités menées par les forces armées d’un État dans l’exercice de leurs fonctions officielles, dans la mesure où elles sont régies par d’autres règles de droit».
En France, le Nouveau Code pénal français a récemment incorporé le crime terroriste parmi les autres infractions criminelles (article 421-1 et 421-2). Cette législation apporte une définition plus générale du terrorisme que celle proposée par le Canada. Elle le définit comme: «une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.» Pour qu’un acte puisse être qualifié de terroriste, il doit satisfaire deux critères. D’une part, il doit impliquer la commission de certaines infractions spécifiques telles:«les atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration, le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport [1] .» La causalité entre la commission de ces infractions et une entreprise individuelle ou collective, telle qu’elle a été mentionnée ci-dessus, constitue le second critère.
Au Royaume-Uni, la Loi antiterroriste de 2000 considère, pour sa part, comme terrorisme un acte qui satisfait au moins un point de chacune de parties suivantes. Un acte est terroriste s’il implique: 1) (i) l’usage de la violence ou (ii) la menace de l’usage; 2) (i) contre toute personne, ou (ii) la perpétration de sérieux dommages contre la propriété, (iii) mettant des vies en danger, (iv) créant un risque sérieux pour la santé publique, (v) ou étant utilisé pour interférer sérieusement ou détruire un système électronique; 3) (i) qui implique l’usage d’armes à feu ou d’explosifs, (ii) dont l’objectif est d’influencer le gouvernement ou (iii) d’intimider le public ou une partie de celui-ci; 4) afin de promouvoir une (i) cause politique, (ii) religieuse ou (iii) idéologique.
Enfin, aux États-Unis, l’Effective Counterterrorism Act de 1996 (section 105b) fait du terrorisme un crime fédéral. Selon cette législation, le terrorisme est défini comme: «un acte calculé visant à influencer ou affecter la conduite du gouvernement par l’intimidation ou la coercition, ou visant à exercer des représailles envers ce dernier.» Il doit être perpétré en relation à diverses violations pénales (voir section 105b B). On retrouve également aux États-Unis une définition du terrorisme dans le United States Code (titre 18, section 231). Le terrorisme est ici défini comme: a) un acte de violence ou un acte dangereux pour la vie humaine constituant une violation des lois criminelles des États-Unis, ou qui constituerait, si perpétré à l’extérieur des États-Unis, une violation de ces dernières; b) qui est perpétré dans un but (i) d’intimider ou contraindre une population civile, (ii) d’influencer la politique du gouvernement par l’intimidation et la coercition ou (iii) d’affecter les activités du gouvernement par l’assassinat ou l’enlèvement.
Du côté de la littérature, il n’existe pas de définition commune sur laquelle reposent les recherches sur le terrorisme. Divers experts ont adopté leur propre définition:
Hudson (1989) : «un acte de violence perpétré dans un environnement de paix et qui est prémédité, inattendu et perpétré contre des personnes non-combattantes ou une cible représentant un pays donné, dans une intention d’obtenir de la publicité, de faire de la propagande pour une cause et d’intimider le plus grand nombre de gens possible afin d’arriver à des objectifs politiques et sociaux.»
Hoffman (1998) : «l’usage de la violence visant à créer délibérément un climat de peur ayant comme cible première non pas la victime immédiate mais une audience plus large(un groupe ethnique ou religieux rival, un pays entier, un gouvernement, un parti politique, une opinion publique), dont l’objectif est d’obtenir de la publicité et du pouvoir pour atteindre des changements politiques, ceux-ci pouvant être à une échelle interne ou internationale.»
Wardlard (1989) : «l’usage, ou la menace de l’usage, de la violence par un individu ou un groupe contre une autorité établie dans un but de créer une forte anxiété chez un groupe plus large que celui des victimes immédiates. L’acte terroriste est essentiellement un acte coercitif qui vise à accéder aux demandes politiques de celui ou ceux qui l’exécutent.»
Schmid (1983): «une méthode d’action violente qui est perpétrée par des individus, des groupes ou acteurs étatiques clandestins, pour des raisons soit d’idiosyncrasie, soit criminelles ou politiques, contre des personnes sélectionnées au hasard ou contre des personnes précises (cibles symboliques d’une population donnée) visant à intimider, contraindre ou faire de la propagande pour une cause.» Comme c’est le cas avec la définition de Hoffman, les cibles directes de l’acte de violence ne sont pas nécessairement les cibles principales.
1.2 Traits spécifiques au terrorisme
Les définitions que l’on retrouve dans les textes législatifs et celles qui sont formulées par les experts de la question terroriste permettent de faire ressortir quelques traits qui caractérisent le terrorisme.
Le premier trait est la violence. Celle-ci apparaît comme dénominateur commun aux définitions du terrorisme. Une étude réalisée par Schmid (1983) va dans ce sens: 83% des définitions qu’il a recensées comportent la violence comme trait principal. Toutefois, cette caractéristique ne nous permet pas de distinguer le terrorisme d’autres comportements criminels ordinaires, qui peuvent eux aussi être caractérisés par la violence (Jenkins, 1980).
Cet acte de violence est particulier. En plus d’être prémédité, il se démarque par son caractère réflexif. Selon Brodeur (1991), la violence qui caractérise le terrorisme est une violence de type réflexif, par opposition à une violence de type expressif. Celle-ci a comme intention première l’agression physique. Les actes caractérisés par ce type de violence (par exemple, le vandalisme) vont rarement au-delà de cette agression et ne sont bien souvent que l’expression d’un sentiment de rage et de frustration (Brodeur, 1991: 184). Quant à la violence de type réflexif, elle constitue un moyen de communication. L’acte de violence n’est pas perpétré uniquement pour détruire, mais aussi pour envoyer un message, influencer une audience et intimider. Selon Brodeur, la violence réflexive est une combinaison de force physique et de contenu informationnel, lequel est tout aussi important que la force (Brodeur, 1991: 184).
Un second trait spécifique qui peut être dégagé des définitions est que le terrorisme vise une audience plus large que sa ou ses victimes immédiates qu’il génère. Il vise à créer un climat de crainte dans une population allant bien au-delà des victimes elles-mêmes. Cette différenciation victime/cible constitue l’un des traits les plus importants, selon Schmid, du terrorisme. Ce trait permettrait selon Fromkin, cité par Combs (1997), de distinguer l’acte terroriste de l’acte de guerre légal et de l’acte criminel ordinaire, dans la mesure où :
«Unlike the soldier, the terrorist is always in the paradoxical position of undertaking action the immediate physical consequence of which are not particularly desired by him. An ordinary murderer will kill someone because he wants the person to be dead; but a terrorist will shoot somebody even though it is a matter of complete indifference to him whether that person lives or dies».
La plupart des crimes de violence ont la particularité suivante: l’objet de l’agression est à la fois la victime immédiate et la cible (Davis, 1989). Dans le cas du terrorisme, la victime directe de l’acte de violence n’est bien souvent pas sa cible principale. L’auteur de l’acte de violence terroriste n’a pas d’intérêt particulier pour sa ou ses victimes immédiates. La seule chose qui compte, c’est ce que son auteur peut obtenir par leur intermédiaire(obtenir une rançon, libérer des détenus, modifier une loi ou une politique, attirer l’attention de l’opinion publique sur une cause, déstabiliser l’ordre social). Freedman (1983) va dans ce sens en soutenant que la chose la plus importante n’est pas les dommages physiques et psychologiques provoqués par l’acte de violence sur la victime directe, contrairement à l’acte de guerre ou l’acte criminel ordinaire, mais plutôt l’effet psychologique (anxiété, intimidation, panique) qu’il produit sur une cible tierce, que ce soit un parti politique, un groupe ethnique, un gouvernement.
Le terrorisme a comme autre trait spécifique qu’il est dirigé contre des personnes non combattantes. Par celles-ci, on entend les personnes civiles qui se trouvent à la mauvaise place et au mauvais moment, ou le personnel militaire et policier qui, au moment de la perpétration de l’acte terroriste, n’était pas préparé à se battre ni en mesure de se défendre (U.S. State Department, 1999).
Enfin, le terrorisme est caractérisé par le fait qu’il est perpétré en référence à une motivation politique, idéologique ou religieuse. Cette caractéristique figure dans presque la totalité des définitions sur le terrorisme dans la littérature. Un acte de violence dont la finalité ne serait pas de cette nature serait plutôt considéré comme un acte de pure délinquance ou un acte de démence.
1.3 Motivations liées au terrorisme
Les actes de terrorisme peuvent être classés en fonction des différentes motivations qui mènent à leur exécution. Selon la littérature, ces motivations se rapportent essentiellement aux catégories suivantes: ethnique-séparatiste, idéologique, extrémisme religieux, défense d’une cause particulière et hybride (narco-terrorisme).
Le terrorisme a eu dans bien des cas comme facteur de motivation le nationalisme ethnique et le séparatisme. Les actes perpétrés par l’IRA provisoire et l’ETA basque en sont de bons exemples. L’IRA est à l’origine de plusieurs attentats en Irande du Nord et en Angleterre, notamment contre des hauts fonctionnaires britanniques et des membres des forces de l’ordre. L’objectif de cette organisation était essentiellement de forcer le retrait des forces britanniques d’Irlande et de faire pression pour l’unification irlandaise. Quant à l’ETA, elle est à l’origine de plusieurs attentats contre des membres du gouvernement espagnol et les forces de sécurité. Ces actes visent à forcer le gouvernement à reconnaître l’indépendance politique du Pays basque. Par ailleurs, on retrouve des actes terroristes qui ont été perpétrés sur la scène internationale par des factions pro-palestiennes et divers groupes (Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul, groupes sikhs en Inde), qui ont parfois un fondement religieux mais dont la vocation première est autonomiste.
Certains actes de terrorisme ont été perpétrés, pour leur part, en référence à une idéologie radicale. Ils sont l’œuvre de groupes extrémistes de gauche ou de droite. Les actes terroristes perpétrés par les groupes terroristes d’extrême gauche sont des actes de contestation radicale du système socio-économique. Selon Bonanate (1994: 167), ces groupes commettent des «actes visant à affaiblir l’État et créer une situation révolutionnaire et une haine pour l’État et ses représentants». Ces actes ont été perpétrés, par exemple, par les Brigades rouges en Italie, groupe impliqué dans plusieurs séquestrations et voué à la déstabilisation de l’État italien et à la destruction du système capitaliste. On peut aussi donner comme autre exemple les actes de terrorisme perpétrés par la Bande à Baader (Fraction armée rouge) en Allemagne, groupe impliqué au cours des années 70 et 80 dans l’assassinat de magistrats, des attaques contre des installations américaines et des actions violentes contre des représentants de grandes entreprises. Un autre exemple est le terrorisme du Sentier lumineux. Celui-ci est à l’origine de plusieurs attentats brutaux contre les institutions péruviennes et des missions diplomatiques de pays étranger. La motivation de leurs actes était la destruction des institutions péruviennes et l’instauration d’un gouvernement révolutionnaire.
À l’opposé, d’autres actes, qui ont aussi comme motivation l’idéologie, sont inspirés par un extrémisme de droite. Certains de ces actes ont été perpétrés en Italie dans les années 70 par des groupes néo-fascistes. Ces actes visaient à créer une psychose d’insécurité dans la population pour déstabiliser l’État. Des groupes tels Avant-garde nationale et Ordre nouveau ont été à l’origine de plusieurs attentats contre les infrastructures de transport du pays. D’autres actes ont été perpétrés en référence à la haine raciale. Ces actes sont l’œuvre de groupuscules néo-nazis et d’agrégations de skinheads (Combat-18, VAPO) [2] et sont commis au nom de thèses xénophobes et racistes. Selon Renar (1992), ces actes sont souvent l’œuvre de «groupes sans véritable projet politique, ni véritables structures clandestines. Il s’agit plutôt de propagande armée venant de groupuscules racistes.» S’ajoutent à cela les actes terroristes perpétrés par des suprémacistes blancs qui véhiculent une rhétorique anti-gouvernementale et qui sont orientés vers la vengeance, comme cela était le cas avec l’attentat d’Oklahoma City [3] . Le terrorisme s’inscrit ici dans une dynamique de délégitimation de l’autorité étatique (Bjorgo, 1995).
Si pour certains actes terroristes la motivation est avant tout d’ordre politique et idéologique, d’autres sont motivés par des impératifs religieux. Ils constituent aujourd’hui une des tendances les plus fortes en matière de terrorisme. Les extrémistes qui sont à leur origine sont affiliés à diverses organisations, allant notamment du mouvement sikh Dal Khalsa, du Hezbollah libanais, des organisations militantes sunnites Hamas et Jihad islamique, du Groupe islamique armé et du réseau fondamentaliste Al-Qaeda. La majorité des actes de terrorisme dont le motif est religieux sont inspirés par le fondamentalisme islamique (Wilcox, 1997). Outre l’idéologie religieuse qui les teinte, ces actes peuvent avoir des objectifs variés. Des groupes tels que le Hezbollah et le Hamas, par exemple, visent la poursuite de la résistance à l’occupation israélienne (Ranstorp, 1996). Le groupe Al-Qaeda, pour sa part, lutte contre les régimes arabes pro-occidentaux et mènent des agressions contre des cibles occidentales situées en territoire arabe et à l’étranger. Enfin, certains actes sont l’œuvre de groupes strictement millénaristes ou messianiques, comme l’organisation Aum Shinrikyo, à l’origine des attentats aux matières dangereuses durant les années 90 au Japon (Laqueur, 1997).
De façon plus marginale, le terrorisme peut être motivé par la défense d’une cause particulière. Certains groupes, provenant surtout de pays anglo-saxons, se sont livrés à des actes de violence pour protester contre l’avortement, les atteintes aux droits des animaux et à l’environnement. Les auteurs de ces actes sont motivés à changer une politique ou une pratique qu’ils jugent inacceptable par la violence. Quelques attentats à la bombe ont été perpétrés contre des cliniques d’avortement et leur personnel durant les années 80 et 90 par des extrémistes pro-vie [4] . D’autres attentats ont été revendiqués par des groupuscules au nom de la défense des droits des animaux. Des groupuscules tels Justice Department et Animal Right Militia au Royaume Uni et Militant Direct Action Task Force au Canada sont à l’origine dans les années 80 et 90 de nombreux attentats à la bombe, aux lettres et véhicules piégés contre des résidences de scientifiques, d’institutions académiques et d’individus liés à l’expérimentation animale. En plus, des attentats ont aussi été commis par des groupuscules pour mettre un frein aux menaces à l’environnement et attirer l’attention sur sa protection [5] . Le groupuscule canadien Direct Action est à l’origine de certains de ces actes dans les années 80 (Smith, 1998) [6] .
Le terrorisme est aussi un des instruments de groupes mafieux qui opèrent leurs activités illicites en Amérique latine et en Europe. En recourant systématiquement à la violence, ce terrorisme vise principalement à influer sur les milieux politiques et judiciaires impliqués dans la lutte au trafic de stupéfiants (Smith, 1991; Colen, 1998). Étant donné que ce terrorisme à une motivation qui est essentiellement économique (pouvoir et argent), sa motivation est essentiellement économique, certains auteurs l’identifient comme un quasi-terrorisme. Les exemples d’attentats sont nombreux, surtout en Colombie. Un nombre important de juges, de personnalités politiques, de journalistes et de policiers ont été victimes d’attaques (Medd et Goldstein, 1997: 284). Par exemple, l’organisation terroriste M-19 avait pris d’assaut le palais de justice de Bogota et retenu en otage les personnes qui s’y trouvaient. Le but des terroristes était d’intimider le gouvernement américain qui réclamait l’extradition de criminels liés à un cartel de la drogue vers les États-Unis (Colen, 1998: 120).
- Méthodes du terrorisme
On retrouve une constante dans le terrorisme: les méthodes utilisées (Marret 2000: 5). La plupart des organisations terroristes ne sont pas au point de vue tactique innovatrices et dévient rarement de leur modus operandi. Elles s’en tiennent essentiellement aux méthodes principales du terrorisme: l’attentat à la bombe, l’assassinat, la prise d’otage (incluant l’enlèvement) et les atteintes à la sécurité de l’aviation civile.
Ces méthodes peuvent être placées selon Medd et Goldstein (1997: 282) dans deux catégories: les events of duration et les conclusive events. Dans la première catégorie, on retrouve la prise d’otage et les détournements d’aéronefs. Ces méthodes sont souvent d’une longue durée et impliquent une négociation, ou du moins une discussion, entre les auteurs de l’acte terroriste et les autorités. Dans la seconde catégorie, on retrouve comme méthodes celles qui visentr à tuer ou blesser, et qui surviennent trop rapidement pour permettre une réaction de la part des forces de l’ordre: l’attentat à la bombe et les assasinats.
Marret (2000: 10) classe, pour sa part, ces méthodes différement. Elles se réduisent à trois types: a) les méthodes qui visent les biens (attentats à la bombe contre des bâtiments et des véhicules), b) les méthodes qui sont dirigées contre des personnes et leur liberté (les prises d’otage) ou leur intégrité physique (assassinats sous diverses formes); c) les méthodes qui frappent à la fois les personnes et les biens matériels (les détournements d’aéronefs).
2.1 Attentats à la bombe
Les attentats à la bombe constituent un problème important pour la sécurité publique. Chaque année, des centaines de personnes sont tuées ou blessées par ces attentats. Ils sont aussi responsables de dommages matériels se comptant en millions de dollars.
Les attentats à la bombe sont l’œuvre de diverses sources: individus déséquilibrés mentalement, individus auto-motivés, groupes criminels organisés et terroristes. Les attentats commis par des individus déséquilibrés sont sans motif apparent et ils sont perpétrés pour le sentiment de puissance et d’excitation qu’ils procurent. Un bon exemple est le poseur de bombes en série George Metesky, alias «The mad bomber», qui, sur une période de dix-sept ans, avait placé plus d’une trentaine de bombes artisanales dans des endroits publics autour de la ville de New York. Quant aux individus auto-motivés, ils ont recours aux attentats pour des raisons d’intérêt personnel. Tel a été le cas avec l’attentat perpétré contre le DC3 de la Canadian Pacific Airlines parti de L’Ancienne-Lorette à destination de Baie-Comeau en 1949. L’attentat était l’œuvre d’un bijoutier de Québec, du nom de J.-Albert Guay, qui désirait se débarrasser de son épouse Rita Morel et toucher l’assurance vie. Quant aux groupes criminels organisés, ils utilisent les attentats pour intimider et assassiner certaines personnes pour acquérir des gains financiers et contrôler certaines activités criminelles. Les attentats à la bombe perpétrés par les bandes de motards criminalisés contre leurs concurrents constituent de bons exemples [7]. Les terroristes, pour leur part, ont recours aux attentats à la bombe à des fins politiques et idéologiques.
L’usage de bombes à des fins terroristes n’est pas récent. Guy Fawkes fut sans doute l’un des pionniers de l’attentat à la bombe. Il tenta, le 5 novembre 1605, de faire exploser le parlement britannique (Clutterbuck, 1975). Les anarchistes russes avaient aussi attenté à la vie du tsar par le recours à une bombe. Dans les dernières décennies, les terroristes ont utilisé essentiellement l’attentat à la bombe comme méthode criminelle contre une variété de cibles: ambassades, missions commerciales, grandes entreprises, administrations gouvernementales, forces de l’ordre, centres touristiques, marchés publics, etc. On estime que les attentats à la bombe constituent près de 80 % des actes de terrorisme. Dans son rapport de 2001, le Département d’État a dénombré dans le monde 253 attentats à la bombe d’origine terroriste.
La popularité des attentats à la bombe chez les terroristes s’explique de diverses façons. Selon Schmid (1983), la distance temporelle et physique constitue un premier élément d’explication. Au niveau temporel, l’attentat à la bombe permet de fixer l’agression à l’heure voulue. La bombe est souvent actionnée par un dispositif de mise à feu qui permet à ceux qui l’ont placée d’être loin lors de sa déflagration [8]. Au niveau physique, ces attentats permettent à ses auteurs d’éviter le contact direct avec leur cible. À ce titre, Taylor (1988) considère l’attentat à la bombe comme une forme de d’agression impersonnelle, puisque l’auteur n’est pas proche de sa victime lorsqu’il passe à l’acte. Cette distance permet de réduire les risques pour l’auteur de l’attentat d’être appréhendé par la police. Par comparaison, un individu qui tenterait de commettre un assassinat à l’aide d’un revolver contre une personnalité dans un endroit public risquerait plus d’être aperçu et appréhendé. On retrouve dans la littérature un autre élément d’explication qui est très répandu. On attribue la popularité des attentats au fait que les engins explosifs sont relativement faciles à fabriquer, peu coûteux et efficaces. De plus, l’attentat à la bombe ne nécessite pas un nombre élevé d’individus pour être pensé et mis en œuvre (Marret, 2000: 13) Par ailleurs, on souligne dans la littérature que les attentats à la bombe sont utilisés pour leur létalité et l’étendue du sinistre qu’ils peuvent générer (Slater et Trunckey, 1997: 3).
2.1.1 Types d’attentats
Les attentats à la bombe peuvent être divisés deux catégories: les attentats symboliques et les attentats anti-personnels (Fuqua, 1978). Les attentats symboliques ont comme objectif premier de rendre médiatique une cause. Ils sont perpétrés contre des cibles qui ont une connotation symbolique. Ceux qui les commettent préfèrent éviter d’infliger des blessures physiques pour ne pas s’aliéner le support du public. Ils peuvent être perpétrés durant la nuit. Ils sont de façon générale précédés d’un appel de mise en garde afin de permettre aux personnes concernées d’évacuer les lieux, et sont souvent accompagnés de communiqués. Fuqua donne l’exemple des attentats perpétrés par le groupuscule Weathermen contre des édifices gouvernementaux et corporatifs dans les années 70 aux États-Unis.
Quant aux attentats anti-personnels, ils sont essentiellement de nature prédatrice. Contrairement aux attentats symboliques, les attentats anti-personnels ne sont pour la plupart pas précédés de mise en garde. Ils sont perpétrés dans un but de mutiler et de tuer. Les attentats anti-personnels sont essentiellement: les attentats qui sont perpétrés dans des lieux publics à grande affluence tels que les bars et les magasins, qui frappent à l’aveuglette et ne visent pas forcément des cibles précises (Marret, 2000: 100); les attentats aux véhicules piégés visant à détruire leur environnement immédiat sans distinction; les attentats perpétrés à l’aide d’engins explosifs à fragmentation qui contiennent des matériaux drus (clous, morceau de verre, vis, etc.); les attentats utilisant un dispositif explosif secondaire. Ces derniers visent spécifiquement à blesser les premiers répondants (policiers, ambulanciers, pompiers) qui sont dépêchés sur une scène d’attentat à la bombe. Un bon exemple d’attentat impliquant un dispositif secondaire a été celui perpétré contre une clinique d’avortement à Sandy Springs en Georgie en 1997 par des individus liés au groupuscule Army of God (FBI National Press Office, 1998). Ces derniers avaient fait exploser un transformateur situé près de l’Atlanta Northside Family Planning Service Center. Une heure après que les enquêteurs aient été sur place, un second engin explosait dans le stationnement de la clinique. L’engin était composé de bâtons de dynamite placés à l’intérieur d’une boîte métallique contenant des clous. Les individus à l’origine de l’attentat avaient indiqué dans un communiqué que: «The second device was aimed at agents of the so-called federal government, i.e. ATF, FBI, Marshall, etc.»
2.1.2 Types d’engins explosifs utilisés
Les engins explosifs utilisés par les terroristes pour causer la mort, des dommages corporels et matériels sont multiples. Leur utilisation dépend de facteurs tels que la cible à atteindre, les dégâts désirés, la disponibilité de certains matériaux et le savoir-faire des terroristes (Marret, 2000: 81). La conception et l’utilisation d’engins explosifs permettraient de distinguer le niveau de maîtrise technique des organisations terroristes. Certains terroristes ont recours à des engins explosifs artisanaux, dont la puissance peut être variable. Ils sont faciles à confectionner et peuvent être conçus avec des produits commerciaux. Les bombes incendiaires ainsi que les tuyaux explosifs (pipe bombs) constituent de bons exemples. Les tuyaux explosifs sont fabriqués à partir d’un tuyau de plomberie, d’un ingrédient actif (poudre noire, poudre de souffre, etc.) et d’un détonateur. Sa fabrication n’exige pas un niveau de connaissance élevé. Sans créer une large étendue du sinistre, ils permettent tout de même de semer l’émoi au sein de la population, comme ce fut le cas lors de l’attentat survenu au Parc olympique d’Atlanta en 1996, qui avait fait 2 morts et 111 blessés. D’autres engins artisanaux peuvent être plus dévastateurs, comme ce fut le cas dans l’attentat au véhicule piégé au nitrate d’ammonium contre l’édifice Murrah à Oklahoma City en 1995.
L’information (step-by-step) permettant de fabriquer ces engins est facilement accessible. En effet, plus d’une centaine de sites sur le réseau Internet divulguent des informations permettant de fabriquer des engins artisanaux. On retrouve aussi une série de publications plus ou moins underground consacrées à la fabrication d’engins artisanaux. Delta Press, par exemple, offre des titres tels: Terroristic Explosives Handbook, Pipe and Fire Bomb Designs, Improvised Munitions From Fertilizer, Homemade Semtex C-4’s ugly Sister (U.S. Department of Justice, 1997).
Dans d’autres cas, les engins explosifs utilisés par les terroristes ont un niveau de sophistication plus élevé. Ils peuvent être constitués d’un matériel explosif d’origine militaire ou commerciale qui a été volé ou encore fourni clandestinement par un État. Selon Marret (2000: 82), les terroristes les plus avancés au niveau du savoir-faire utilisent des explosifs de plastique tels le semtex ou son dérivé le C-4. On retrouve près de 27 sortes d’explosifs de plastique manufacturés à travers le monde sous diverses appellations. Ces explosifs sont principalement employés dans la démolition de bâtiments, le minage et servent aussi d’explosif de base dans certaines roquettes et petits missiles. L’explosif de plastique est l’arme de choix des auteurs d’attentats terroristes en raison de ses propriétés: il explose rarement de façon accidentelle; il est malléable; il est difficile à repérer par les appareils à rayons X et par les détecteurs chimiques électroniques; sa texture est élastique et adhésive; une petite quantité suffit pour occasionner des dégâts importants; et il est possible de diriger sa force explosive (Hobbs, 1993). Les explosifs de plastique ont été utilisés dans plusieurs attentats, notamment ceux de Lockerbie et de Riyadh. Dans le cas de l’attentat de Riyadh, quarante livres de plastique avaient servi à faire exploser une voiture piégée afin de détruire un bâtiment militaire américain.
2.1.3 Mécanique des engins explosifs
Les engins explosifs, qu’ils soient artisanaux ou sophistiqués, peuvent être classés dans trois grandes catégories: à combustion, à détonation et à déflagration. Les engins explosifs à combustion, comme le cocktail molotov, sont caractérisés par une réaction qui se propage par conductivité thermique. Dans ce cas, l’explosif brûle. Les explosifs détonants, pour leur part, vont créer une onde de choc, causée par une réaction chimique, qui fera en sorte que l’explosif détone. Ces explosifs, tels ceux utilisées pour la démolition (C-4), ont un effet de brisance qui leur permet de casser des surfaces comme les blindages et le béton. L’onde de choc provoquée par ces explosifs a un impact sur les objets qui se trouvent dans son périmètre. Ce sont les explosifs de choix utilisés dans les voitures piégées. Quant aux explosifs déflagrants, ils sont caractérisés par une combustion accélérée par un accroissement de la pression et de la température. La déflagration provoque une projection géométrique des éléments constituant l’engin explosif et ceux rencontrés par le souffle de la déflagration. C’est pour cette raison qu’on dit qu’ils ont un effet projetant (Marret, 2000: 15).
Les engins explosifs peuvent être déclenchés de plusieurs façons. Ils peuvent être principalement activés par trois types de systèmes: un système à retardement, un système de contrôle à distance et l’action de la cible. Encore une fois, le choix du système de mise à feu est lié à la cible choisie et reflète aussi le savoir-faire des terroristes. Le dispositif à retardement peut être mécanique, électrique, chimique et barométrique [9]. Le dispositif à retardement le plus simple est celui fabriqué à partir d’une minuterie et d’un mouvement d’horlogerie. Plus sophistiqués sont les dispositifs chimiques et barométriques. Le dispositif barométrique, souvent complémentaire du dispositif de minuterie, déclenche la charge explosive à partir d’une certaine altitude. Il a souvent servi dans les attentats d’avions de ligne. Quant au système de contrôle à distance, il permet une mise à feu de l’engin explosif par télécommande. Selon Marret (2000: 93), le système de contrôle par télcommande «assure par voie hertzienne aérienne la fermeture d’un circuit permettant la mise sous tension d’un détonateur électrique». Le système de télécommande est doté d’un codeur qui, connecté à un émetteur, permet de déclencher la bombe tout en empêchant le déclenchement involontaire causé par la présence d’ondes parasitaire. Par ailleurs, l’engin explosif peut aussi être déclenché par l’action de la cible. Ce type de système est utilisé dans les pièges explosifs.
2.1.4 Méthodes d’utilisation des engins explosifs
Les engins explosifs peuvent être utilisés de diverses façons. Le Bomb Countermeasures for Security Professionals Guide (2001) propose une classification qui comporte cinq catégories: objets piégés, attaques anti-véhicules, engins explosifs délivrés par une personne, bombes visant à créer un meurtre de masse et attaques à la charge projetée.
D’abord, l’attentat peut être perpétré sous forme d’objet piégé. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une enveloppe ou d’un colis piégés. Cette méthode d’utilisation n’est pas très répandue chez les auteurs d’attentats terroristes. Toutefois, elle s’avère une méthode pernicieuse car la probabilité qu’une personne non visée par l’attentat actionne le dispositif explosif est élevée. Ces objets utilisent un dispositif de mise à feu anti-perturbation (AON, 2000). À l’ouverture du paquet, le dispositif s’active et fait exploser la charge explosive. Celle-ci est en général de faible puissance car elle vise à blesser ou tuer une personne particulière et non à infliger des blessures à plusieurs individus. Un explosif de plastique tel que le C-4 peut être utilisé puisqu’il est produit en feuille pouvant être découpées à la taille et la forme voulue (Marret, 2000: 88). Cette méthode d’action a été particulièrement utilisée dans une série d’attentats par des militants palestiniens en novembre 1972. Durant cette campagne de terreur, une centaine d’envois postaux piégés avaient été effectués à destination de la Grande-Bretagne. Ces engins étaient conçus de la même façon: un détonateur industriel, compressé dans un étau, était inséré dans une enveloppe et enrobé d’explosif. Le fait d’ouvrir la lettre enclenchait un mécanisme, en l’occurrence un ressort en acier, une cartouche à broche, une mini-enclume, un détonateur et un explosif de plastique (Marret, 2000: 89). Plus récemment, on retrouve plusieurs exemples de ce genre d’attentat. Par exemple, le 27 mars 2000 à Séville, l’organisation terroriste basque ETA avait fait parvenir un colis piégé à Carlos Herrera, journaliste à Radio Nationale espagnole (Ministère de l’Intérieur espagnol, 2001). Le colis contenait deux détonateurs et six cellules photoélectriques qui étaient destinés à faire exploser 250 grammes de dynamite à l’ouverture du colis et au contact de la lumière. L’engin explosif était dissimulé dans une boîte de cigares cubains. Le colis piégé n’avait cependant pas explosé en raison d’une faille technique.
La deuxième méthode d’utilisation est l’attentat anti-véhicule. On retrouve dans cette catégorie quatre types d’attaques: a) explosion d’un dispositif explosif installé dans un véhicule inoccupé; b) explosion d’un dispositif explosif installé dans un véhicule occupé en mouvement; c) explosion d’un dispositif explosif dissimulé en bordure ou sous la route; d) propulsion d’un dispositif explosif conventionnel sur un véhicule. Dans le premier cas, le véhicule contient une quantité d’explosifs qui est détonée par minuterie ou signal radio. L’exemple typique de ce type d’attaque est l’attentat à la voiture piégée en pleine rue. Dans le second cas, une bombe est placée à bord d’un véhicule qui transporte des passagers. La bombe est activée par l’action d’une personne: ouvrir la porte, appuyer sur la pédale, etc. La bombe est placée dans le bloc avant afin de créer une projection géométrique des éléments du moteur (culasse, carburateur, vis, etc.) qui cause un maximum de victimes (Marret, 2000: 90). Une bombe peut aussi être destinée à une seule personne et faire un minimum de victimes. Elle sera placée sous le siège du conducteur ou sous la voiture de façon à rendre l’explosion précise et moins géométrique. Les charges creuses sont ici utilisées puisqu’elles permettent un créer effet dirigé. Lorsqu’elles explosent, elles concentrent la charge dans une direction donnée. On peut donner comme exemple l’attentat à la voiture piégée dont fut victime le conseiller municipal de Leiza, José Javier Mugica. L’ETA avait placé à bord de sa camionnette une charge de forte puissance qui avait explosé au moment où la clé de contact du véhicule avait été tournée. Dans le troisième cas, le véhicule est la cible d’un engin explosif placé en bordure ou sous la route (bouche d’égout, boîte aux lettres, etc.). Le dispositif explosif est activé au moment où un véhicule passe sur la route. Cette façon de procéder nécessite la présence d’une personne suffisamment proche pour voir la position du véhicule mais assez loin de la portée de l’explosion. Cette façon de procéder est efficace, selon Lesce (1996), seulement si les auteurs de l’attentat connaissent l’itinéraire de leur cible. On peut donner comme exemple l’attentat à la bombe perpétré contre le Premier ministre de l’État d’Assam en Inde par l’organisation United Liberation Front of Assam (United News of India, 1997). Une bombe avait été placée sous la route dans un caniveau et avait explosé au moment où le véhicule transportant le Premier ministre passait au dessus. Un autre exemple de ce genre d’attentat a été la spectaculaire opération Ogre du 20 décembre 1973 orchestrée par l’organisation ETA contre le véhicule de l’amiral Luic Carrero Blanco, chef du gouvernement franquiste. L’ETA avait creusé un tunnel sous une rue de Madrid pour y installer une charge explosive et des capteurs sensibles permettant de l’actionner à distance. L’explosion avait été tellement puissante qu’elle avait propulsé le véhicule au-dessus d’un immeuble adjacent (Bonanate, 1994: 92) [10].
La troisième méthode d’utilisation est la livraison d’un dispositif explosif par un individu. Dans la plupart des cas, l’engin explosif est dissimulé à un endroit et est activé après que le poseur de bombe ait quitté les lieux. On parle d’une bombe délivrée à un endroit donné par un «set-and-run killer». Dans d’autres cas, le poseur de bombe peut faire exploser l’engin aussitôt qu’il est à proximité de sa cible, au risque d’être tué par la bombe. Il s’agit ici des attentats suicides [11] . Le poseur de bombe porte lui-même l’engin explosif. Selon Ganor (2000), ces derniers sont perpétrés pour diverses raisons. D’abord, ces attentats sont perpétrés dans une intention claire d’occasionner un maximum de victimes et de dommages. De ce fait, elles attirent une large couverture médiatique. L’attentat suicide permet aussi à son ou ses auteurs de réaliser l’attaque au moment approprié et à l’endroit désiré avec précision. Ensuite, l’attentat suicide est perpétré parce qu’il est difficile de le faire avorter, puisque l’auteur contrôle la charge qu’il porte et qu’il peut l’activer à n’importe quel moment. Enfin, l’attentat suicide ne requiert aucune fuite. Un bon exemple de ce type d’attentat est celui perpétré par un membre de l’organisation Hamas le 1er juin 2001 à la discothèque Dolphin à Tel-Aviv. L’auteur de l’attentat attendait dans la queue devant la discothèque et avait activé un engin explosif qu’il portait sur lui contenant des objets métalliques. Cet attentat avait fait une vingtaine de morts et une centaine de blessés (Sobelman, 2001).
La quatrième méthode d’utilisation d’engin explosif est celle réalisée en vue d’un meurtre de masse [12]. Il s’agit ici d’engins explosifs de forte puissance qui sont utilisés pour causer le plus grand nombre de victimes et des dégâts possible. Cette méthode se fait principalement par l’utilisation d’un véhicule bourré d’explosifs qui est stationné à un endroit pour exploser. On appel cette méthode «mass-casualty vehicle bombing». L’attentat à la camionnette piégée perpétré contre l’édifice fédéral Alfred Murray à Oklahoma City en 1995, le plus meurtrier commis sur sol nord-américain avant le 11 septembre, en est un bon exemple (Hoffman, 1998). L’auteur de l’attentat, Timothy McVeigh, avait fabriqué une bombe artisanale à partir de nitrate d’ammonium (6000 lbs) et de nitromethane[13], auxquels avait été ajouté une charge d’explosif commercial Tovex connectée à un détonateur. La bombe avait été placée dans une camionnette de location qu’il avait ensuite stationnée devant l’immeuble fédéral, dans lequel se trouvaient les bureaux de plusieurs administrations fédérales, dont le Secret Service et l’ATF. La bombe avait détruit l’immeuble de neuf étages et fait 168 morts et 500 blessés. L’attentat contre le Word Trade Center de 1993 est aussi un bon exemple. Une bombe artisanale de grande puissance, composée de 1200 livres d’explosif, d’hydrogène compressé et de cyanure de sodium, avait été dissimulée dans une camionnette stationnée dans le garage souterrain de l’édifice par des militants proches du Sheik Omar Abdul Rahman, chef spirituel du Groupe islamique [14]. L’attentat, qui avait comme objectif de faire s’écrouler l’une des tours jumelles et tuer des dizaines de milliers de personnes, avait tué six personnes et blessé 1 000 autres [15].
Enfin, la cinquième méthode est le recours aux charges explosives projetées. Dans ce type d’attaque, son auteur propulse une charge explosive (conventionnelle ou artisanale) en direction d’un véhicule ou d’un bâtiment. La charge explosive peut être propulsée à main nue ou encore auto-propulsée. On peut donner comme exemples: les grenades à main, les bombes incendiaires, les roquettes anti-char, les mortiers. Il existe plusieurs exemples d’attaques à la charge explosive projetée: l’attentat à la grenade contre le lycée Hassiba-Ben-Bouali par des terroristes intégristes à Bliba en Algérie en 1996; l’attaque au cocktail-molotov contre le siège du quotidien régional basque El Correo à Bilbao par l’ETA en 2001; l’attentat à la roquette contre la caserne des gendarmes mobiles de Porto-Vecchio (Corse du Sud) par le FLNC-Canal historique en 1996[16]; l’attentat au mortier contre le 10 Downing Street, résidence à Londres de l’ancien Premier ministre John Major en 1991.
2.2 Assassinats
L’assassinat comme méthode terroriste n’est pas récent. Il était utilisé, dans la Perse du 11e siècle, par la secte des Isma’ilites Nizaris contre ses ennemis. Le meurtre était considéré comme un devoir religieux (Beach et Fisher, 2001). Aujourd’hui, l’assassinat est utilisé fréquemment dans le milieu du crime organisé, principalement chez les organisations criminelles (bandes de motards criminalisés, mafias, etc.) impliquées dans le trafic de stupéfiants. Chez ces organisations, l’assassinat est un instrument de lutte de pouvoir et de règlements de compte. Dans bien des cas, on peut considérer l’assassinat comme un comportement d’auto-justice [17]. Un assassinat peut aussi être l’œuvre d’individus dérangés mentalement. Il existe plusieurs cas d’assassinats de ce genre. Ces assassinats n’ont pas de motif politique, mais sont l’œuvre d’individus au motif obscur ou qui souffrent de troubles psychiatriques (Clarke, 1981: 83). La tentative d’assassinat du président Ronald Reagan par un fou furieux en 1981 en est un bon exemple. Le président américain avait été atteint par un projectile à Washington à l’initiative d’un déséquilibré, du nom de John Warnock Hinckley, qui désirait impressionner la comédienne Jodie Foster. Outre les organisations criminelles et les personnes souffrant de troubles psychiatriques, les terroristes ont aussi recours à l’assassinat, dans un but subversif.
L’assasinat peut être définit, selon Rapoport (1971: 19), comme«a sneak attacks on defenseless persons who have not offered the assaillant a personal offense». Bien entendu, l’assassinat est caractérisé par sa préméditation. Il peut se faire techniquement de diverses façons, par l’usage d’explosifs, d’armes à feu, d’armes blanches ou encore à main nue. Le plus souvent les terroristes utilisent des armes à feu, lesquelles permettent de tirer une cible à bout portant. Les armes à feu permettent aux terroristes d’être dissimulés et de tirer à une bonne distance ou servent d’arme de contact, de la même façon que l’arme blanche, en permettant de tirer sur la cible à courte distance dans le torse ou la tête. Il existe plusieurs cas d’assassinats à l’arme à feu. On se souvient, par exemple, de l’assassinat perpétré par l’IRA provisoire, en juillet 1993, contre six membres des forces de sécurité. Les terroristes avaient utilisé, dans ce cas, une carabine Barrett Modèle 82, arme qui permet de tirer à plus d’un mile et percer une veste par-balle (Wilkinson, 1993). Un second exemple est l’assassinat du président égyptien Anouar al-Sadate, le 6 octobre 1981. Ce dernier fut assassiné durant une parade militaire par quatre individus vêtus d’uniformes militaires qui bondirent d’un véhicule du cortège et attaquèrent, à coup d’armes automatiques et de grenades à main, l’estrade où se trouvait Sadate (Ford, 1985: 331).
Mais l’assassinat peut se produire différemment. Il peut constituer l’aboutissement tragique d’un enlèvement avec séquestration, comme ce fut le cas du ministre du Travail, Pierre Laporte, enlevé par une cellule du FLQ et retrouvé mort dans le coffre arrière d’une voiture à l’aéroport de St-Hubert [18].
Il existe une autre forme d’assassinat employée par les terroristes. Il s’agit de l’assassinat collectif. Sa logique est différente. ll ne vise pas à éliminer une cible particulière. Le plus souvent les assassinats collectifs sont l’œuvre d’individus qui vont investir des villages de nuit et tuer des personnes, souvent sans considération d’âge ou de sexe (Marret, 2000). Ils procèdent à l’aide d’armes à feu, d’armes blanches ou encore par le feu. On peut donner comme exemple l’assassinat collectif d’août 1999 à Beni Ounif, dans la région de Bechar. Des hommes, non identifiés, arrêtèrent sur la route 29 personnes et les abattirent. Un second exemple de ce type d’assassinat est le massacre de 19 civils en juin 1999 dans le village Sidi Ahmed Drouni, dans la province de Mascara, par des islamistes.
2.3 Prises d’otages
La prise d’otage constitue une autre méthode qui a été couramment utilisée par les terroristes. La prise d’otage peut prendre deux formes : l’enlèvement avec séquestration et la prise d’otage avec barricade (Hudson, 1989).
2.3.1 L’enlèvement avec séquestration
L’enlèvement avec séquestration constitue une vieille méthode utilisée par les malfaiteurs pour extorquer de l’argent. Dans le domaine du terrorisme, les précurseurs des enlèvements avec séquestration sont les Tupamaros d’Uruguay[19]. Ceux-ci ont fait de l’enlèvement de personnalités publiques une arme de revendication politique (Gruhier, 1979). L’enlèvement à la Tupamaros a inspiré plusieurs organisations terroristes, dont les Brigades rouges en Italie et le FLQ en 1970. On se souvient d’incidents célèbres, dont l’enlèvement d’Aldo Moro le 16 mars 1978 par les Brigades rouges [20]. Cette forme de prise d’otage a constitué une source de fonds importante pour certaines organisations terroristes.
L’enlèvement avec séquestration consiste à capturer une personne, ou plusieurs personnes, à en assurer le déplacement et la détention forcée dans un endroit clandestin. Le but de cette prise d’otage est d’obtenir par le chantage l’exécution d’une requête, qui peut être une demande d’argent et/ou une rançon politique, en échange de la libération de ou des otages détenus illégalement.
L’enlèvement comporte certaines caractéristiques. L’enlèvement est une action secrète dont on ignore les auteurs et l’endroit où ils se cachent. Ensuite, compte tenu du facteur temps qui joue dans un enlèvement, celui-ci doit faire l’objet d’une planification élaborée. En effet, la même personne ne peut à la fois faire les plans, saisir l’otage, conduire le véhicule, garder l’otage jour et nuit et mener les négociations (Gruhier, 1979). Clutterbuck (1994: 174) présente un bon exemple à ce sujet. Il relate l’enlèvement en 1971 de Sir Geoffrey, un diplomate britannique. Dans cette opération, plusieurs personnes étaient impliquées. D’abord, il y avait trois équipes chargées de la surveillance. La première équipe simulait une promenade dans le parc situé en face du domicile de Geoffrey. Une deuxième équipe était formée d’un couple en motocyclette qui suivait l’auto de la cible et devait vérifier les réactions du chauffeur. Une troisième équipe était placée devant l’ambassade et simulait un accident. Quelques équipes étaient aussi utilisées pour bloquer les accès routiers de façon à libérer la route et prendre la fuite rapidement avec l’otage.
Cet exemple montre que plusieurs personnes ont leur rôle à jouer dans une opération d’enlèvement avec séquestration. Certaines personnes joueront des rôles différents: assurer une surveillance des lieux, saisir la cible, effectuer une diversion, effectuer le transport de la personne séquestrée dans un endroit secret, surveiller la personne séquestrée, sans compter la planification et le contrôle de l’opération, la négociation et, si applicable, la distribution de la rançon.
Selon Lesce (1996), les enlèvements avec séquestration suivent un modèle similaire à celui des assassinats. Les enlèvements suivraient trois étapes: la reconnaissance, la planification et l’exécution. La reconnaissance est selon Lesce l’étape la plus importante. L’attaquant examine et évalue sa cible avant de décider comment et quand il passera à l’acte. L’attaquant doit observer sa cible afin de déterminer le moment où sa cible est la plus vulnérable et non protégée. Il doit à ce moment évaluer la situation selon les possibilités de fuite qui sont, selon Lesce, essentielles à l’enlèvement mais non vitales pour l’assassin qui ne planifie pas de fuir avec sa cible, ou qui accepte le risque de perdre la vie suite au passage à l’acte (1996: 152). Toujours selon Lesce, une cible qui apparaît à une certaine place au même moment chaque jour s’expose plus facilement à une attaque. Quant à la planification, une fois que les ravisseurs connaissent la cible, ils doivent choisir un endroit pour la saisir. Les auteurs d’enlèvement capturent souvent leur cible en transit, pendant qu’elle ne bénéficie pas de la sécurité que peut lui procurer sa résidence ou son lieu de travail. La plupart du temps, les tentatives d’enlèvement surviennent près de ces lieux (Lesce 1996; Laver, 1985). À titre d’exemple, Pierre Laporte a été enlevé près de chez lui, comme Sir Geoffrey qui a été enlevé sur le chemin du travail. Enfin, l’exécution du plan est la dernière étape. Son succès dépend du soin avec lequel les deux autres étapes ont été préparées.
2.3.2 La prise d’otage avec barricade
Les prises d’otage avec barricade peuvent être perpétrées dans divers contextes et avec diverses intentions. Le FBI a regroupé ces prises d’otage dans quatre grandes catégories: la prise d’otage en contexte carcéral, la prise d’otage avec une intention purement criminelle, la prise d’otage perpétrée par des déséquilibrés et la prise d’otage terroriste (Fuselier et Noesner, 2000). En contexte carcéral, la prise d’otage est perpétrée par des détenus qui exigent de la part de l’administration carcérale une amélioration de leur régime de détention. La prise d’otage peut aussi avoir une intention purement criminelle. On parle ici de prises d’otage qui ont lieu lors de la perpétration d’un acte criminel. C’est le cas, par exemple, du voleur de banque armé qui, pris sur le fait, se trouve coincé et sans possibilité de fuite. Ce dernier est alors contraint de prendre des individus en otage pour marchander sa fuite. La prise d’otage constitue dans ce contexte un dernier recours pour échapper à l’arrestation. D’autres prises d’otage sont l’œuvre d’individus ayant des problèmes psychiatriques. Ces individus exécutent une prise d’otage pour attirer l’attention sur eux ou encore dans une intention suicidaire. En matière de terrorisme, elle sert à satisfaire divers objectifs plus ou moins politiques par la contrainte.
La prise d’otage avec barricade peut être définie comme une situation dans laquelle des personnes (diplomates, officiels du gouvernement, voyageurs, etc.) sont prises et tenues en otage par des individus armés dans un site barricadé (véhicule, édifice public, ambassade, hôtel) connu des autorités, dans le but de répondre à l’exécution d’une condition, d’attirer l’attention sur une cause en menaçant de tuer les otages ou de les détenir de façon indéterminée (Hudson, 1989). Cette forme de prise d’otage comporte ainsi une relation triangulaire (Crelinstin, 1976: 24) dans laquelle l’otage constitue un moyen en vue d’atteindre une fin, un intermédiaire entre le délinquant et sa cible première.
Cette forme de prise d’otage se caractérise par le fait que les preneurs sont eux-mêmes captifs et sont uniquement protégés par leur capacité d’intimider et de blesser les otages, ainsi que par la barricade (Waugh, 1992). Une autre caractéristique est que les preneurs n’agissent pas de façon cachée. Contrairement à l’enlèvement avec séquestration, on sait où se trouvent les preneurs ainsi que les otages. Cette forme de prise d’otage présenterait une plus grande puissance de chantage et de négociation, car les otages peuvent être relâchés ou tués un à un (Laver, 1985).
Les prises d’otage avec barricade se produisent autant au sol que dans les airs. Lorsque la prise d’otage implique l’utilisation d’un avion de ligne, on parle de prise d’otage aérienne. Dans ce cas, un groupe d’individus s’empare du véhicule, de son personnel et ses voyageurs pour satisfaire certaines conditions.
Il existe plusieurs cas de prises d’otage avec barricade. On peut donner comme exemple la prise d’otage des jeux olympiques de Munich en 1972. Des membres de l’organisation nationaliste Septembre noir avaient attaqué le bâtiment où logeaient des athlètes israéliens. La prise d’otage s’était conclue tragiquement. La police allemande avait fait mine d’autoriser les terroristes à s’enfuir avec leurs otages. Mais à l’aéroport de Fuesteldbruck, des troupes d’élites de l’armée les attendaient. Neuf athlètes ainsi que cinq terroristes y avaient trouvé la mort (Bonanate: 124). On peut donner un autre exemple bien connu de prise d’otage avec barricade, soit celle perpétrée à Vienne lors d’une réunion des ministres de l’OPEP par le terroriste Carlos.
2.4 Atteintes à la sécurité des transports aériens
Les atteintes à la sécurité de l’aviation civile constituent une troisième méthode utilisée par les groupes terroristes. Il s’agit des actes de terrorisme qui vise les aéronefs, les personnes se trouvant à bord et les installations aéroportuaires (Guillaume, 1977: 1). Ces atteintes prennent principalement deux formes: le détournement d’un aéronef et la destruction d’un aéronef.
En ce qui concerne le détournement d’aéronef, il consiste à s’emparer d’un aéronef par la violence ou la menace de la violence en vue de le détourner de sa destination. Le détournement d’aéronefs a servi divers mobiles, que Minor (1975) divise en trois: la fuite, l’extorsion et le terrorisme. La fuite constitue le mobile le plus important pour les détournements survenus entre 1961 et 1974 impliquant un avion américain. Ils ont servi à des individus d’atteindre Cuba et certains États arabes, destinations naturelles des révolutionnaires (Gruhier, 1979: 49). Ils ont aussi permis à des opposants au régime de fuir vers la Floride. Le détournement a aussi servi à des criminels comme moyen d’extorsion. On se souviendra, par exemple, du détournement d’un aéronef de la North Western Airline, le 24 novembre 1971, par D.B. Cooper. Celui-ci avait réussi à extorquer 200.000 $ à la compagnie aérienne avant de sauter en parachute dans une forêt près de Washington. Ce détournement avait été suivi aux États-Unis par 21 tentatives infructueuses.
L’âge d’or du détournement se situe au début des années 70. La plupart des détournements étaient alors l’œuvre de groupes terroristes du bassin méditerranéen. Ces groupes utilisaient le détournement essentiellement pour son traitement médiatique en vue de promouvoir la cause palestinienne. Il existe plusieurs cas de détournements. Le détournement du 22 juillet 1968 par le Front populaire de libération de la Palestine est considéré comme l’événement déclencheur d’une série d’incidents analogues qui allaient se produire dans les années suivantes. Le groupe terroriste avait détourné un Boeing El Al 707 en provenance de Rome en direction de Tel Aviv. L’avion avait été dirigé vers l’aéroport de Dar al-Bayda d’Alger, où des négociations avaient été entreprises pour relâcher les otages. D’autres détournements ont été significatifs, dont celui du Boeing 747 de la Lufthansa, en septembre 1972, sur Aden, par un commando de l’organisation terroriste Septembre noir [21] . L’aéronef détourné avait été restitué moyennant le versement d’une rançon de 5 millions de dollars. Les détournements n’ont cependant pas uniquement été l’œuvre des Palestiniens. L’Armée rouge japonaise en a également commis.
Concernant la destruction d’un aéronef, qui est la seconde forme d’atteinte à la sécurité de l’aviation civile, elle peut se faire à l’aide d’engins explosifs ou par un usage d’un aéronef comme bombe volante. Dans le premier cas, l’aéronef est détruit en plein vol avec les personnes qui se trouvent à bord. Les aéronefs peuvent aussi être détruits au sol. On se souvient de l’attaque du 17 décembre 1973 par un commando palestinien contre un avion de la Pan Am à l’aéroport de Fiumicino, qui avait fait 32 morts, pour attirer l’attention sur la question du Proche-Orient.
Dans le second cas, il s’agit d’utiliser l’aéronef comme instrument de destruction, comme «bombe volante». Il implique à la fois le détournement d’un aéronef vers une cible, la destruction de l’aéronef et celle de la cible. Peu d’attaques terroristes figurent dans cette catégorie. On peut répertorier dans la littérature deux cas. Le premier cas constitue plutôt une tentative d’attaque. En 1994, des terroristes algériens avaient entrepris de faire s’écraser sur Paris un Airbus d’Air France détourné alors qu’il décollait d’Alger. Mises au courant, les autorités françaises avaient empêché l’attaque en prenant l’aéronef d’assaut lors de son escale de ravitaillement à Marseille. Le second cas constitue l’attaque la plus meurtrière des annales du terrorisme. Il s’agit des attaques survenues le 11 septembre 2001 aux États-Unis. Nous avons vu que le World Trade Center avait déjà été la cible d’une attaque terroriste à la bombe en 1993. Cette attaque perpétrée par le groupe de Ramzi Youssef avait fait 6 morts.
Le 11 septembre 2001, des terroristes liés au réseau Al-Qaeda [22] lancèrent une série d’attentats sans précédent. Ils ont détourné quatre avions de ligne et dirigés ceux-ci sur des cibles de la puissance américaine. Ils commencèrent par détourner, vers 8h45, un Boeing 767 d’American Airlines, transportant 92 personnes de Boston vers Los Angeles [23] . Les terroristes dirigèrent l’avion contre la tour nord du Word Trade Center, symbole de la puissance économique américaine. Par la suite, un second Boeing 767, de United Airlines, transportant 63 personnes de Boston à Los Angeles, était détourné par des terroristes. Vers 9 h 03, il percutait la tour jumelle du Word Trade Center. Les écrasements provoquèrent l’écroulement des deux tours. Un troisième attentat survint vers 9 h 53 visant le Pentagone. Des terroristes détournèrent un Boeing 757 d’American Airlines venant de décoller de l’aéroport de Dulles à Washington, ayant à son bord 64 personnes, et le firent percuter contre l’immeuble qui abrite le ministère de la Défense et l’état-major de l’armée américaine. Enfin, deux heures plus tard (10 h40), un autre Boeing 757 de United Airlines, assurant la liaison Newark-San Francisco avec à bord 45 personnes, s’écrasa en Pennsylvanie [24] .
Ces attaques terroristes, dignes des romans catastrophes à la Tom Clancy [25] , sont uniques en leur genre en raison de leurs conséquences. Elles ont provoqué l’écroulement de tours abritant les bureaux de quelque 350 sociétés où travaillaient plusieurs dizaines de milliers de personnes. Les attaques ont occasionné des milliers de morts et près de 20 milliards de dollars de dégâts matériels. Quant à l’attaque aérienne contre le Pentagone, elle a fait plus de 800 victimes. Les conséquences des attaques ne s’arrêtent pas uniquement à cela. Elles ont aussi amené les autorités à déclencher l’état d’alerte dans tout le pays, ayant ainsi comme conséquence l’évacuation d’immeubles, l’interruption du trafic aérien (près du tiers de la flotte mondiale paralysée), la fermeture de l’espace aérien du territoire américain, la mise en état d’alerte des forces armées et un séisme sur les marchés financiers. En même temps plusieurs alliés des États-Unis prenaient aussi des mesures d’urgence en cas d’éventuelles attaques sur leur territoire.
2.5 Mesures contre-terroristes
Les fanatiques cherchent à atteindre leurs objectifs par l’usage de la violence. Cette violence, comme on l’a vu, peut prendre diverses formes. Pour y faire face, les autorités ont été amenées à adopter des mesures de protection et de prévention. La prévention serait, selon Paschall (1998: 191), la principale réponse au terrorisme.
En matière d’attentats à la bombe, l’une des mesures principales consiste à séparer la bombe de sa cible (Pashall, 1998: 200). Elle peut se faire de diverses manières. Une première façon consiste simplement à procéder à l’évacuation d’un endroit public susceptible d’être affecté par un engin explosif. Elle peut aussi se faire à l’aide d’équipements spécialisés permettant de saisir la bombe et de l’éloigner. Ce genre d’équipement a été fréquemment utilisé pour traiter des colis suspects en Irlande du Nord. Le principal outil utilisé est le robot téléguidé. Il fonctionne sur chenilles ou sur roues et est muni d’un bras manipulable, d’un disrupteur qui permet de détruire une partie de la bombe et, dans certains cas, d’un détecteur aux rayonsX. On peut donner comme exemple le robot d’origine canadienne Pedsco RMI et le robot d’origine britannique Morfax Wheel Barrow. Par ailleurs, les forces de l’ordre ont aussi utilisé une technique appelée «préemption» permettant de neutraliser le déclenchement d’une bombe. Par exemple, l’armée britannique a su, dans les années 80, prévenir des attentats de la part de l’IRA provisoire en émettant un puissant signal radio permettant de bloquer la mise à feu d’engins explosifs qui sont déclenchés par signal radio (Pashall: 1998: 200).
Le principe de séparation de la bombe et de sa cible s’applique également au domaine postal et de l’aviation civile. Au niveau de la poste, les compagnies ont dû se munir d’appareils permettant de vérifier le contenu du courrier jugé suspect[26] . Il s’agit bien souvent d’appareils fonctionnant aux rayonsX, par exemple le TR Mail Explosive Detector, qui peuvent scanner des enveloppes et des colis (Hogg, 1997: 92). L’usage de ce genre d’appareil n’est pas sans faille si on tient compte du volume élevé de courrier. Au niveau de la sécurité de l’aviation civile, les attentats perpétrés contre les aéronefs ont nécessité l’instauration de mesures préventives axées sur l’examen systématique des passagers et de leurs bagages. Les aéroports se sont dotés, graduellement depuis les années 70, de détecteurs qui permettent de réaliser des fouilles non-intrusives qui ne présentent comme seul désagrément qu’une légère attente de la part des passagers (Baldeschwieler, 1993). On retrouve dans les aéroports, comme dans certains édifices jugés à risque, des détecteurs électromagnétiques, tel le AMD 500 et le Scan-tech Dynascreen, qui permettent d’inspecter rapidement les passagers et leurs bagages et de prévenir que soient acheminés à bord des armes à feu, des armes blanches et des engins explosifs, pouvant être utilisés par des pirates de l’air. Les aéroports se sont aussi dotés d’appareils à rayonsX, comme le RAPISCAN, qui permet de détecter des engins explosifs classiques, qui sont composés d’une horlogerie, de batteries et de fils électriques. Pour les explosifs, les aéroports se sont aussi dotés d’appareils appelés «sniffer» qui permettent de détecter des résidus chimiques qui servent à fabriquer la bombe. Ils permettent de repérer des explosifs selon leur signature, qui se trouve dans la vapeur qu’ils dégagent. La plupart des explosifs contiennent des résidus de solvant et de l’azote qui peuvent être détectés, tels le TNT et la Nitrocellulose. Les explosifs de plastique présentent cependant une plus grande difficulté de détection (Baldeshwileter, 83). Outre ces appareils de haute technologie, les aéroports ont recours à des chiens spécialement entraînés pour détecter des odeurs spécifiques émises par les substances chimiques que l’on retrouve dans les engins explosifs.
Il reste qu’il est difficile de mettre en place des mesures fiables. À titre d’exemple, des inspecteurs du ministère fédéral des Transports, appelés à mettre à l’épreuve les mesures de sécurité en vigueur dans les aéroports, étaient parvenus à franchir les points de contrôle, dans 18 % des cas, en possession de grenades désamorcées, de bâtons de dynamite, de couteaux et de fausses armes de poing (Presse canadienne, 2001).
En ce qui concernes les détournement d’aéronefs, plusieurs mesures ont été adoptées par les autorités pour renforcer la sécurité des transports aériens. L’adoption de normes et de pratiques en matière de sécurité ont permis de réduire les risques de détournement. La première mesure a été d’interdire aux voyageurs le transport d’armes et l’examen systématique de leurs bagages. D’autres mesures de sécurité sont venues s’y ajouter après les détournements du 11 septembre 2001. La Federal Aviation Administration a recommandé diverses mesures de modification de sécurité, essentiellement pour assurer la protection et l’isolement du poste de pilotage. Elle a recommandé que soient blindées les portes du cockpit, au détriment de la communication entre les pilotes et le personnel. Le blindage des portes devrait permettre aux portes de résister à l’entrée par effraction de personnes non autorisées et de résister à la pénétration de projectiles d’armes à feu et de dispositifs à fragmentation. Les autorités chargées de la navigabilité ont aussi ajouté la présence à bord des aéronefs de gardes armées. Cette initiative avait déjà été prise dans les années 60, mais avait été progressivement mise de côté en raison du risque que représente pour les passagers et l’aéronef un échange de coups de feu à bord. Il y avait eu le cas d’une bataille armée en plein ciel au-dessus de la Méditerranée opposant des membres du Front de libération de l’Érythrée à des gardes armées à bord d’un avion éthiopien. D’autres mesures ont aussi été envisagées, comme le profilage des passagers pour détecter des pirates de l’air potentiel, mesure déjà utilisée aux États-Unis par la FAA Task Force on Detterence of Air Piracy au début des années 70. Ajoutons les recherches par la compagnie Boeing pour la création d’un système de surveillance aérien et de pilotage à distance. Ce genre de système implique la mise au point d’un système de commandement mobile satellitaire à double bande, qui permet au personnel au sol de surveiller l’intérieur. Ce système peut aussi servir à fournir aux passagers l’accès à des chaînes de télé et à l’Internet.
Quant aux prises d’otages, les forces de l’ordre peuvent y répondre de différentes façons, selon qu’il s’agit d’une prise d’otage avec barricade ou d’un enlèvement. La plupart du temps, elles tentent d’intervenir selon les lignes directrices suivantes: causer le moins de risques possible pour la vie humaine, n’utiliser la force qu’en dernier lieu et de ne faire aucune concession importante aux auteurs de prises d’otage.
Dans le cas d’une prise d’otages avec barricade, Hudson (1989: 326) affirme que trois options sont envisageables: a) capituler face aux demandes des preneurs d’otages, b) contenir l’incident et recourir à la négociation ou encore c) souscrire au principe de «no-ransom, no-concession» et utiliser la force dès que possible.
La réponse la moins risquée est de capituler aux exigences des preneurs d’otages. À titre d’exemple, le gouvernement japonais avait en 1977 payé la somme de six millions de dollars à l’Armée rouge japonaise et accordé la libération de six de leurs membres. Cette option est toutefois rarement envisagée. Les forces de l’ordre préfèrent opter pour la seconde option, soit appliquer le principe de «no-ransom, no-concession». Ce principe a longtemps été appliqué par les Américains et les Israéliens face aux prises d’otage terroristes. Dans ce cas, aucune concession et aucun paiement de rançon ne se fait, car, dit-on, répondre aux exigences des preneurs d’otage ne ferait qu’encourager la perpétration d’incidents similaires (Hudson, 1989: 321). Les opérations d’assaut peuvent aider à mettre un terme à une prise d’otage. Ils permettent de prendre le contrôle des preneurs d’otage et d’assurer la sûreté des otages (Hudson, 1989: 321). Plusieurs pays se sont dotés d’équipes d’intervention. Le plus connu de ces groupes et le GIGN français, qui est l’origine de plusieurs interventions en France et à l’étranger. Ce groupe d’intervention avait permis, en décembre 1994, de libérer 170 otages à bord d’un aéronef d’Air France et d’éliminer les terroristes du Groupe islamique armé.
Le recours à la force comporte toutefois des risques élevés. Selon les données de Schossberg, 78 % des otages tués lors de prises d’otage l’ont été suite à l’intervention de groupes tactiques. Par exemple, lors de la prise d’otage des jeux olympiques de Munich en 1972, les autorités avaient refusé de transiger avec les preneurs d’otages, le recours à la force ayant pour résultat l’arrestation trois des terroristes (les autres furent tués) et la mort des otages. Il semble ainsi que l’utilisation de la force pour résoudre une prise d’otage est d’autant plus risquée que certains preneurs d’otage sont prêts à y laisser leur vie et peuvent être munis d’explosifs et d’armes automatiques.
Depuis cette intervention des jeux olympiques, les forces de l’ordre se sont tournées vers une autre option permettant de faire face aux prises d’otage. Cette option est centrée sur la négociation. Schossberg appelle cette option «self-negotiation» par rapport à celle centrée sur l’usage de la force qu’il appelle «hard-resolution». La négociation est une approche qui tente de résoudre une situation de prise d’otage en minimisant les risques de perte de vies humaines. Cette approche repose sur le principe de «zéro perte acceptable». À ce titre, il donne l’exemple de la prise d’otage du vol 847 de la TWA en 1985 au cours de laquelle la négociation avait permis de libérer les Américains pris en otage. Toutefois ce ne sont pas toutes les prises d’otages, selon Schossberg, qui sont négociables. Ce dernier se réfère au FBI qui a établi des critères qui indiquent si une situation est négociable. Premièrement, les preneurs d’otages doivent avoir une volonté de vivre. La personne indifférente à l’idée de mourir pour une cause n’est pas intimidable par la force. Or, sans désir de vivre, il n’y a pas de négociation possible. Ensuite, des demandes doivent être exprimées par les preneurs d’otage, ce qui est normalement le cas avec les terroristes. Sans requête, les négociateurs ne disposent de pas grande marge de manœuvre pour négocier.
Concernant les enlèvements avec séquestration, les options sont sensiblement les mêmes. Les forces de l’ordre peuvent accepter les exigences des ravisseurs. Cette option comporte apparemment le moins de risques pour la ou les personnes séquestrées. Toutefois, il peut arriver que les ravisseurs exécutent leur otage, même si les autorités ont satisfait leur demande. De cette façon, on fait disparaître le ou les témoins pour réduire les risques d’arrestation. Les autorités peuvent encore opter pour le principe de «no-ransom, no-concession» et recourir à la force dès que possible. L’affaire Cross est un bon exemple. En enlevant J.R. Cross (1970), conseiller commercial britannique, le FLQ réclamait la publication d’un manifeste favorable à la cause felquiste, le paiement d’une rançon de 500 000 $ ainsi que la mise en liberté de certains détenus. Face à l’enlèvement, le gouvernement avait refusé de donner suite aux doléances du FLQ mais avait accordé un sauf-conduit aux ravisseurs vers une destination de leur choix. L’utilisation de la force est cependant plus restreinte dans le cas de l’enlèvement avec séquestration. En effet, les forces de l’ordre doivent d’abord localiser la cache avant de donner l’assaut. Ce qui n’est pas toujours évident. L’avantage que les forces de l’ordre ont à utiliser la force, c’est qu’ils peuvent intervenir en dehors de l’œil de la caméra et avec l’élément de surprise. L’utilisation de la force comporte cependant un risque: la situation peut dégénérer et se transformer en situation de prise d’otage avec barricade.
En ce qui concerne les assassinats, il semble qu’ils sont difficiles à éviter pour les personnalités qui doivent s’exposer en public et se déplacer régulièrement. Plusieurs ne jouissent d’aucune protection particulière, tel, par exemple l’industriel allemand Detlev Rohwedder assassiné en 1991par la Fraction armée rouge dans sa résidence de Düsseldorf. Différentes mesures peuvent être toutefois prises pour assurer une protection des personnalités politiques qui risquent une tentative d’assassinat lors d’une apparition en public. La sécurité de ces personnes peut être assurée par différents cercles de sécurité: une sécurité invisible mêlée au public, une protection rapprochée assurée par des gardes du corps armés munis de cartables-boucliers, un cordon de sécurité assurée par des policiers en uniforme, une sécurité élargie par des tireurs d’élite sur les toits et une sécurité préventive qui consiste à une inspection systématique des sites et immeubles adjacents. La sécurité préventive vise aussi à prévenir les tentatives d’assassinats qui peuvent se faire par le biais de boites postales ou de caniveaux piégés, comme ce fut le cas avec l’assassinat du Premier ministre de l’État d’Assam en Inde. Afin de prévenir ces incidents, les services de sécurité peuvent, comme il est d’usage pour le président des États-Unis, enlever les boîtes à lettre et vérifier les conduits d’égouts qui sont sur la route du cortège que l’on veut protéger.
- Méthodes du terrorisme
On retrouve une constante dans le terrorisme: les méthodes utilisées (Marret 2000: 5). La plupart des organisations terroristes ne sont pas au point de vue tactique innovatrices et dévient rarement de leur modus operandi. Elles s’en tiennent essentiellement aux méthodes principales du terrorisme: l’attentat à la bombe, l’assassinat, la prise d’otage (incluant l’enlèvement) et les atteintes à la sécurité de l’aviation civile.
Ces méthodes peuvent être placées selon Medd et Goldstein (1997: 282) dans deux catégories: les events of duration et les conclusive events. Dans la première catégorie, on retrouve la prise d’otage et les détournements d’aéronefs. Ces méthodes sont souvent d’une longue durée et impliquent une négociation, ou du moins une discussion, entre les auteurs de l’acte terroriste et les autorités. Dans la seconde catégorie, on retrouve comme méthodes celles qui visentr à tuer ou blesser, et qui surviennent trop rapidement pour permettre une réaction de la part des forces de l’ordre: l’attentat à la bombe et les assasinats.
Marret (2000: 10) classe, pour sa part, ces méthodes différement. Elles se réduisent à trois types: a) les méthodes qui visent les biens (attentats à la bombe contre des bâtiments et des véhicules), b) les méthodes qui sont dirigées contre des personnes et leur liberté (les prises d’otage) ou leur intégrité physique (assassinats sous diverses formes); c) les méthodes qui frappent à la fois les personnes et les biens matériels (les détournements d’aéronefs).
2.1 Attentats à la bombe
Les attentats à la bombe constituent un problème important pour la sécurité publique. Chaque année, des centaines de personnes sont tuées ou blessées par ces attentats. Ils sont aussi responsables de dommages matériels se comptant en millions de dollars.
Les attentats à la bombe sont l’œuvre de diverses sources: individus déséquilibrés mentalement, individus auto-motivés, groupes criminels organisés et terroristes. Les attentats commis par des individus déséquilibrés sont sans motif apparent et ils sont perpétrés pour le sentiment de puissance et d’excitation qu’ils procurent. Un bon exemple est le poseur de bombes en série George Metesky, alias «The mad bomber», qui, sur une période de dix-sept ans, avait placé plus d’une trentaine de bombes artisanales dans des endroits publics autour de la ville de New York. Quant aux individus auto-motivés, ils ont recours aux attentats pour des raisons d’intérêt personnel. Tel a été le cas avec l’attentat perpétré contre le DC3 de la Canadian Pacific Airlines parti de L’Ancienne-Lorette à destination de Baie-Comeau en 1949. L’attentat était l’œuvre d’un bijoutier de Québec, du nom de J.-Albert Guay, qui désirait se débarrasser de son épouse Rita Morel et toucher l’assurance vie. Quant aux groupes criminels organisés, ils utilisent les attentats pour intimider et assassiner certaines personnes pour acquérir des gains financiers et contrôler certaines activités criminelles. Les attentats à la bombe perpétrés par les bandes de motards criminalisés contre leurs concurrents constituent de bons exemples [7]. Les terroristes, pour leur part, ont recours aux attentats à la bombe à des fins politiques et idéologiques.
L’usage de bombes à des fins terroristes n’est pas récent. Guy Fawkes fut sans doute l’un des pionniers de l’attentat à la bombe. Il tenta, le 5 novembre 1605, de faire exploser le parlement britannique (Clutterbuck, 1975). Les anarchistes russes avaient aussi attenté à la vie du tsar par le recours à une bombe. Dans les dernières décennies, les terroristes ont utilisé essentiellement l’attentat à la bombe comme méthode criminelle contre une variété de cibles: ambassades, missions commerciales, grandes entreprises, administrations gouvernementales, forces de l’ordre, centres touristiques, marchés publics, etc. On estime que les attentats à la bombe constituent près de 80 % des actes de terrorisme. Dans son rapport de 2001, le Département d’État a dénombré dans le monde 253 attentats à la bombe d’origine terroriste.
La popularité des attentats à la bombe chez les terroristes s’explique de diverses façons. Selon Schmid (1983), la distance temporelle et physique constitue un premier élément d’explication. Au niveau temporel, l’attentat à la bombe permet de fixer l’agression à l’heure voulue. La bombe est souvent actionnée par un dispositif de mise à feu qui permet à ceux qui l’ont placée d’être loin lors de sa déflagration [8]. Au niveau physique, ces attentats permettent à ses auteurs d’éviter le contact direct avec leur cible. À ce titre, Taylor (1988) considère l’attentat à la bombe comme une forme de d’agression impersonnelle, puisque l’auteur n’est pas proche de sa victime lorsqu’il passe à l’acte. Cette distance permet de réduire les risques pour l’auteur de l’attentat d’être appréhendé par la police. Par comparaison, un individu qui tenterait de commettre un assassinat à l’aide d’un revolver contre une personnalité dans un endroit public risquerait plus d’être aperçu et appréhendé. On retrouve dans la littérature un autre élément d’explication qui est très répandu. On attribue la popularité des attentats au fait que les engins explosifs sont relativement faciles à fabriquer, peu coûteux et efficaces. De plus, l’attentat à la bombe ne nécessite pas un nombre élevé d’individus pour être pensé et mis en œuvre (Marret, 2000: 13) Par ailleurs, on souligne dans la littérature que les attentats à la bombe sont utilisés pour leur létalité et l’étendue du sinistre qu’ils peuvent générer (Slater et Trunckey, 1997: 3).
2.1.1 Types d’attentats
Les attentats à la bombe peuvent être divisés deux catégories: les attentats symboliques et les attentats anti-personnels (Fuqua, 1978). Les attentats symboliques ont comme objectif premier de rendre médiatique une cause. Ils sont perpétrés contre des cibles qui ont une connotation symbolique. Ceux qui les commettent préfèrent éviter d’infliger des blessures physiques pour ne pas s’aliéner le support du public. Ils peuvent être perpétrés durant la nuit. Ils sont de façon générale précédés d’un appel de mise en garde afin de permettre aux personnes concernées d’évacuer les lieux, et sont souvent accompagnés de communiqués. Fuqua donne l’exemple des attentats perpétrés par le groupuscule Weathermen contre des édifices gouvernementaux et corporatifs dans les années 70 aux États-Unis.
Quant aux attentats anti-personnels, ils sont essentiellement de nature prédatrice. Contrairement aux attentats symboliques, les attentats anti-personnels ne sont pour la plupart pas précédés de mise en garde. Ils sont perpétrés dans un but de mutiler et de tuer. Les attentats anti-personnels sont essentiellement: les attentats qui sont perpétrés dans des lieux publics à grande affluence tels que les bars et les magasins, qui frappent à l’aveuglette et ne visent pas forcément des cibles précises (Marret, 2000: 100); les attentats aux véhicules piégés visant à détruire leur environnement immédiat sans distinction; les attentats perpétrés à l’aide d’engins explosifs à fragmentation qui contiennent des matériaux drus (clous, morceau de verre, vis, etc.); les attentats utilisant un dispositif explosif secondaire. Ces derniers visent spécifiquement à blesser les premiers répondants (policiers, ambulanciers, pompiers) qui sont dépêchés sur une scène d’attentat à la bombe. Un bon exemple d’attentat impliquant un dispositif secondaire a été celui perpétré contre une clinique d’avortement à Sandy Springs en Georgie en 1997 par des individus liés au groupuscule Army of God (FBI National Press Office, 1998). Ces derniers avaient fait exploser un transformateur situé près de l’Atlanta Northside Family Planning Service Center. Une heure après que les enquêteurs aient été sur place, un second engin explosait dans le stationnement de la clinique. L’engin était composé de bâtons de dynamite placés à l’intérieur d’une boîte métallique contenant des clous. Les individus à l’origine de l’attentat avaient indiqué dans un communiqué que: «The second device was aimed at agents of the so-called federal government, i.e. ATF, FBI, Marshall, etc.»
2.1.2 Types d’engins explosifs utilisés
Les engins explosifs utilisés par les terroristes pour causer la mort, des dommages corporels et matériels sont multiples. Leur utilisation dépend de facteurs tels que la cible à atteindre, les dégâts désirés, la disponibilité de certains matériaux et le savoir-faire des terroristes (Marret, 2000: 81). La conception et l’utilisation d’engins explosifs permettraient de distinguer le niveau de maîtrise technique des organisations terroristes. Certains terroristes ont recours à des engins explosifs artisanaux, dont la puissance peut être variable. Ils sont faciles à confectionner et peuvent être conçus avec des produits commerciaux. Les bombes incendiaires ainsi que les tuyaux explosifs (pipe bombs) constituent de bons exemples. Les tuyaux explosifs sont fabriqués à partir d’un tuyau de plomberie, d’un ingrédient actif (poudre noire, poudre de souffre, etc.) et d’un détonateur. Sa fabrication n’exige pas un niveau de connaissance élevé. Sans créer une large étendue du sinistre, ils permettent tout de même de semer l’émoi au sein de la population, comme ce fut le cas lors de l’attentat survenu au Parc olympique d’Atlanta en 1996, qui avait fait 2 morts et 111 blessés. D’autres engins artisanaux peuvent être plus dévastateurs, comme ce fut le cas dans l’attentat au véhicule piégé au nitrate d’ammonium contre l’édifice Murrah à Oklahoma City en 1995.
L’information (step-by-step) permettant de fabriquer ces engins est facilement accessible. En effet, plus d’une centaine de sites sur le réseau Internet divulguent des informations permettant de fabriquer des engins artisanaux. On retrouve aussi une série de publications plus ou moins underground consacrées à la fabrication d’engins artisanaux. Delta Press, par exemple, offre des titres tels: Terroristic Explosives Handbook, Pipe and Fire Bomb Designs, Improvised Munitions From Fertilizer, Homemade Semtex C-4’s ugly Sister (U.S. Department of Justice, 1997).
Dans d’autres cas, les engins explosifs utilisés par les terroristes ont un niveau de sophistication plus élevé. Ils peuvent être constitués d’un matériel explosif d’origine militaire ou commerciale qui a été volé ou encore fourni clandestinement par un État. Selon Marret (2000: 82), les terroristes les plus avancés au niveau du savoir-faire utilisent des explosifs de plastique tels le semtex ou son dérivé le C-4. On retrouve près de 27 sortes d’explosifs de plastique manufacturés à travers le monde sous diverses appellations. Ces explosifs sont principalement employés dans la démolition de bâtiments, le minage et servent aussi d’explosif de base dans certaines roquettes et petits missiles. L’explosif de plastique est l’arme de choix des auteurs d’attentats terroristes en raison de ses propriétés: il explose rarement de façon accidentelle; il est malléable; il est difficile à repérer par les appareils à rayons X et par les détecteurs chimiques électroniques; sa texture est élastique et adhésive; une petite quantité suffit pour occasionner des dégâts importants; et il est possible de diriger sa force explosive (Hobbs, 1993). Les explosifs de plastique ont été utilisés dans plusieurs attentats, notamment ceux de Lockerbie et de Riyadh. Dans le cas de l’attentat de Riyadh, quarante livres de plastique avaient servi à faire exploser une voiture piégée afin de détruire un bâtiment militaire américain.
2.1.3 Mécanique des engins explosifs
Les engins explosifs, qu’ils soient artisanaux ou sophistiqués, peuvent être classés dans trois grandes catégories: à combustion, à détonation et à déflagration. Les engins explosifs à combustion, comme le cocktail molotov, sont caractérisés par une réaction qui se propage par conductivité thermique. Dans ce cas, l’explosif brûle. Les explosifs détonants, pour leur part, vont créer une onde de choc, causée par une réaction chimique, qui fera en sorte que l’explosif détone. Ces explosifs, tels ceux utilisées pour la démolition (C-4), ont un effet de brisance qui leur permet de casser des surfaces comme les blindages et le béton. L’onde de choc provoquée par ces explosifs a un impact sur les objets qui se trouvent dans son périmètre. Ce sont les explosifs de choix utilisés dans les voitures piégées. Quant aux explosifs déflagrants, ils sont caractérisés par une combustion accélérée par un accroissement de la pression et de la température. La déflagration provoque une projection géométrique des éléments constituant l’engin explosif et ceux rencontrés par le souffle de la déflagration. C’est pour cette raison qu’on dit qu’ils ont un effet projetant (Marret, 2000: 15).
Les engins explosifs peuvent être déclenchés de plusieurs façons. Ils peuvent être principalement activés par trois types de systèmes: un système à retardement, un système de contrôle à distance et l’action de la cible. Encore une fois, le choix du système de mise à feu est lié à la cible choisie et reflète aussi le savoir-faire des terroristes. Le dispositif à retardement peut être mécanique, électrique, chimique et barométrique [9]. Le dispositif à retardement le plus simple est celui fabriqué à partir d’une minuterie et d’un mouvement d’horlogerie. Plus sophistiqués sont les dispositifs chimiques et barométriques. Le dispositif barométrique, souvent complémentaire du dispositif de minuterie, déclenche la charge explosive à partir d’une certaine altitude. Il a souvent servi dans les attentats d’avions de ligne. Quant au système de contrôle à distance, il permet une mise à feu de l’engin explosif par télécommande. Selon Marret (2000: 93), le système de contrôle par télcommande «assure par voie hertzienne aérienne la fermeture d’un circuit permettant la mise sous tension d’un détonateur électrique». Le système de télécommande est doté d’un codeur qui, connecté à un émetteur, permet de déclencher la bombe tout en empêchant le déclenchement involontaire causé par la présence d’ondes parasitaire. Par ailleurs, l’engin explosif peut aussi être déclenché par l’action de la cible. Ce type de système est utilisé dans les pièges explosifs.
2.1.4 Méthodes d’utilisation des engins explosifs
Les engins explosifs peuvent être utilisés de diverses façons. Le Bomb Countermeasures for Security Professionals Guide (2001) propose une classification qui comporte cinq catégories: objets piégés, attaques anti-véhicules, engins explosifs délivrés par une personne, bombes visant à créer un meurtre de masse et attaques à la charge projetée.
D’abord, l’attentat peut être perpétré sous forme d’objet piégé. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une enveloppe ou d’un colis piégés. Cette méthode d’utilisation n’est pas très répandue chez les auteurs d’attentats terroristes. Toutefois, elle s’avère une méthode pernicieuse car la probabilité qu’une personne non visée par l’attentat actionne le dispositif explosif est élevée. Ces objets utilisent un dispositif de mise à feu anti-perturbation (AON, 2000). À l’ouverture du paquet, le dispositif s’active et fait exploser la charge explosive. Celle-ci est en général de faible puissance car elle vise à blesser ou tuer une personne particulière et non à infliger des blessures à plusieurs individus. Un explosif de plastique tel que le C-4 peut être utilisé puisqu’il est produit en feuille pouvant être découpées à la taille et la forme voulue (Marret, 2000: 88). Cette méthode d’action a été particulièrement utilisée dans une série d’attentats par des militants palestiniens en novembre 1972. Durant cette campagne de terreur, une centaine d’envois postaux piégés avaient été effectués à destination de la Grande-Bretagne. Ces engins étaient conçus de la même façon: un détonateur industriel, compressé dans un étau, était inséré dans une enveloppe et enrobé d’explosif. Le fait d’ouvrir la lettre enclenchait un mécanisme, en l’occurrence un ressort en acier, une cartouche à broche, une mini-enclume, un détonateur et un explosif de plastique (Marret, 2000: 89). Plus récemment, on retrouve plusieurs exemples de ce genre d’attentat. Par exemple, le 27 mars 2000 à Séville, l’organisation terroriste basque ETA avait fait parvenir un colis piégé à Carlos Herrera, journaliste à Radio Nationale espagnole (Ministère de l’Intérieur espagnol, 2001). Le colis contenait deux détonateurs et six cellules photoélectriques qui étaient destinés à faire exploser 250 grammes de dynamite à l’ouverture du colis et au contact de la lumière. L’engin explosif était dissimulé dans une boîte de cigares cubains. Le colis piégé n’avait cependant pas explosé en raison d’une faille technique.
La deuxième méthode d’utilisation est l’attentat anti-véhicule. On retrouve dans cette catégorie quatre types d’attaques: a) explosion d’un dispositif explosif installé dans un véhicule inoccupé; b) explosion d’un dispositif explosif installé dans un véhicule occupé en mouvement; c) explosion d’un dispositif explosif dissimulé en bordure ou sous la route; d) propulsion d’un dispositif explosif conventionnel sur un véhicule. Dans le premier cas, le véhicule contient une quantité d’explosifs qui est détonée par minuterie ou signal radio. L’exemple typique de ce type d’attaque est l’attentat à la voiture piégée en pleine rue. Dans le second cas, une bombe est placée à bord d’un véhicule qui transporte des passagers. La bombe est activée par l’action d’une personne: ouvrir la porte, appuyer sur la pédale, etc. La bombe est placée dans le bloc avant afin de créer une projection géométrique des éléments du moteur (culasse, carburateur, vis, etc.) qui cause un maximum de victimes (Marret, 2000: 90). Une bombe peut aussi être destinée à une seule personne et faire un minimum de victimes. Elle sera placée sous le siège du conducteur ou sous la voiture de façon à rendre l’explosion précise et moins géométrique. Les charges creuses sont ici utilisées puisqu’elles permettent un créer effet dirigé. Lorsqu’elles explosent, elles concentrent la charge dans une direction donnée. On peut donner comme exemple l’attentat à la voiture piégée dont fut victime le conseiller municipal de Leiza, José Javier Mugica. L’ETA avait placé à bord de sa camionnette une charge de forte puissance qui avait explosé au moment où la clé de contact du véhicule avait été tournée. Dans le troisième cas, le véhicule est la cible d’un engin explosif placé en bordure ou sous la route (bouche d’égout, boîte aux lettres, etc.). Le dispositif explosif est activé au moment où un véhicule passe sur la route. Cette façon de procéder nécessite la présence d’une personne suffisamment proche pour voir la position du véhicule mais assez loin de la portée de l’explosion. Cette façon de procéder est efficace, selon Lesce (1996), seulement si les auteurs de l’attentat connaissent l’itinéraire de leur cible. On peut donner comme exemple l’attentat à la bombe perpétré contre le Premier ministre de l’État d’Assam en Inde par l’organisation United Liberation Front of Assam (United News of India, 1997). Une bombe avait été placée sous la route dans un caniveau et avait explosé au moment où le véhicule transportant le Premier ministre passait au dessus. Un autre exemple de ce genre d’attentat a été la spectaculaire opération Ogre du 20 décembre 1973 orchestrée par l’organisation ETA contre le véhicule de l’amiral Luic Carrero Blanco, chef du gouvernement franquiste. L’ETA avait creusé un tunnel sous une rue de Madrid pour y installer une charge explosive et des capteurs sensibles permettant de l’actionner à distance. L’explosion avait été tellement puissante qu’elle avait propulsé le véhicule au-dessus d’un immeuble adjacent (Bonanate, 1994: 92) [10].
La troisième méthode d’utilisation est la livraison d’un dispositif explosif par un individu. Dans la plupart des cas, l’engin explosif est dissimulé à un endroit et est activé après que le poseur de bombe ait quitté les lieux. On parle d’une bombe délivrée à un endroit donné par un «set-and-run killer». Dans d’autres cas, le poseur de bombe peut faire exploser l’engin aussitôt qu’il est à proximité de sa cible, au risque d’être tué par la bombe. Il s’agit ici des attentats suicides [11] . Le poseur de bombe porte lui-même l’engin explosif. Selon Ganor (2000), ces derniers sont perpétrés pour diverses raisons. D’abord, ces attentats sont perpétrés dans une intention claire d’occasionner un maximum de victimes et de dommages. De ce fait, elles attirent une large couverture médiatique. L’attentat suicide permet aussi à son ou ses auteurs de réaliser l’attaque au moment approprié et à l’endroit désiré avec précision. Ensuite, l’attentat suicide est perpétré parce qu’il est difficile de le faire avorter, puisque l’auteur contrôle la charge qu’il porte et qu’il peut l’activer à n’importe quel moment. Enfin, l’attentat suicide ne requiert aucune fuite. Un bon exemple de ce type d’attentat est celui perpétré par un membre de l’organisation Hamas le 1er juin 2001 à la discothèque Dolphin à Tel-Aviv. L’auteur de l’attentat attendait dans la queue devant la discothèque et avait activé un engin explosif qu’il portait sur lui contenant des objets métalliques. Cet attentat avait fait une vingtaine de morts et une centaine de blessés (Sobelman, 2001).
La quatrième méthode d’utilisation d’engin explosif est celle réalisée en vue d’un meurtre de masse [12]. Il s’agit ici d’engins explosifs de forte puissance qui sont utilisés pour causer le plus grand nombre de victimes et des dégâts possible. Cette méthode se fait principalement par l’utilisation d’un véhicule bourré d’explosifs qui est stationné à un endroit pour exploser. On appel cette méthode «mass-casualty vehicle bombing». L’attentat à la camionnette piégée perpétré contre l’édifice fédéral Alfred Murray à Oklahoma City en 1995, le plus meurtrier commis sur sol nord-américain avant le 11 septembre, en est un bon exemple (Hoffman, 1998). L’auteur de l’attentat, Timothy McVeigh, avait fabriqué une bombe artisanale à partir de nitrate d’ammonium (6000 lbs) et de nitromethane[13], auxquels avait été ajouté une charge d’explosif commercial Tovex connectée à un détonateur. La bombe avait été placée dans une camionnette de location qu’il avait ensuite stationnée devant l’immeuble fédéral, dans lequel se trouvaient les bureaux de plusieurs administrations fédérales, dont le Secret Service et l’ATF. La bombe avait détruit l’immeuble de neuf étages et fait 168 morts et 500 blessés. L’attentat contre le Word Trade Center de 1993 est aussi un bon exemple. Une bombe artisanale de grande puissance, composée de 1200 livres d’explosif, d’hydrogène compressé et de cyanure de sodium, avait été dissimulée dans une camionnette stationnée dans le garage souterrain de l’édifice par des militants proches du Sheik Omar Abdul Rahman, chef spirituel du Groupe islamique [14]. L’attentat, qui avait comme objectif de faire s’écrouler l’une des tours jumelles et tuer des dizaines de milliers de personnes, avait tué six personnes et blessé 1 000 autres [15].
Enfin, la cinquième méthode est le recours aux charges explosives projetées. Dans ce type d’attaque, son auteur propulse une charge explosive (conventionnelle ou artisanale) en direction d’un véhicule ou d’un bâtiment. La charge explosive peut être propulsée à main nue ou encore auto-propulsée. On peut donner comme exemples: les grenades à main, les bombes incendiaires, les roquettes anti-char, les mortiers. Il existe plusieurs exemples d’attaques à la charge explosive projetée: l’attentat à la grenade contre le lycée Hassiba-Ben-Bouali par des terroristes intégristes à Bliba en Algérie en 1996; l’attaque au cocktail-molotov contre le siège du quotidien régional basque El Correo à Bilbao par l’ETA en 2001; l’attentat à la roquette contre la caserne des gendarmes mobiles de Porto-Vecchio (Corse du Sud) par le FLNC-Canal historique en 1996[16]; l’attentat au mortier contre le 10 Downing Street, résidence à Londres de l’ancien Premier ministre John Major en 1991.
2.2 Assassinats
L’assassinat comme méthode terroriste n’est pas récent. Il était utilisé, dans la Perse du 11e siècle, par la secte des Isma’ilites Nizaris contre ses ennemis. Le meurtre était considéré comme un devoir religieux (Beach et Fisher, 2001). Aujourd’hui, l’assassinat est utilisé fréquemment dans le milieu du crime organisé, principalement chez les organisations criminelles (bandes de motards criminalisés, mafias, etc.) impliquées dans le trafic de stupéfiants. Chez ces organisations, l’assassinat est un instrument de lutte de pouvoir et de règlements de compte. Dans bien des cas, on peut considérer l’assassinat comme un comportement d’auto-justice [17]. Un assassinat peut aussi être l’œuvre d’individus dérangés mentalement. Il existe plusieurs cas d’assassinats de ce genre. Ces assassinats n’ont pas de motif politique, mais sont l’œuvre d’individus au motif obscur ou qui souffrent de troubles psychiatriques (Clarke, 1981: 83). La tentative d’assassinat du président Ronald Reagan par un fou furieux en 1981 en est un bon exemple. Le président américain avait été atteint par un projectile à Washington à l’initiative d’un déséquilibré, du nom de John Warnock Hinckley, qui désirait impressionner la comédienne Jodie Foster. Outre les organisations criminelles et les personnes souffrant de troubles psychiatriques, les terroristes ont aussi recours à l’assassinat, dans un but subversif.
L’assasinat peut être définit, selon Rapoport (1971: 19), comme«a sneak attacks on defenseless persons who have not offered the assaillant a personal offense». Bien entendu, l’assassinat est caractérisé par sa préméditation. Il peut se faire techniquement de diverses façons, par l’usage d’explosifs, d’armes à feu, d’armes blanches ou encore à main nue. Le plus souvent les terroristes utilisent des armes à feu, lesquelles permettent de tirer une cible à bout portant. Les armes à feu permettent aux terroristes d’être dissimulés et de tirer à une bonne distance ou servent d’arme de contact, de la même façon que l’arme blanche, en permettant de tirer sur la cible à courte distance dans le torse ou la tête. Il existe plusieurs cas d’assassinats à l’arme à feu. On se souvient, par exemple, de l’assassinat perpétré par l’IRA provisoire, en juillet 1993, contre six membres des forces de sécurité. Les terroristes avaient utilisé, dans ce cas, une carabine Barrett Modèle 82, arme qui permet de tirer à plus d’un mile et percer une veste par-balle (Wilkinson, 1993). Un second exemple est l’assassinat du président égyptien Anouar al-Sadate, le 6 octobre 1981. Ce dernier fut assassiné durant une parade militaire par quatre individus vêtus d’uniformes militaires qui bondirent d’un véhicule du cortège et attaquèrent, à coup d’armes automatiques et de grenades à main, l’estrade où se trouvait Sadate (Ford, 1985: 331).
Mais l’assassinat peut se produire différemment. Il peut constituer l’aboutissement tragique d’un enlèvement avec séquestration, comme ce fut le cas du ministre du Travail, Pierre Laporte, enlevé par une cellule du FLQ et retrouvé mort dans le coffre arrière d’une voiture à l’aéroport de St-Hubert [18].
Il existe une autre forme d’assassinat employée par les terroristes. Il s’agit de l’assassinat collectif. Sa logique est différente. ll ne vise pas à éliminer une cible particulière. Le plus souvent les assassinats collectifs sont l’œuvre d’individus qui vont investir des villages de nuit et tuer des personnes, souvent sans considération d’âge ou de sexe (Marret, 2000). Ils procèdent à l’aide d’armes à feu, d’armes blanches ou encore par le feu. On peut donner comme exemple l’assassinat collectif d’août 1999 à Beni Ounif, dans la région de Bechar. Des hommes, non identifiés, arrêtèrent sur la route 29 personnes et les abattirent. Un second exemple de ce type d’assassinat est le massacre de 19 civils en juin 1999 dans le village Sidi Ahmed Drouni, dans la province de Mascara, par des islamistes.
2.3 Prises d’otages
La prise d’otage constitue une autre méthode qui a été couramment utilisée par les terroristes. La prise d’otage peut prendre deux formes : l’enlèvement avec séquestration et la prise d’otage avec barricade (Hudson, 1989).
2.3.1 L’enlèvement avec séquestration
L’enlèvement avec séquestration constitue une vieille méthode utilisée par les malfaiteurs pour extorquer de l’argent. Dans le domaine du terrorisme, les précurseurs des enlèvements avec séquestration sont les Tupamaros d’Uruguay[19]. Ceux-ci ont fait de l’enlèvement de personnalités publiques une arme de revendication politique (Gruhier, 1979). L’enlèvement à la Tupamaros a inspiré plusieurs organisations terroristes, dont les Brigades rouges en Italie et le FLQ en 1970. On se souvient d’incidents célèbres, dont l’enlèvement d’Aldo Moro le 16 mars 1978 par les Brigades rouges [20]. Cette forme de prise d’otage a constitué une source de fonds importante pour certaines organisations terroristes.
L’enlèvement avec séquestration consiste à capturer une personne, ou plusieurs personnes, à en assurer le déplacement et la détention forcée dans un endroit clandestin. Le but de cette prise d’otage est d’obtenir par le chantage l’exécution d’une requête, qui peut être une demande d’argent et/ou une rançon politique, en échange de la libération de ou des otages détenus illégalement.
L’enlèvement comporte certaines caractéristiques. L’enlèvement est une action secrète dont on ignore les auteurs et l’endroit où ils se cachent. Ensuite, compte tenu du facteur temps qui joue dans un enlèvement, celui-ci doit faire l’objet d’une planification élaborée. En effet, la même personne ne peut à la fois faire les plans, saisir l’otage, conduire le véhicule, garder l’otage jour et nuit et mener les négociations (Gruhier, 1979). Clutterbuck (1994: 174) présente un bon exemple à ce sujet. Il relate l’enlèvement en 1971 de Sir Geoffrey, un diplomate britannique. Dans cette opération, plusieurs personnes étaient impliquées. D’abord, il y avait trois équipes chargées de la surveillance. La première équipe simulait une promenade dans le parc situé en face du domicile de Geoffrey. Une deuxième équipe était formée d’un couple en motocyclette qui suivait l’auto de la cible et devait vérifier les réactions du chauffeur. Une troisième équipe était placée devant l’ambassade et simulait un accident. Quelques équipes étaient aussi utilisées pour bloquer les accès routiers de façon à libérer la route et prendre la fuite rapidement avec l’otage.
Cet exemple montre que plusieurs personnes ont leur rôle à jouer dans une opération d’enlèvement avec séquestration. Certaines personnes joueront des rôles différents: assurer une surveillance des lieux, saisir la cible, effectuer une diversion, effectuer le transport de la personne séquestrée dans un endroit secret, surveiller la personne séquestrée, sans compter la planification et le contrôle de l’opération, la négociation et, si applicable, la distribution de la rançon.
Selon Lesce (1996), les enlèvements avec séquestration suivent un modèle similaire à celui des assassinats. Les enlèvements suivraient trois étapes: la reconnaissance, la planification et l’exécution. La reconnaissance est selon Lesce l’étape la plus importante. L’attaquant examine et évalue sa cible avant de décider comment et quand il passera à l’acte. L’attaquant doit observer sa cible afin de déterminer le moment où sa cible est la plus vulnérable et non protégée. Il doit à ce moment évaluer la situation selon les possibilités de fuite qui sont, selon Lesce, essentielles à l’enlèvement mais non vitales pour l’assassin qui ne planifie pas de fuir avec sa cible, ou qui accepte le risque de perdre la vie suite au passage à l’acte (1996: 152). Toujours selon Lesce, une cible qui apparaît à une certaine place au même moment chaque jour s’expose plus facilement à une attaque. Quant à la planification, une fois que les ravisseurs connaissent la cible, ils doivent choisir un endroit pour la saisir. Les auteurs d’enlèvement capturent souvent leur cible en transit, pendant qu’elle ne bénéficie pas de la sécurité que peut lui procurer sa résidence ou son lieu de travail. La plupart du temps, les tentatives d’enlèvement surviennent près de ces lieux (Lesce 1996; Laver, 1985). À titre d’exemple, Pierre Laporte a été enlevé près de chez lui, comme Sir Geoffrey qui a été enlevé sur le chemin du travail. Enfin, l’exécution du plan est la dernière étape. Son succès dépend du soin avec lequel les deux autres étapes ont été préparées.
2.3.2 La prise d’otage avec barricade
Les prises d’otage avec barricade peuvent être perpétrées dans divers contextes et avec diverses intentions. Le FBI a regroupé ces prises d’otage dans quatre grandes catégories: la prise d’otage en contexte carcéral, la prise d’otage avec une intention purement criminelle, la prise d’otage perpétrée par des déséquilibrés et la prise d’otage terroriste (Fuselier et Noesner, 2000). En contexte carcéral, la prise d’otage est perpétrée par des détenus qui exigent de la part de l’administration carcérale une amélioration de leur régime de détention. La prise d’otage peut aussi avoir une intention purement criminelle. On parle ici de prises d’otage qui ont lieu lors de la perpétration d’un acte criminel. C’est le cas, par exemple, du voleur de banque armé qui, pris sur le fait, se trouve coincé et sans possibilité de fuite. Ce dernier est alors contraint de prendre des individus en otage pour marchander sa fuite. La prise d’otage constitue dans ce contexte un dernier recours pour échapper à l’arrestation. D’autres prises d’otage sont l’œuvre d’individus ayant des problèmes psychiatriques. Ces individus exécutent une prise d’otage pour attirer l’attention sur eux ou encore dans une intention suicidaire. En matière de terrorisme, elle sert à satisfaire divers objectifs plus ou moins politiques par la contrainte.
La prise d’otage avec barricade peut être définie comme une situation dans laquelle des personnes (diplomates, officiels du gouvernement, voyageurs, etc.) sont prises et tenues en otage par des individus armés dans un site barricadé (véhicule, édifice public, ambassade, hôtel) connu des autorités, dans le but de répondre à l’exécution d’une condition, d’attirer l’attention sur une cause en menaçant de tuer les otages ou de les détenir de façon indéterminée (Hudson, 1989). Cette forme de prise d’otage comporte ainsi une relation triangulaire (Crelinstin, 1976: 24) dans laquelle l’otage constitue un moyen en vue d’atteindre une fin, un intermédiaire entre le délinquant et sa cible première.
Cette forme de prise d’otage se caractérise par le fait que les preneurs sont eux-mêmes captifs et sont uniquement protégés par leur capacité d’intimider et de blesser les otages, ainsi que par la barricade (Waugh, 1992). Une autre caractéristique est que les preneurs n’agissent pas de façon cachée. Contrairement à l’enlèvement avec séquestration, on sait où se trouvent les preneurs ainsi que les otages. Cette forme de prise d’otage présenterait une plus grande puissance de chantage et de négociation, car les otages peuvent être relâchés ou tués un à un (Laver, 1985).
Les prises d’otage avec barricade se produisent autant au sol que dans les airs. Lorsque la prise d’otage implique l’utilisation d’un avion de ligne, on parle de prise d’otage aérienne. Dans ce cas, un groupe d’individus s’empare du véhicule, de son personnel et ses voyageurs pour satisfaire certaines conditions.
Il existe plusieurs cas de prises d’otage avec barricade. On peut donner comme exemple la prise d’otage des jeux olympiques de Munich en 1972. Des membres de l’organisation nationaliste Septembre noir avaient attaqué le bâtiment où logeaient des athlètes israéliens. La prise d’otage s’était conclue tragiquement. La police allemande avait fait mine d’autoriser les terroristes à s’enfuir avec leurs otages. Mais à l’aéroport de Fuesteldbruck, des troupes d’élites de l’armée les attendaient. Neuf athlètes ainsi que cinq terroristes y avaient trouvé la mort (Bonanate: 124). On peut donner un autre exemple bien connu de prise d’otage avec barricade, soit celle perpétrée à Vienne lors d’une réunion des ministres de l’OPEP par le terroriste Carlos.
2.4 Atteintes à la sécurité des transports aériens
Les atteintes à la sécurité de l’aviation civile constituent une troisième méthode utilisée par les groupes terroristes. Il s’agit des actes de terrorisme qui vise les aéronefs, les personnes se trouvant à bord et les installations aéroportuaires (Guillaume, 1977: 1). Ces atteintes prennent principalement deux formes: le détournement d’un aéronef et la destruction d’un aéronef.
En ce qui concerne le détournement d’aéronef, il consiste à s’emparer d’un aéronef par la violence ou la menace de la violence en vue de le détourner de sa destination. Le détournement d’aéronefs a servi divers mobiles, que Minor (1975) divise en trois: la fuite, l’extorsion et le terrorisme. La fuite constitue le mobile le plus important pour les détournements survenus entre 1961 et 1974 impliquant un avion américain. Ils ont servi à des individus d’atteindre Cuba et certains États arabes, destinations naturelles des révolutionnaires (Gruhier, 1979: 49). Ils ont aussi permis à des opposants au régime de fuir vers la Floride. Le détournement a aussi servi à des criminels comme moyen d’extorsion. On se souviendra, par exemple, du détournement d’un aéronef de la North Western Airline, le 24 novembre 1971, par D.B. Cooper. Celui-ci avait réussi à extorquer 200.000 $ à la compagnie aérienne avant de sauter en parachute dans une forêt près de Washington. Ce détournement avait été suivi aux États-Unis par 21 tentatives infructueuses.
L’âge d’or du détournement se situe au début des années 70. La plupart des détournements étaient alors l’œuvre de groupes terroristes du bassin méditerranéen. Ces groupes utilisaient le détournement essentiellement pour son traitement médiatique en vue de promouvoir la cause palestinienne. Il existe plusieurs cas de détournements. Le détournement du 22 juillet 1968 par le Front populaire de libération de la Palestine est considéré comme l’événement déclencheur d’une série d’incidents analogues qui allaient se produire dans les années suivantes. Le groupe terroriste avait détourné un Boeing El Al 707 en provenance de Rome en direction de Tel Aviv. L’avion avait été dirigé vers l’aéroport de Dar al-Bayda d’Alger, où des négociations avaient été entreprises pour relâcher les otages. D’autres détournements ont été significatifs, dont celui du Boeing 747 de la Lufthansa, en septembre 1972, sur Aden, par un commando de l’organisation terroriste Septembre noir [21] . L’aéronef détourné avait été restitué moyennant le versement d’une rançon de 5 millions de dollars. Les détournements n’ont cependant pas uniquement été l’œuvre des Palestiniens. L’Armée rouge japonaise en a également commis.
Concernant la destruction d’un aéronef, qui est la seconde forme d’atteinte à la sécurité de l’aviation civile, elle peut se faire à l’aide d’engins explosifs ou par un usage d’un aéronef comme bombe volante. Dans le premier cas, l’aéronef est détruit en plein vol avec les personnes qui se trouvent à bord. Les aéronefs peuvent aussi être détruits au sol. On se souvient de l’attaque du 17 décembre 1973 par un commando palestinien contre un avion de la Pan Am à l’aéroport de Fiumicino, qui avait fait 32 morts, pour attirer l’attention sur la question du Proche-Orient.
Dans le second cas, il s’agit d’utiliser l’aéronef comme instrument de destruction, comme «bombe volante». Il implique à la fois le détournement d’un aéronef vers une cible, la destruction de l’aéronef et celle de la cible. Peu d’attaques terroristes figurent dans cette catégorie. On peut répertorier dans la littérature deux cas. Le premier cas constitue plutôt une tentative d’attaque. En 1994, des terroristes algériens avaient entrepris de faire s’écraser sur Paris un Airbus d’Air France détourné alors qu’il décollait d’Alger. Mises au courant, les autorités françaises avaient empêché l’attaque en prenant l’aéronef d’assaut lors de son escale de ravitaillement à Marseille. Le second cas constitue l’attaque la plus meurtrière des annales du terrorisme. Il s’agit des attaques survenues le 11 septembre 2001 aux États-Unis. Nous avons vu que le World Trade Center avait déjà été la cible d’une attaque terroriste à la bombe en 1993. Cette attaque perpétrée par le groupe de Ramzi Youssef avait fait 6 morts.
Le 11 septembre 2001, des terroristes liés au réseau Al-Qaeda [22] lancèrent une série d’attentats sans précédent. Ils ont détourné quatre avions de ligne et dirigés ceux-ci sur des cibles de la puissance américaine. Ils commencèrent par détourner, vers 8h45, un Boeing 767 d’American Airlines, transportant 92 personnes de Boston vers Los Angeles [23] . Les terroristes dirigèrent l’avion contre la tour nord du Word Trade Center, symbole de la puissance économique américaine. Par la suite, un second Boeing 767, de United Airlines, transportant 63 personnes de Boston à Los Angeles, était détourné par des terroristes. Vers 9 h 03, il percutait la tour jumelle du Word Trade Center. Les écrasements provoquèrent l’écroulement des deux tours. Un troisième attentat survint vers 9 h 53 visant le Pentagone. Des terroristes détournèrent un Boeing 757 d’American Airlines venant de décoller de l’aéroport de Dulles à Washington, ayant à son bord 64 personnes, et le firent percuter contre l’immeuble qui abrite le ministère de la Défense et l’état-major de l’armée américaine. Enfin, deux heures plus tard (10 h40), un autre Boeing 757 de United Airlines, assurant la liaison Newark-San Francisco avec à bord 45 personnes, s’écrasa en Pennsylvanie [24] .
Ces attaques terroristes, dignes des romans catastrophes à la Tom Clancy [25] , sont uniques en leur genre en raison de leurs conséquences. Elles ont provoqué l’écroulement de tours abritant les bureaux de quelque 350 sociétés où travaillaient plusieurs dizaines de milliers de personnes. Les attaques ont occasionné des milliers de morts et près de 20 milliards de dollars de dégâts matériels. Quant à l’attaque aérienne contre le Pentagone, elle a fait plus de 800 victimes. Les conséquences des attaques ne s’arrêtent pas uniquement à cela. Elles ont aussi amené les autorités à déclencher l’état d’alerte dans tout le pays, ayant ainsi comme conséquence l’évacuation d’immeubles, l’interruption du trafic aérien (près du tiers de la flotte mondiale paralysée), la fermeture de l’espace aérien du territoire américain, la mise en état d’alerte des forces armées et un séisme sur les marchés financiers. En même temps plusieurs alliés des États-Unis prenaient aussi des mesures d’urgence en cas d’éventuelles attaques sur leur territoire.
2.5 Mesures contre-terroristes
Les fanatiques cherchent à atteindre leurs objectifs par l’usage de la violence. Cette violence, comme on l’a vu, peut prendre diverses formes. Pour y faire face, les autorités ont été amenées à adopter des mesures de protection et de prévention. La prévention serait, selon Paschall (1998: 191), la principale réponse au terrorisme.
En matière d’attentats à la bombe, l’une des mesures principales consiste à séparer la bombe de sa cible (Pashall, 1998: 200). Elle peut se faire de diverses manières. Une première façon consiste simplement à procéder à l’évacuation d’un endroit public susceptible d’être affecté par un engin explosif. Elle peut aussi se faire à l’aide d’équipements spécialisés permettant de saisir la bombe et de l’éloigner. Ce genre d’équipement a été fréquemment utilisé pour traiter des colis suspects en Irlande du Nord. Le principal outil utilisé est le robot téléguidé. Il fonctionne sur chenilles ou sur roues et est muni d’un bras manipulable, d’un disrupteur qui permet de détruire une partie de la bombe et, dans certains cas, d’un détecteur aux rayonsX. On peut donner comme exemple le robot d’origine canadienne Pedsco RMI et le robot d’origine britannique Morfax Wheel Barrow. Par ailleurs, les forces de l’ordre ont aussi utilisé une technique appelée «préemption» permettant de neutraliser le déclenchement d’une bombe. Par exemple, l’armée britannique a su, dans les années 80, prévenir des attentats de la part de l’IRA provisoire en émettant un puissant signal radio permettant de bloquer la mise à feu d’engins explosifs qui sont déclenchés par signal radio (Pashall: 1998: 200).
Le principe de séparation de la bombe et de sa cible s’applique également au domaine postal et de l’aviation civile. Au niveau de la poste, les compagnies ont dû se munir d’appareils permettant de vérifier le contenu du courrier jugé suspect[26] . Il s’agit bien souvent d’appareils fonctionnant aux rayonsX, par exemple le TR Mail Explosive Detector, qui peuvent scanner des enveloppes et des colis (Hogg, 1997: 92). L’usage de ce genre d’appareil n’est pas sans faille si on tient compte du volume élevé de courrier. Au niveau de la sécurité de l’aviation civile, les attentats perpétrés contre les aéronefs ont nécessité l’instauration de mesures préventives axées sur l’examen systématique des passagers et de leurs bagages. Les aéroports se sont dotés, graduellement depuis les années 70, de détecteurs qui permettent de réaliser des fouilles non-intrusives qui ne présentent comme seul désagrément qu’une légère attente de la part des passagers (Baldeschwieler, 1993). On retrouve dans les aéroports, comme dans certains édifices jugés à risque, des détecteurs électromagnétiques, tel le AMD 500 et le Scan-tech Dynascreen, qui permettent d’inspecter rapidement les passagers et leurs bagages et de prévenir que soient acheminés à bord des armes à feu, des armes blanches et des engins explosifs, pouvant être utilisés par des pirates de l’air. Les aéroports se sont aussi dotés d’appareils à rayonsX, comme le RAPISCAN, qui permet de détecter des engins explosifs classiques, qui sont composés d’une horlogerie, de batteries et de fils électriques. Pour les explosifs, les aéroports se sont aussi dotés d’appareils appelés «sniffer» qui permettent de détecter des résidus chimiques qui servent à fabriquer la bombe. Ils permettent de repérer des explosifs selon leur signature, qui se trouve dans la vapeur qu’ils dégagent. La plupart des explosifs contiennent des résidus de solvant et de l’azote qui peuvent être détectés, tels le TNT et la Nitrocellulose. Les explosifs de plastique présentent cependant une plus grande difficulté de détection (Baldeshwileter, 83). Outre ces appareils de haute technologie, les aéroports ont recours à des chiens spécialement entraînés pour détecter des odeurs spécifiques émises par les substances chimiques que l’on retrouve dans les engins explosifs.
Il reste qu’il est difficile de mettre en place des mesures fiables. À titre d’exemple, des inspecteurs du ministère fédéral des Transports, appelés à mettre à l’épreuve les mesures de sécurité en vigueur dans les aéroports, étaient parvenus à franchir les points de contrôle, dans 18 % des cas, en possession de grenades désamorcées, de bâtons de dynamite, de couteaux et de fausses armes de poing (Presse canadienne, 2001).
En ce qui concernes les détournement d’aéronefs, plusieurs mesures ont été adoptées par les autorités pour renforcer la sécurité des transports aériens. L’adoption de normes et de pratiques en matière de sécurité ont permis de réduire les risques de détournement. La première mesure a été d’interdire aux voyageurs le transport d’armes et l’examen systématique de leurs bagages. D’autres mesures de sécurité sont venues s’y ajouter après les détournements du 11 septembre 2001. La Federal Aviation Administration a recommandé diverses mesures de modification de sécurité, essentiellement pour assurer la protection et l’isolement du poste de pilotage. Elle a recommandé que soient blindées les portes du cockpit, au détriment de la communication entre les pilotes et le personnel. Le blindage des portes devrait permettre aux portes de résister à l’entrée par effraction de personnes non autorisées et de résister à la pénétration de projectiles d’armes à feu et de dispositifs à fragmentation. Les autorités chargées de la navigabilité ont aussi ajouté la présence à bord des aéronefs de gardes armées. Cette initiative avait déjà été prise dans les années 60, mais avait été progressivement mise de côté en raison du risque que représente pour les passagers et l’aéronef un échange de coups de feu à bord. Il y avait eu le cas d’une bataille armée en plein ciel au-dessus de la Méditerranée opposant des membres du Front de libération de l’Érythrée à des gardes armées à bord d’un avion éthiopien. D’autres mesures ont aussi été envisagées, comme le profilage des passagers pour détecter des pirates de l’air potentiel, mesure déjà utilisée aux États-Unis par la FAA Task Force on Detterence of Air Piracy au début des années 70. Ajoutons les recherches par la compagnie Boeing pour la création d’un système de surveillance aérien et de pilotage à distance. Ce genre de système implique la mise au point d’un système de commandement mobile satellitaire à double bande, qui permet au personnel au sol de surveiller l’intérieur. Ce système peut aussi servir à fournir aux passagers l’accès à des chaînes de télé et à l’Internet.
Quant aux prises d’otages, les forces de l’ordre peuvent y répondre de différentes façons, selon qu’il s’agit d’une prise d’otage avec barricade ou d’un enlèvement. La plupart du temps, elles tentent d’intervenir selon les lignes directrices suivantes: causer le moins de risques possible pour la vie humaine, n’utiliser la force qu’en dernier lieu et de ne faire aucune concession importante aux auteurs de prises d’otage.
Dans le cas d’une prise d’otages avec barricade, Hudson (1989: 326) affirme que trois options sont envisageables: a) capituler face aux demandes des preneurs d’otages, b) contenir l’incident et recourir à la négociation ou encore c) souscrire au principe de «no-ransom, no-concession» et utiliser la force dès que possible.
La réponse la moins risquée est de capituler aux exigences des preneurs d’otages. À titre d’exemple, le gouvernement japonais avait en 1977 payé la somme de six millions de dollars à l’Armée rouge japonaise et accordé la libération de six de leurs membres. Cette option est toutefois rarement envisagée. Les forces de l’ordre préfèrent opter pour la seconde option, soit appliquer le principe de «no-ransom, no-concession». Ce principe a longtemps été appliqué par les Américains et les Israéliens face aux prises d’otage terroristes. Dans ce cas, aucune concession et aucun paiement de rançon ne se fait, car, dit-on, répondre aux exigences des preneurs d’otage ne ferait qu’encourager la perpétration d’incidents similaires (Hudson, 1989: 321). Les opérations d’assaut peuvent aider à mettre un terme à une prise d’otage. Ils permettent de prendre le contrôle des preneurs d’otage et d’assurer la sûreté des otages (Hudson, 1989: 321). Plusieurs pays se sont dotés d’équipes d’intervention. Le plus connu de ces groupes et le GIGN français, qui est l’origine de plusieurs interventions en France et à l’étranger. Ce groupe d’intervention avait permis, en décembre 1994, de libérer 170 otages à bord d’un aéronef d’Air France et d’éliminer les terroristes du Groupe islamique armé.
Le recours à la force comporte toutefois des risques élevés. Selon les données de Schossberg, 78 % des otages tués lors de prises d’otage l’ont été suite à l’intervention de groupes tactiques. Par exemple, lors de la prise d’otage des jeux olympiques de Munich en 1972, les autorités avaient refusé de transiger avec les preneurs d’otages, le recours à la force ayant pour résultat l’arrestation trois des terroristes (les autres furent tués) et la mort des otages. Il semble ainsi que l’utilisation de la force pour résoudre une prise d’otage est d’autant plus risquée que certains preneurs d’otage sont prêts à y laisser leur vie et peuvent être munis d’explosifs et d’armes automatiques.
Depuis cette intervention des jeux olympiques, les forces de l’ordre se sont tournées vers une autre option permettant de faire face aux prises d’otage. Cette option est centrée sur la négociation. Schossberg appelle cette option «self-negotiation» par rapport à celle centrée sur l’usage de la force qu’il appelle «hard-resolution». La négociation est une approche qui tente de résoudre une situation de prise d’otage en minimisant les risques de perte de vies humaines. Cette approche repose sur le principe de «zéro perte acceptable». À ce titre, il donne l’exemple de la prise d’otage du vol 847 de la TWA en 1985 au cours de laquelle la négociation avait permis de libérer les Américains pris en otage. Toutefois ce ne sont pas toutes les prises d’otages, selon Schossberg, qui sont négociables. Ce dernier se réfère au FBI qui a établi des critères qui indiquent si une situation est négociable. Premièrement, les preneurs d’otages doivent avoir une volonté de vivre. La personne indifférente à l’idée de mourir pour une cause n’est pas intimidable par la force. Or, sans désir de vivre, il n’y a pas de négociation possible. Ensuite, des demandes doivent être exprimées par les preneurs d’otage, ce qui est normalement le cas avec les terroristes. Sans requête, les négociateurs ne disposent de pas grande marge de manœuvre pour négocier.
Concernant les enlèvements avec séquestration, les options sont sensiblement les mêmes. Les forces de l’ordre peuvent accepter les exigences des ravisseurs. Cette option comporte apparemment le moins de risques pour la ou les personnes séquestrées. Toutefois, il peut arriver que les ravisseurs exécutent leur otage, même si les autorités ont satisfait leur demande. De cette façon, on fait disparaître le ou les témoins pour réduire les risques d’arrestation. Les autorités peuvent encore opter pour le principe de «no-ransom, no-concession» et recourir à la force dès que possible. L’affaire Cross est un bon exemple. En enlevant J.R. Cross (1970), conseiller commercial britannique, le FLQ réclamait la publication d’un manifeste favorable à la cause felquiste, le paiement d’une rançon de 500 000 $ ainsi que la mise en liberté de certains détenus. Face à l’enlèvement, le gouvernement avait refusé de donner suite aux doléances du FLQ mais avait accordé un sauf-conduit aux ravisseurs vers une destination de leur choix. L’utilisation de la force est cependant plus restreinte dans le cas de l’enlèvement avec séquestration. En effet, les forces de l’ordre doivent d’abord localiser la cache avant de donner l’assaut. Ce qui n’est pas toujours évident. L’avantage que les forces de l’ordre ont à utiliser la force, c’est qu’ils peuvent intervenir en dehors de l’œil de la caméra et avec l’élément de surprise. L’utilisation de la force comporte cependant un risque: la situation peut dégénérer et se transformer en situation de prise d’otage avec barricade.
En ce qui concerne les assassinats, il semble qu’ils sont difficiles à éviter pour les personnalités qui doivent s’exposer en public et se déplacer régulièrement. Plusieurs ne jouissent d’aucune protection particulière, tel, par exemple l’industriel allemand Detlev Rohwedder assassiné en 1991par la Fraction armée rouge dans sa résidence de Düsseldorf. Différentes mesures peuvent être toutefois prises pour assurer une protection des personnalités politiques qui risquent une tentative d’assassinat lors d’une apparition en public. La sécurité de ces personnes peut être assurée par différents cercles de sécurité: une sécurité invisible mêlée au public, une protection rapprochée assurée par des gardes du corps armés munis de cartables-boucliers, un cordon de sécurité assurée par des policiers en uniforme, une sécurité élargie par des tireurs d’élite sur les toits et une sécurité préventive qui consiste à une inspection systématique des sites et immeubles adjacents. La sécurité préventive vise aussi à prévenir les tentatives d’assassinats qui peuvent se faire par le biais de boites postales ou de caniveaux piégés, comme ce fut le cas avec l’assassinat du Premier ministre de l’État d’Assam en Inde. Afin de prévenir ces incidents, les services de sécurité peuvent, comme il est d’usage pour le président des États-Unis, enlever les boîtes à lettre et vérifier les conduits d’égouts qui sont sur la route du cortège que l’on veut protéger.
- Terrorisme non conventionnel
Les actes de terrorisme sont dans la majorité des cas des attentats à la bombe, des assassinats, des prises d’otage ainsi que des atteintes à la sécurité de l’aviation civile. Dans la perpétration de ces actes, les terroristes utilisent un système d’armes conventionnelles fonctionnant à l’énergie cinétique, tels les armes à feu, les dispositifs thermiques (bombes, mortiers, etc.) et les explosifs (Slater et Trunckey, 1997 : 1059). Ces armes présentent une létalité et une étendue du sinistre variables. Cette dernière est souvent élevée lors des attentats à la bombe. Plusieurs personnes peuvent être blessées ou tuées par une même explosion. Quant aux attentats commis avec des armes à feu, les projectiles présentent une forte létalité mais ne peuvent générer qu’une faible étendue du sinistre. En effet, le projectile qui est tiré est souvent mortel et peut générer des blessures graves mais ne permet pas, à moins d’être tirés en grande quantité, de blesser ou tuer des centaines de personnes instantanément.
Les méthodes utilisées par les terroristes ne se limitent pas à celles qui sont mentionnées ci-haut. Les organisations terroristes ont aussi manifesté un intérêt pour l’utilisation de matières dangereuses: matières nucléaires et radiologiques, agents chimiques et biologiques. Des actes de terrorisme impliquant ces matières ont déjà été commis ou ont été tentés. Plusieurs n’ont cependant été que des canulars. Les actes de terrorisme impliquant ces matières suscitent une crainte importante chez les autorités chargées de lutter contre le terrorisme. Ces actes sont craints parce qu’ils présentent un fort potentiel de létalité et qu’ils peuvent générer une étendue du sinistre très importante, en comparaison aux actes impliquant des armes cinétiques. Ces actes sont considérés par les autorités comme un risque élevé pour la sécurité et la santé du public.
Ce risque s’appuie dans la littérature essentiellement sur des incidents qui sont survenus dans le passé et sur les tendances récentes en matière de terrorisme. Des incidents comme l’attaque au sarin dans le métro de Tokyo en 1995, les multiples cas de contamination au charbon aux États-Unis et la récente diffusion par le réseau CNN d’une vidéo-cassette montrant des terroristes du réseau Al-Qaeda en train d’expérimenter des agents chimiques sur des chiens [27], ont démontré que des terroristes avaient bel et bien la volonté et la capacité de recourir aux matières dangereuses et que les actes de terrorisme associés à ces matières pouvaient présenter une réelle menace. Au plan statistique, les actes de terrorisme qui ont impliqué des matières dangereuses n’ont pas été nombreux mais ont tout de même démontré que les terroristes s’y intéressaient et qu’il ne s’agissait plus que de simples scénarios anticipés par les services de renseignement de pays préoccupés par le terrorisme. Quant à la tendance des dernières années dans le domaine du terrorisme, elle permet, selon les experts, de dresser un portrait inquiétant du terrorisme.
Cette tendance est d’abord marquée selon la littérature par une proportion plus importante d’actes de terrorisme considérés comme des «conclusive events» (Medd et Goldstein, 1997:283). La majorité des actes terroristes n’impliqueraient pas une négociation. Pire, certains actes terroristes ne sont pas revendiqués et ne sont associés à aucune demande spécifique. Ensuite, elle se caractériserait par une augmentation de la létalité des actes de terrorisme. Bien que le nombre d’incidents terroristes ait décliné durant les années 90 (565 en 1991; 540 en 1996; 348 en 2001), il apparaît que les actes terroristes ont dans l’ensemble tué plus de personnes depuis la fin des années 80 qu’ils ne l’ont fait auparavant. Selon la chronologie de la RAND présentée par Hoffman (1999: 10), 287 personnes avaient été tuées en 1995 par des actes de terrorisme. En 1996, l’année la plus meurtrière du terrorisme, 510 personnes avaient été tuées par des attentats terroristes. Ce nombre a été nettement surpassé cinq ans plus tard, les victimes du terrorisme se comptant par milliers. Quelques chiffres suffisent, présentés dans le tableau 2, pour montrer la grande létalité de certains actes de terrorisme qui ont été perpétrés depuis la fin des années 80:
Tableau 1: Actes de terrorisme avec un niveau de létalité élevé
Date | Incident | Nombre de morts |
Décembre 1988 | Attentat à la bombe contre un aéronef de la Pan Am à Lockerbie | 270 morts |
Mars 1992 | Attentat à la bombe contre le Centre culturel juif à Buenos Aires | 29 morts, 250 blessés |
Février 1993 | Attentat à la bombe contre le Word Trade Center | 6 morts, plusieurs centaines de blessés |
Mars 1995 | Attentat au sarin dans le métro de Tokyo | 11 morts et plus de
3 500 blessés |
Avril 1995 | Attentat à la bombe contre un édifice fédéral à Oklahoma City. | 168 morts et 500 blessés |
Juin 1996 | Attentat à la bombe à Dharan | 19 soldats américains morts et 500 blessés |
Août 1998 | Attentat à la bombe contre l’ambassade américaine à Nairobi | 290 morts et 5000 blessés |
Août 1998 | Attentat à la bombe contre l’ambassade américaine à Dar Es-salaam | 10 morts et 77 blessés |
Septembre 2001 | Attaques aériennes contre le Word Trade Center et le Pentagone | Plus de 2800 morts |
L’accroissement de la létalité du terrorisme s’explique de diverses façons dans la littérature. D’abord, elle s’explique par le fait que les terroristes sont moins engagés dans des actes sélectifs et symboliques qui leur permettaient d’attirer l’attention sur eux mais plus portés à commettre des actes terroristes indiscriminés (Hoffman, 1999: 8, Medd et Goldstein, 1997: 287). Cela va à l’encontre de ce qu’affirmaient Jenkins et la plupart des experts selon lesquels «the terrorist want a lot of people watching, not a lot of people dead». Les actes de terrorisme ont été ces dernières années des actes nettement de nature plus prédatrice. On peut présumer que certains terroristes croient que les actes de terrorisme doivent être plus meurtriers pour attirer l’attention du public sur eux et leur cause. Le nombre élevé d’attentats terroristes perpétrés au cours des deux dernières décennies aurait eu comme effet de rendre les médias et le public insensible au terrorisme, surtout s’il est problème criminel extérieur. On peut à cet égard donner comme exemple l’auteur à l’origine l’attentat à la bombe d’Oklahoma City, Timothey McVeight, qui avait affirmé: «We needed a body count to make our point» (Hoffman, 1999: 13). D’autres éléments expliquent aussi la plus forte létalité du terrorisme.
On explique également cette forte létalité par un nombre plus important d’actes de terrorisme perpétrés par des groupes motivés par un impératif religieux. Selon les données présentées par Hoffman (1999: 14), il apparaît que parmi les onze groupes terroristes répertoriés en 1968, aucun n’était motivé par un impératif religieux. Pour la période 1970-1990, les activités terroristes étaient le fait de groupes terroristes motivés par des objectifs politiques et idéologiques. Par contre, en 1995, 23 des 56 groupes terroristes répertoriés par les services de renseignement avaient une motivation d’ordre religieux. Plusieurs actes commis par ces groupes étaient motivés par la religion et la haine ethnique. En cette année, ces groupes avaient été responsables de 25 % des incidents terroristes et de 58 % du nombre total des personnes tuées par le terrorisme. Les terroristes qui sont guidés entièrement ou en partie par un impératif religieux ont perpétré les actes de violence qui ont fait le plus grand nombre de victimes.
Ces groupes terroristes sont plus violents parce qu’ils opèrent en fonction d’un système de justification différent des terroristes séculiers (non religieux). La violence est considérée par ces groupes comme un devoir divin ou un acte sacré[28]. Ces groupes ne semblent pas considérer la violence indiscriminée comme immorale et contre-productive pour leur cause. Ils ont tendance à perpétrer les actes les plus brutaux qui ne sont pas revendiqués ni liés à aucune exigence particulière. Les groupes terroristes à leur origine n’ont pas comme «objectif de négocier avec des gouvernements ou de rallier l’opinion publique à leur cause, mais simplement de causer le plus de dommages et de perturbations possibles à un peuple ou un système qu’ils jugent odieux» (SCRS, 2000). Selon Hoffman (1999), il s’agit là d’un élément favorable à la perpétration d’actes de violence sans limites. On peut donner comme exemples: l’attentat au sarin dans le métro de Tokyo par la secte apocalyptique Aum Shinrikyo, les attentats suicides du Hamas, les attaques terroristes de septembre 2001 par des terroristes islamiques liés au réseau du terroriste international d’Oussama ben Laden.
Enfin, l’accroissement de la létalité du terrorisme est également attribuable, selon les experts, par le rôle actif que certains États ont joué dans le support au terrorisme. Le soutien dont ont bénéficié certaines organisations leur a permis de doter ces organisations d’armes plus sophistiquées et puissantes, comme les explosifs de plastique (Hoffman, 1999: 13).
Cette tendance en matière de terrorisme est peu rassurante. Les actes de terrorisme commis récemment sont pour la plupart d’une grande brutalité et leur motif, guidé par un impératif religieux, est bien souvent obscur. Ce développement est encore moins rassurant pour les États-Unis, qui continuent d’être la cible principale depuis la fin des années 80 des actes de terrorisme internationaux, à l’extérieur comme à l’intérieur de leur territoire. Les États-Unis ont été victimes des attaques les plus spectaculaires et meurtrières des annales du terrorisme. Rappelons qu’ils avaient été victimes à l’intérieur de leur territoire d’abord de l’attentat à la bombe contre le Word Trade Center en 1993, ensuite de l’attentat à la bombe d’Oklahoma City en 1995 et des attaques aériennes en 2001, sans compter les cas de contaminations au charbon survenus la même année. Dans cette optique, les États-Unis ont des motifs de croire que d’autres actes de terrorisme peuvent être perpétrés contre eux. À ce titre, l’une des craintes pour les autorités américaines est de voir commis sur leur territoire par des terroristes des attentats avec utilisation de matières dangereuses, dont le potentiel de létalité pourrait être supérieur aux attaques précédentes. D’autant plus qu’il existe actuellement une grande incertitude liée à la prolifération mondiale des armes de destruction de masse, ainsi que des connaissances et des technologies connexes (SCRS, 2000).
Cette tendance du terrorisme est aussi inquiétante pour le Canada. Bien que le Canada n’ait pas été victime du terrorisme comme l’ont été les États-Unis, le Canada est tout de même préoccupé par la présence de groupes terroristes qui utilisent son territoire pour réaliser des collectes de fonds et comme lieu de planification et de transit vers les États-Unis en vue de perpétrer des actes terroristes. Le Canada s’inquiète aussi pour sa sécurité intérieure qui peut être menacée par le terrorisme en raison non seulement de la présence de ces groupes mais aussi du fait que le Canada est régulièrement l’hôte d’importants événements d’envergure et qu’il est partenaire avec les États-Unis dans sa lutte contre le terrorisme. Comme plusieurs pays, le Canada ne s’estime aucunement à l’abri du terrorisme sur son territoire, notamment en matière de terrorisme chimique, biologique et nucléaire.
Le terrorisme présente un défi pour les autorités chargées d’assurer la sécurité intérieure. Les gouvernements et les forces de l’ordre ont développé au fil des années une expertise permettant de faire face aux techniques conventionnelles du terrorisme. Le terrorisme s’avère particulièrement un défi pour les autorités s’il concerne des matières dangereuses. Il semble que les réactions au terrorisme impliquant des matières dangereuses ne soient pas les mêmes et présentent un niveau de complexité plus élevé.
Plusieurs observateurs ont affirmé pendant longtemps que l’usage de matières dangereuses ne présentait que peu de risque puisque les organisations terroristes, disait-on, ne cherchait qu’à attirer le plus d’attention possible sur une cause sans vouloir créer un grand nombre de victimes. Mais les organisations terroristes ont toujours éprouvé peu de scrupules moraux à tuer des individus pour faire avancer leur cause. Plusieurs comptent parmi leurs rangs des individus qui ne craignent pas les représailles et qui sont même prêts à se suicider pour leur cause. Ces organisations ont utilisé leur imagination pour tuer le plus grand nombre de personnes possibles. La majorité ont utilisé des bombes de différents niveaux de sophistication pour y parvenir. Des terroristes ont même utilisé des avions comme bombe volante. Le recours aux matières dangereuses, qu’elles soient d’origine nucléaire, radiologique, chimique ou biologique, s’inscrit dans un prolongement des moyens violents utilisés par les terroristes.
La Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif de l’ONU (1997) désigne bien ce que l’on entend dans cette recherche par matières dangereuses. Selon ce texte, il s’agit des matières pouvant «provoquer la mort, des dommages corporels graves, ou qui en ont la capacité, par l’émission, la dissémination ou l’impact de produits chimiques toxiques, d’agents biologiques, toxines ou de substances analogues ou de rayonnement de matières radioactives». Dans cette section, ces matières seront présentées de façon détaillée. Nous porterons davantage d’attention au terrorisme impliquant des matières chimiques et biologiques, car ces matières ont déjà fait l’objet d’une utilisation ou d’une tentative d’utilisation à des fins de terrorisme.
3.1 Matériel nucléaire et radiologique
L’utilisation de matériel nucléaire à des fins terroristes est depuis les années 70 considérée comme une menace potentielle. On ne compte cependant aucun cas jusqu’à présent d’acte de terrorisme sérieux impliquant ce genre de matériel. Il n’existe également aucune information rigoureuse dans la littérature permettant d’affirmer que des terroristes ont tenté de se procurer un engin explosif nucléaire ou tenté d’en fabriquer un de façon artisanale.
De nombreuses menaces ont tout de même été proférées quant à l’utilisation de matériel nucléaire. Il s’agissait en fait de canulars et de chantage. Au cours des années 70 et 80, il y aurait eu aux États-Unis une soixante de canulars d’individus affirmant posséder un engin explosif nucléaire et qui menaçaient de le faire détonner (Jenkins, 1983: 567). Quant au chantage, plusieurs affaires, rapportées par Krömer (1996: 10) [29], sont survenues en Allemagne en 1994. Elles ont toutes conduit à des enquêtes policières. Une première affaire concerne un individu qui prétendait par téléphone connaître le lieu où se trouvaient enterrées six ogives nucléaires en ex-République démocratique allemande. Il réclamait la somme d’un million de deutsche marks à défaut de quoi il ferait exploser l’une d’elles. Un second cas de chantage concerne une caisse d’épargne qui avait reçu une lettre anonyme contenant des menaces de dissémination de plutonium, à défaut d’un versement d’une somme d’un million de deutsche marks. Dans une autre affaire, un supermarché avait reçu une lettre d’un individu qui menaçait de faire exploser du plutonium dans un entrepôt de munitions s’il ne versait pas 1,5 millions de deutsche marks. Une autre affaire, rapportée par Schneider (2001: 14), a trait à un employé de la compagnie Neyrpic qui avait volé une cartouche d’iridium 192 et exercé du chantage sur son patron en affirmant l’avoir relié à un engin explosif à la gare de Grenoble. La cartouche a été retrouvé mais n’était pas relié à un tel engin.
3.1.1. Trafic illicite de matières nucléaires
Les saisies de matières nucléaires survenues au cours des dernières années en Europe auraient, selon le SCRS (2000), conféré «une nouvelle crédibilité à la menace du terrorisme nucléaire». Des tentatives de contrebande de matières nucléaires ont en effet sonné l’alarme quant à la possibilité que ces dernières se retrouvent dans les mains d’organisations terroristes. C’est l’éclatement de l’ex-Union soviétique et les problèmes économiques qui l’ont suivi qui auraient fait naître cette contrebande. Il y aurait eu plus de 300 cas de tentatives de contrebande ayant donné lieu à des enquêtes de police entre 1991 et 1997 (Woessner, 1997). La plupart de ces affaires concernaient des matières nucléaires non fissiles, c’est-à-dire des matières qui ne peuvent être utilisées pour la fabrication d’un engin explosif nucléaire (Robitaille et Purver, 1995). La majorité des affaires de contrebande de matières nucléaires, qui proviennent essentiellement de l’ancien bloc de l’Est, se sont produites en Allemagne. Au cours de la seule année 1994, la police allemande dut s’occuper d’enquêtes sur 85 offres frauduleuses de matières nucléaires et 182 affaires de commerce illicite de ces matières (Krömer, 1996: 10).
Ce ne sont pas seulement des matières nucléaires non fissiles qui ont été saisies. La police a aussi saisi des matières nucléaires de qualité militaire, c’est-à-dire des matières (uranium-235 et plutonium-239) qui permettent la fabrication d’un engin explosif nucléaire. Les saisies les plus importantes sont survenues en 1994 (Krömer, 1996: 10). En mai 1994, la police allemande a saisi à Tengen, chez un homme d’affaire connu pour son implication dans la contrebande, un mélange en poudre contenant six grammes de plutonium enrichi à 99,6 %. En juin 1994, six personnes avaient été arrêtées à Landshut, dans le sud de l’Allemagne, dont un individu en possession de 0,8 gramme d’uranium enrichi à 87,7 %. En août 1994, la police avait découvert à l’aéroport de Munich, dans un avion en provenance de Moscou, 350 grammes de plutonium enrichi à 87 %. En décembre 1994, la police tchèque a saisi 2,7 kilogrammes d’uranium enrichi à 87.5 %. En 1998, la police turque aurait procédé pour sa part à l’arrestation de huit personnes alors qu’elles tentaient de vendre 6 grammes de plutonium russe pour la somme d’un million de dollars (WISE-Paris, 1999: 6). Soulignons que les officiels russes soutiennent qu’aucune matière nucléaire de qualité militaire n’aurait été volée ou vendue. Ils admettent toutefois le vol de matières radioactives comme du cobalt et du césium. La contrebande de ces matières aurait cessé, selon les autorités russes, en raison d’une campagne d’information interne dans les établissements nucléaires russes misant sur le fait qu’il n’existe pas de marché pour ces matières (WISE-Paris, 1999: 6). Il ay urait eu cependant en 1998, selon des officiels russes, une tentative de vol de 18,5 kilogrammes d’uranium hautement enrichi par des employés d’un grand site d’armement nucléaire russe (Schneider, 2001).
Même si on ne dénombre qu’un nombre limité d’affaires concernant des matières nucléaires de qualité militaire, on peut néanmoins affirmer que l’acquisition de ces matières est devenue une chose envisageable (Robitaille et Purver, 1995). Même si les quantités saisies jusqu’à ce jour ne présentent pas de danger de fabrication d’un engin explosif nucléaire, le SCRS affirme que «sur le plan de la capacité éventuelle de fabriquer un engin explosif nucléaire, le plus grand sujet de préoccupation se situe au niveau de la sécurité des matières fissiles». Le problème concerne principalement la Fédération de Russie, qui est aux prises depuis le début des années 90 avec un gigantesque inventaire de matières nucléaires. Des dizaines de tonnes de plutonium et d’uranium hautement enrichi sont dispersées sur plusieurs sites à travers l’ex-Union soviétique. Celles-ci sont, selon les experts, conservées dans des installations (instituts de recherche, entrepôts de combustible de sous-marins nucléaires, etc.) où la sécurité est souvent inadéquate (Potter, 1994). La Fédération de Russie ferait également face au cours des prochaines années à des difficultés à assurer un stockage sécuritaire de dizaines de tonnes de plutonium de qualité militaire et d’une trentaine de tonnes de plutonium qui proviennent de réacteurs, qui sont destinées à être transformées en une forme non utilisable pour la fabrication d’engins explosifs nucléaires (WISE-Paris, 1999).
3.1.2 Utilisation des matières nucléaires
Pour construire un engin explosif nucléaire artisanal, une organisation terroriste doit s’approprier des matières nucléaires de qualité militaire en quantité suffisante (Loehmer: 53; Ward, 1996: 2). Selon l’Agence internationale d’énergie atomique (AIEA), il faudrait plus de vingt kilogrammes d’uranium-235 enrichi à 90 % pour constituer l’explosif de la bombe [30] . Toutefois, selon une équipe de recherche de l’Université de Californie, trois kilogrammes pourraient suffire pour produire un engin nucléaire équivalent à 100 tonnes d’explosifs (Burke, 2000: 137). Dans le cas d’un engin explosif à base de plutonium, il faudrait une quantité de cinq kilogrammes de plutonium hautement enrichi. Si l’organisation terroriste ne peut obtenir cette matière par la contrebande, elle doit accéder au marché de l’uranium naturel et disposer d’un système d’enrichissement [31] . Elle peut aussi se doter d’un atelier de retraitement et extraire du combustible irradié (par exemple, à partir de l’uranium-238) le plutonium [32] . Ce genre d’opération nécessite cependant un savoir technique et scientifique qui est hors de portée de la majorité des organisations terroristes.
La construction d’un engin explosif nucléaire nécessite également une expertise dont les organisations terroristes ne disposent pas pour la fabrication des pièces de la bombe et son assemblage. Toutefois, il n’est pas impossible qu’une organisation obtienne cette expertise d’ailleurs, par exemple de l’Europe de l’Est où des milliers de scientifiques et d’ingénieurs jadis impliqués dans le programme militaire nucléaire soviétique sont sans emploi ou sous payés (Alvaro, 1996) [33] . La fabrication d’un engin nucléaire explosif nécessite aussi une infrastructure technologique et des moyens financiers qui sont hors de la portée de la plupart des organisations terroristes. Pour certains observateurs (Burke, 2000: 139; Jacobs, 1998: 153), il est peu probable qu’une organisation terroriste puisse réussir là où des pays candidats à la prolifération, comme l’Irak et la Libye, dotés d’un programme clandestin de fabrication d’armes nucléaires et des ressources nécessaires, ont tenté sans succès d’acquérir l’arme nucléaire.
La façon la plus directe d’obtenir un engin explosif nucléaire pour une organisation terroriste serait de l’obtenir par le vol. Il existe plusieurs rumeurs entourant la perte d’engins explosifs, qui auraient été perdus ou volés (Denton, 117) [34] . Les armes nucléaires sont soumises à des mesures de sécurité physique vigoureuses adoptées par les États qui les possèdent (SCRS, 2000). Mais ces mesures ne peuvent entièrement garantir le vol, surtout avec l’instabilité qui affecte l’ex-Union soviétique qui suscite des préoccupations sur la sécurité des armes nucléaires, quoi que peu probable. Il existe des dizaines de milliers d’engins explosifs nucléaires tactiques en Europe de l’Est. Mais même si une organisation terroriste réussissait à mettre la main sur un de ces engins, les experts sont d’avis qu’elle ne pourrait l’utiliser dans un but de le faire détoner. La plupart des engins explosifs nucléaires sont munis d’un dispositif de sûreté appelé «Permissible Action Links». Il s’agit d’un système de verrouillage destiné à prévenir une explosion accidentelle ou non autorisée (DeLeon et Hoffman, 1988: 8; Burke, 2000: 142). L’organisation devrait alors recourir à des explosifs pour le faire exploser. Soulignons que la seule possession d’un engin nucléaire fournirait à une organisation terroriste un potentiel de chantage énorme, même s’il n’est pas détoné.
Les terroristes ne sont pas obligés de fabriquer un engin explosif nucléaire, qui nécessite des quantités suffisantes de matières nucléaires de qualité militaire et une expertise particulière. Ils peuvent disperser du matériel radioactif en utilisant, ce que l’on appelle dans la littérature, un dispositif de dispersion radiologique (RDD). Le moyen le plus simple pour les terroristes serait la fabrication d’une bombe sale, composée d’explosifs accolés à du matériel radioactif (Roberts, 1996). Il existe un précédent à ce sujet. En novembre 1995, des rebelles tchétchènes avaient menacé de transformer Moscou en un «désert éternel» avec un engin explosif et des matières radioactives. Les terroristes avaient simplement placé un paquet contenant une petite quantité de césium-137, une matière radioactive pouvant servir à des fins médicales et industriels, dans le parc Ismailovsky (Burke, 2000: 142; Medd et Goldstein, 1997: 293). Ajoutons le cas récent de l’Américain José Padilla, arrêté en juin 2001 par le FBI et accusé d’avoir préparé un attentat à la bombe sale (AFP, 2002). Le ministre américain de la Justice, John Ashcroft, a affirmé que Padilla s’était rendu en Afghanistan pour s’entraîner au maniement des explosifs et étudier les appareils de dispersion radiologique. Il existe une quantité de matières nucléaires (cobalt-60, césium-137, strontium-90, etc.) et des déchets radioactifs pouvant entrer dans la confection de ce genre d’engin explosif, et que l’on peut trouver dans des installations peu sûres comme les laboratoires de recherche, des hôpitaux et d’industries. La détonation d’une bombe sale ne permettrait pas de provoquer une explosion nucléaire. Elle permettrait néanmoins d’irradier un secteur et forcer sa décontamination.
Il est possible pour une organisation terroriste de fabriquer une bombe sale à partir de plutonium de qualité réacteur. Des quantités importantes de plutonium provenant de combustibles irradiés de réacteurs nucléaires sont utilisées dans la fabrication de combustible MOX. Selon Barnaby [35] , il est possible de séparer chimiquement de ce dernier de l’oxyde de plutonium et de l’utiliser dans une bombe. Cet oxyde pourrait, selon Barnaby, «être contenu dans un récipient sphérique placé au centre d’une grande quantité d’explosifs puissants. Plusieurs détonateurs pourraient être utilisés pour mettre feu aux explosifs. L’onde de choc provoquée par l’explosion pourrait suffisamment comprimer l’oxyde de plutonium pour amorcer une réaction en chaîne». Il poursuit en affirmant que cet engin «pourrait être placé dans une camionnette. Même si la bombe ne peut provoquer d’explosion nucléaire, l’explosion permettrait de disperser le plutonium dans l’air». Soulignons que les particules de plutonium sont hautement toxiques, surtout lorsqu’elles sont inhalées (Makhijani, 1999).
3.2 Agents chimiques
Les agents chimiques ont à l’origine été utilisés à des fins militaires. Ce n’est qu’au moment de la Première guerre mondiale que les agents chimiques furent utilisés massivement par les armées, à la fois par voie terrestre (munitions, obus) et par voie aérienne (bombes, épandage). En avril 1915, des milliers de cylindres contenant du chlore furent répandus sur six kilomètres près de Ypres. Poussé par le vent, le nuage de gaz causa la mort de 5.000 soldats. Plus tard, en juillet 1916, des obus à l’acide cyanhydrique furent employés lors de l’offense de la Somme. Mais c’est en 1917 que l’utilisation d’agents chimiques comme arme de guerre atteignit son apogée avec l’utilisation par les Allemands, dans la région d’Ypres, du gaz moutarde.
Entre les deux conflits mondiaux, on assista à un développement de nouveaux agents chimiques tels le sarin, le soman et le tabun. Du gaz moutarde fut utilisé par l’Italie lors de sa campagne en Éthiopie et par le Japon dans son offensive contre la Chine. Pendant la Deuxième guerre mondiale, les agents chimiques ne furent pas utilisés. Plkus récemment, l’Irak utilisa le cyanure et le tabun contre les troupes iraniennes et du sarin contre les populations kurdes. Pourtant, l’usage d’agents chimiques tout comme celui d’agents biologiques, a été prohibé depuis 1925 par la Convention de Genève.
Les agents chimiques n’ont pas qu’une utilité militaire. Ils peuvent également être utilisés à des fins terroristes. Il existe une quantité de ces agents utilisables, allant d’agents chimiques d’origine militaire aux produits toxiques industriels. Nous présentons dans cette section un aperçu des principaux agents chimiques qui présentent, selon la littérature, un risque particulier pour la sécurité du public. Ces agents sont classés dans les catégories suivantes: agents neurotoxiques, agents vésicants, agents asphyxiants et suffocants.
3.2.1 Agents neurotoxiques
Les agents neurotoxiques sont considérés comme les plus dangereux parmi les agents chimiques. On compte dans cette catégorie: le sarin, le soman, le tabun et le VX. Ils ont été produits dans le passé en grande quantité pour la guerre chimique. Les trois premiers sont identifiés comme des agents G et le dernier comme un agent V. Ces agents neurotoxiques sont des esters organophosphorés qui ressemblent par leurs effets aux insecticides utilisés en agriculture. À la différence des insecticides qui visent à éliminer les insectes, les agents neurotoxiques visent spécifiquement à tuer des individus en interférant avec le système nerveux central. Ils sont des inhibiteurs de la cholinestérase, l’enzyme responsable de l’hydrolisation de l’acétylcholine (un médiateur chimique permettant la transmission d’influx nerveux jusqu’aux muscles et aux organes) au niveau des terminaisons nerveuses synaptiques (Burke, 2000: 43). L’inhibition de la cholinestérase entraîne une accumulation d’acétylcholine et une hyper stimulation des muscles.
Les agents neurotoxique sont inodores et incolores. Ils peuvent cependant changer de couleur et dégager une odeur fruitée lorsqu’ils sont contaminés par des impuretés. Ces agents se présentent tous sous une forme liquide lorsqu’ils sont produits, d’une texture plus ou moins visqueuse. La volatilité des agents neurotoxiques est variable. Les agents G (sarin, soman et tabun) sont assez volatiles et peu persistants. Le plus volatile est le sarin. L’agent V (VX) est peu volatil mais très persistant. Il entraîne une contamination durable des vêtements, des matériels et des surfaces (Torres, 2001). Il peut persister durant des semaines dans l’environnement, particulièrement lorsque la température est froide (sous 0oC). Les agents neurotoxiques peuvent être absorbés par l’organisme par inhalation ou par voie cutanée lorsqu’ils sont dispersés sous forme d’aérosol ou de vapeur. La vapeur n’agit que par voie respiratoire, contrairement à l’aérosol qui agit à la fois par voie respiratoire et cutanée. Les agents neurotoxiques sont hautement toxiques et agissent avec une grande rapidité, soit dès que la personne s’y expose. L’agent le plus létal est le VX. Il est environ dix fois plus toxique que le sarin. Une seule particule suffit pour perturber l’activité neurale (Burke, 2000: 43).
Les effets cliniques des agents neurotoxiques sont multiples. On peut les diviser en deux catégories: les effets muscariniques et les effets nicotiniques (Torres, 2001). Les effets muscarinique sont: constriction de la pupille (myosis), vomissements, nausée, incontinence fécale et urinaire, larmoiements, hypersudation, hypersécrétion salivaire, hypotension artérielle, toux, bronchoconstriction, bronchospasme, oedème pulmonaire. Au niveau nicotinique, les effets sont: faiblesses, contractures musculaire, crampes, paralysie des muscles respiratoires. Une personne faiblement exposée risque de souffrir de constriction de la pupille, d’écoulement nasal et de maux de tête. Une personne modérément exposée risque de souffrir d’une constriction des bronches, de vomissements, d’une quinte de toux et de tremblements. Une personne sévèrement exposée aux agents neurotoxiques, quant à elle, peut tomber dans état de coma, de paralysie et avoir un arrêt cardio-respiratoire (Burke, 2000: 46; Lachance, 2001: 15). L’atteinte du système nerveux central peut entraîner la mort.
Le traitement des personnes exposées aux agents neurotoxique exige une décontamination rapide, le maintien des fonctions vitale et l’administration d’antidotes pour les personnes modérément ou sévèrement intoxiquées. Le principal antidote utilisé est l’atropine et la pralidoxime (Nantel, 1998).
3.2.2 Agents vésicants
Les agents vésicants comprennent: les agents moutardes (gaz moutarde ou ypérite, moutarde azotée, moutarde au souffre), l’oxime de phosgène et le lewisite. Ces agents sont des composés de type organoarsenic qui causent des irritations cutanées et une corrosion des tissus (Lachance, 2001: 18). Ils se présentent sous une forme de liquide huileux qu’on pulvérise. Les agents moutardes sont incolores, mais peuvent avoir une couleur ambrée s’ils comportent des impuretés. On peut détecter leur présence par l’odeur qu’ils dégagent lorsqu’ils sont concentrés. Les agents moutardes dégagent une odeur d’oignon, l’oxime de phosgène a une forte odeur désagréable, et le lewisite une odeur de géranium. Les agents vésicants sont persistants, surtout dans un environnement chaud. L’exposition s’effectue par contact du liquide avec la peau ou de la vapeur avec les tissus exposés (yeux, peau, poumons). La vapeur qu’ils dégagent peut être portée sur une longue distance dans l’air et peut rester présente pendant plusieurs semaine dans l’environnement affecté. Le lewisite est cependant beaucoup moins persistant que les agents moutardes. Pour être létaux, les agents vésicants doivent être employés en grande quantité. Plus d’un million de militaires auraient été exposés à ces agents durant la Première guerre mondiale. Toutefois, seulement 10 % d’entre eux en seraient décédés. Pour cette raison, on considère plus les agents vésicants comme des agents incapacitants (Nantel, 1998).
Les agents vésicants provoquent divers effets. Les agents moutardes ont comme principaux effets de créer une sensation de brûlures sur la peau ainsi que l’apparition de cloques et des irritations aux yeux. Pour sa part, l’oxime de phosphène présente les effets suivants: décoloration de la peau (la peau blanchit), apparition de papules, douleur persistantes sur la peau, irritation des poumons, douleur oculaire. Quant au lewisite, il a des effets semblables: décoloration de la peau (la peau devient grise), apparition de cloques, irritation extrême des poumons, douleur oculaire. Ils ont donc des effets cliniques similaires en ce qu’ils affectent la peau, les yeux et le système respiratoire. Ils se distinguent toutefois par leur rapidité d’action (Lachance, 2001: 18). Les agents moutardes ne produisent aucun effet immédiat. Il y a un délai de 2 à 24 heures entre l’exposition et l’apparition de symptômes. Par opposition, l’oxime de phosgène et le lewisite provoquent des symptômes dès qu’ils entrent en contact avec la peau et les muqueuses.
Contrairement aux agents neurotoxiques, il n’y a pas d’antidote connu pour ces agents, et aucun test de laboratoire ne semble pouvoir identifier précisément une exposition à ces agents (Burke, 1998: 46). Le traitement pour les personnes exposées à ces agents consiste essentiellement à irriguer immédiatement les yeux, procéder à une décontamination avec de l’eau. Dans le cas du lewisite, on peut appliquer un onguent antibiotique à base de dimercaprol (Nantel, 1998).
3.2.3 Agents suffocants et anoxiants
Les agents suffocants sont des irritants pulmonaires qui entravent l’oxygénation normale de l’organisme. Ils comprennent le chlore, le phosgène et l’ammoniac anhydre. Ces agents agissent principalement sur le corps par inhalation. Le chlore est considéré comme un asphyxiant primaire, car il agit directement sur les tissus par ses propriétés irritantes et corrosives, tout comme l’ammoniac (Lachance, 2001: 15). À faible concentration, ces agents sont filtrés par le nez et ne causent que des irritations des voies respiratoires. Mais à forte dose, ils pénètrent les voies respiratoires intérieures, causes des quintes de toux, de la dyspnée, des douleurs au thorax, des bronchospasmes, qui peuvent mener à un oedème pulmonaire. Dans le cas du phosphène, il s’agit d’un asphyxiant secondaire puisqu’il ne provoque pas d’irritation pulmonaire immédiate. Il est inodore et incolore, et ne peut être détecté sans un équipement spécial. Une fois inhalé par les poumons, il se transforme en une substance irritante et corrosive, qui crée un acide chlorhydrique qui s’attaque aux parois alvéolaires et entraîne un oedème pulmonaire (Lachance, 2001: 15).
Quant aux agents anoxiants, ils sont composés de deux hémotoxiques sanguins dérivés du cyanure: le cyanure d’hydrogène et le chlorure de cyanogène. Ces deux agents ont été utilisés comme arme de guerre chimique lors de la Première guerre mondiale mais également dans les chambres à gaz de prisons américaines. Leur mécanisme d’action consiste à interférer avec «la capacité des cellules du corps à utiliser ou à transporter de l’oxygène» (Lachance, 2001: 15). En plus, ils constituent des irritants pour les yeux et les poumons. Ces agents se présentent sous une forme liquide incolore. Le cyanure d’hydrogène peut toutefois avoir une coloration brunâtre s’il comporte des impuretés. On peut les détecter dans l’air par leur odeur de pâte d’amande, qui n’est détectable que par certaines personnes. Ils pénètrent rapidement dans l’organisme par inhalation. Ils peuvent aussi pénétrer dans l’organisme par contact cutané lorsqu’ils sont utilisés sous forme liquide ou en aérosol (WHO, 2001). Les agents anoxiants sont très toxiques et peuvent tuer une personne en quelques minutes. Ils sont cependant très volatiles et peu persistants.
Une exposition aux agents suffocants et anoxiants fait apparaître divers symptômes. Les agents suffocants provoquent d’abord des irritations des yeux, de la gorge et du nez, des quintes de toux, des nausées et une oppression thoracique. De façon plus importante, ils peuvent provoquer une irritation des muqueuses de l’appareil respiratoire, l’obstruction des voies aérienne, un oedème pulmonaire et l’asphyxie. Les agents anoxiants, pour leur part, provoqueront dans le cas d’une faible exposition une augmentation de la profondeur de la respiration, des étourdissements, des maux de tête et des nausées (Lachance, 2001: 16). Ces agents auront comme conséquence lors d’une exposition prolongée de provoquer un état d’hyper-ventillation, des convulsions et un arrêt cardiaque (Lachance, 2001: 16).
En cas d’exposition aux agents suffocants, on doit procéder le plus rapidement au maintien des fonctions vitales, s’il y a lieu, et à la décontamination du corps avec de l’eau. Dans le cas d’un oedème pulmonaire, on doit ventiler et oxygéner mécaniquement les victimes. Il est possible d’utiliser la N-acétylcystéine pour les personnes exposées au phosphène (Lachance, 2001: 16). Quant aux personnes exposées aux agents anoxiants, elles peuvent être traitées à l’aide de trousse d’antidote contre les cyanures (Nantel, 1998; Lachance, 2001: 16).
Tableau 2: Les agents chimiques pouvant servir à des fins terroristes
Agent | Symptômes | Décontamination | Persistance | |
Agents neurotoxiques | ||||
Tabun (GA) | Salivation Larmoiement Urination Défécation Problèmes intestinaux Vomissements |
Enlever les vêtements contaminés Laver la victime à l’eau savonneuse.Nettoyer les objets avec de l’eau et 5% de javellisant. |
1 à 2 jours si très concentré | |
Sarin (GB) | 1 à 2 jours, s’évapore avec de l’eau | |||
Soman (GD) | Modéré, 1 à 2 jours | |||
Agents V (VX) | Élevé, 1 semaine si forte concentration
Volatile comme de l’huile à moteur |
|||
Agents vésicants | ||||
Moutarde au soufre (H) | Irrite en premier la cellule et l’empoisonne. Conjonctivite, rougeurs sur la peau, ampoules, irritation nasale, inflammation de la gorge et des poumons.. | Enlever les vêtements contaminés Laver la victime à l’eau savonneuse.Arroser copieusement les objets avec un mélange d’eau et de javellisant à 5%. |
Très élevé, quelques jours à quelques semaines | |
Gaz moutarde | ||||
Moutarde d’azote (HN 1,3) | ||||
Modéré | ||||
Lewisite (L) | Douleur immédiate suivie de cloques | Quelques jours, hydrolisation rapide avec l’humidité | ||
Oxime de phosphène (CX) | Douleur immédiate suivie de nécroses, équivalent à une brûlure au second et troisième degré | Faible, deux heures sur le sol | ||
Agents asphyxiants et anoxiants | ||||
Cyanure d’hydrogène (AC) | Peau rouge cerise ou cyanose dans ≈ 30% des cas. La victime semble chercher de l’air. Paralysie précédant la mort. Effet similaire à l’asphyxie mais plus soudaine. | Enlever les vêtements contaminés. Laver la victime à l’eau savonneuse.
Arroser copieusement les objets avec un mélange d’eau et de javellisant à 5%. |
1 à 2 jours, très volatile | |
Chlorure de cyanogène (CK) | Dispersion et évaporation rapides | |||
Faible |
Source: Center for biological defense (2001). WMD Quick Reference Guide. University of South Florida.
3.2.4 Acquisition et dissémination des agents chimiques
Il existe plusieurs façons pour des terroristes d’acquérir des agents chimiques. Les attentats au sarin qui ont été perpétrés au Japon par la secte Aum Shinrikyo et la récente diffusion par le réseau CNN de films montrant des terroristes du réseau Al-Qaeda en train d’expérimenter des agents chimiques sur des chiens ont démontré que des terroristes pouvaient fabriquer eux-mêmes des agents chimiques. La secte aurait produit plusieurs agents tels que le sarin, le tabun et le VX. Pour y parvenir, elle avait recruté des diplômés universitaires en sciences et bénéficiait d’un financement important, qui lui permettait de se procurer l’équipement et les installations nécessaires à leur fabrication (Brackett, 1996). Les agents chimiques sont fabriqués à partir de certains précurseurs qui doivent être traités en laboratoire. Il est possible de fabriquer des agents chimiques comparables aux agents de guerre chimique en utilisant des précurseurs relativement simples, comme l’alcool isopropylique et le trichlorure de phosphore dans le cas du sarin (McGeorge, 1986: 59). À cet égard, la police japonaise avait saisi au quartier général de la secte, après l’attentat du métro de Tokyo, 500 barils de trichlorure de phosphore (Brackettt, 1996). Ces précurseurs sont plus faciles d’accès que les matières nucléaires et radioactives qui sont nécessaires la fabrication d’un engin explosif nucléaire.
Il n’est cependant pas nécessaire que les terroristes fabriquent eux-mêmes des agents chimiques. Les terroristes peuvent se procurer des produits chimiques chez des fournisseurs agricoles et industriels légitimes. Il existe des centaines de produits chimiques très toxiques qui peuvent être directement utilisés, notamment le parathion (un insecticide) et le cyanure, qui sont produits en grande quantité aux États-Unis (Cordesman, 2001: 2). Plusieurs de ces agents chimiques peuvent être achetés avec des restrictions minimales (Purver, 1995). Par ailleurs, les agents chimiques peuvent au même titre que les matières nucléaires faire l’objet d’un vol ou d’une transaction sur le marché noir. Les stocks d’agents chimiques sont considérables dans le monde. Des États complices avec certaines organisations terroristes qui sont dotés d’un programme de production d’agents chimiques pourraient fournir ces agents [36].
Les agents chimiques seraient, selon les experts, plus faciles à produire qu’à disséminer (Cordesman, 1998; Purver, 1995). Bien que ces agents puissent être très toxiques, ils s’avère difficile pour des terroristes de les disséminer efficacement. Il existe plusieurs moyens qui peuvent être employés à cette fin. Les attaques terroristes impliquant des agents chimiques ont démontré qu’il n’était pas nécessaire que des terroristes utilisent des moyens très sophistiqués pour parvenir à leur but. Un agent chimique peut simplement être placé dans un contenant et être ensuite ouvert afin que les vapeurs toxiques s’en échappent. La secte Aum Shinrikyo avait utilisé ce modus operandi lors de l’attaque au sarin dans le métro de Tokyo en 1995. Le sarin, sous une forme liquide, avait été placé dans des sacs de plastique dans différents wagons du métro et perforés à l’aide de la pointe d’un parapluie. Cette méthode de dissémination n’exigeait pas de grandes capacités techniques.Les individus chargés de percer les sacs devaient simplement s’assurer qu’aucun liquide toxique ne les éclabousse (Brackett, 1996).
Les agents chimiques présentent aussi un risque d’être utilisés sous forme d’aérosol ou de pulvérisateur. Un aérosol permet de projeter dans l’air des particules, sous forme liquide ou solide, suffisamment petites pour rester dans l’air et être inhalés par les poumons. On retrouve sur le marché divers générateurs d’aérosol et appareils pulvérisateur servant au domaine de l’agriculture, mais pouvant également être utilisés par des terroristes pour disséminer des agents chimiques et biologiques. Par exemple, un avion-pulvérisateur pourrait être utilisé, permettant de disséminer un agent en grande quantité et sur une large superficie. Des terroristes liés au réseau d’Oussama ben Laden établis aux États-Unis avaient montré un intérêt pour ce genre de dispositif. Le FBI avait trouvé lors d’une perquisition après les attentats du 11 septembre un guide sur la technique de pulvérisation par avion. La dissémination d’un aérosol peut aussi se faire avec un véhicule fumigène. La secte Aum Shinrikyo avait utilisé un véhicule similaire modifié pour disséminer dans l’air d’un quartier résidentiel en banlieue de Tokyo de la vapeur de sarin (Brackett, 1996). Parmi les agents chimiques, seul le sarin est suffisamment volatile pour être disséminé sous forme de vapeur (Purver, 1995).
D’autres méthodes permettent de disséminer des agents chimiques. Les terroristes peuvent utiliser des explosifs pour répandre dans l’air des particules toxiques. Les terroristes islamiques qui ont perpétré l’attentat contre le Word Trade Center en 1993 avaient utilisé un procédé similaire en joignant à un engin explosif du cyanure de sodium, qui s’était désintégré lors de l’explosion. La plupart les agents chimiques peuvent être incorporés à des armes explosives et thermogènes (Purver, 1995). Toutefois, cette méthode ne peut être la plus efficace puisque la plupart des agents chimiques sont sensibles aux températures élevées. Les agents chimiques peuvent aussi être dispersés pour contaminer une source d’approvisionnement d’eau. Pour y parvenir, une grande quantité d’un produit chimique devrait être déversée, qui risquerait de toute façon d’être éliminée par le processus de filtration et de purification (Purver, 1995). Soulignons également que plusieurs agents chimiques, tels que les dérivés des organophosphorés, ne peuvent être efficaces étant donné qu’ils s’hydrolysent dans l’eau (Purver, 1995).
Les agents chimiques présentent un plus grand risque s’ils sont disséminés dans des espaces fermés. À l’extérieur, l’efficacité des agents chimiques dépend des conditions ambiantes, qui sont difficiles à contrôler. Les espaces fermés les plus à risque sont tous ceux qui sont dotés d’un système d’approvisionnement en air, tels les immeubles publics, les stades à coupole et les réseaux de tunnels, où peuvent se trouver des milliers de personnes (Cordesman, 1998; Purver, 1995). L’attaque au sarin avait démonté la vulnérabilité de ces derniers à une dissémination d’agents chimiques.
3.2.5 Incidents terroristes impliquant des agents chimiques
Les agents chimiques ont fait l’objet de plusieurs menaces d’utilisation par certains groupes ou encore ont été effectivement utilisés par d’autres. On retrouve quelques cas de menaces relatés par Purver (1995) de contamination de produits alimentaires qui n’ont pas fait de victimes. Par exemple, le groupuscule Animal Liberation Front avait prétendu avoir contaminé en 1984 des friandises Mars avec un raticide pour protester contre la compagnie qui finançait la recherche sur les singes. Il s’agissait d’un canular qui avait forcé la compagnie à retirer du marché des millions de produits Mars. Une allégation similaire avait été faite par le groupuscule Animal Rights Militia en 1992. Il avait prétendu avoir injecté du liquide servant à nettoyer les fours dans les friandises Cold Buster se trouvant sur les rayons de magasins de l’Ouest du Canada pour protester contre l’utilisation d’animaux dans les recherches de la compagnie. Le distributeur des friandises Cold Buster avait immédiatement retiré dix milles friandises de quelque 250 points de vente. Le même groupuscule avait fait circuler une rumeur en 1994 prétendant que des dindes de Noël avaient été contaminées avec un raticide, pour protester contre l’abattage de dindes. Des milliers de dindes avaient été retirées du marché ou retournées par des consommateurs. D’autres cas de menaces d’utilisation d’agents chimiques sont survenus mais ne concernaient pas les produits de consommation. L’Alphabet Bomber avait en 1974 affirmé qu’il possédait des agents neurotoxiques d’origine domestique et qu’il s’apprêtait à tuer le Président des États-Unis. Seul un colis contenant une substance toxique avait été envoyé par l’individu à un juge de la Cour suprême, qui n’avait eu aucune conséquence. En 1992, des extrémistes de droite avaient également menacé de disséminer du cyanure d’hydrogène dans une synagogue en Allemagne.
Quelques incidents, également relatés par Purver (1995), impliquant l’utilisation effective d’agents chimiques sont néanmoins survenus. Un premier incident est la contamination au mercure, survenue à la fin des années 70, d’agrumes d’Israël par des terroristes palestiniens. Des agrumes contaminés avaient été retrouvés dans plusieurs pays d’Europe (Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Royaume-Uni). La contamination avait comme objectif de nuire à l’économie israélienne. Une douzaine d’individus avaient été intoxiqués par ces agrumes. En 1976, l’administration des Postes américaines avait saisi un colis suspect contenant une charge explosive destinée à faire exploser un contenant d’agent neurotoxique. Un groupe terroriste arabe avait été soupçonné d’être à l’origine. En 1992, le Parti des travailleurs kurdes avait déversé dans des réservoirs d’eau d’un camp de l’armée turque, à Istanbul, du cyanure de potassium. La présence de l’agent chimique avait été décelée à temps sans faire de victime. Un autre incident est survenu en 1994, à Dushande, au Tadjikistan. Une quinzaine d’individus (neuf militaires et six civils) étaient décédés après avoir bu du champagne contaminé au cyanure acheté près d’un camp militaire qui abritait les membres d’une force de maintien de la paix. Deux vendeurs de boissons avaient été arrêtés selon les autorités pour «avoir perpétré un geste terroriste prémédité contre des militaires russes».
Aucun de ces incidents liés aux agents chimiques ne visait à commettre un meurtre de masse. Ce n’est qu’avec les attaques de Matsumoto et du métro de Tokyo qu’un agent chimique (le sarin) a été produit et utilisé en vue d’un meurtre de masse. Il s’agissait d’un scénario qui avait été pendant longtemps envisagé par les experts du terrorisme et les services de renseignement.
3.2.6 Aum Shinrikyo et les attentats au sarin
La secte Aum Shinrikyo (Vérité Suprême) a entamé ses activités d’organisation religieuse en 1987. Son fondateur est Chizuo Matsumoto (alias Asahara Shoko), un ancien acupuncteur et instructeur de yoga qui prétendait être le seul à avoir atteint la vérité suprême. Au fil des années, la secte est une devenue une organisation comptant 10 000 membres et disposant de ressources financières importantes. En 1989, l’organisation avait tenté de se faire reconnaître par le gouvernement comme corporation religieuse, mais ne réussit pas en raison d’une série de plaintes adressées contre elle. Suite à une série d’actions en justice, la secte obtint finalement le statut de corporation religieuse. Mais cela ne mit pas fin aux plaintes dirigées contre l’organisation. En juillet 1989, Asahara mit sur pied le Parti de la vérité suprême en vue de faire élire des membres de l’organisation au parlement. Le but de cette action politique était, selon le dirigeant de la secte, de faire connaître les enseignements de l’organisation et d’offrir le salut à la population. Il s’agissait en réalité d’une campagne de relations publiques avec la population. Aucun des 25 candidats présentés à un scrutin tenu l’année suivante ne fut élu. Cet échec électoral a constitué une source de frustration pour l’organisation et fut l’un des éléments qui la conduisit à une radicalisation (Karmon, 1999). Aum croyait que l’échec à l’élection était le résultat d’un complot. Peu de temps après, le leader de la secte annonçait que l’organisation devait se préparer pour la fin du monde. Le dirigeant de la secte disait anticiper une attaque atomique, biologique ou chimique qui détruirait le Japon. En 1993, la secte créait son propre gouvernement en opposition au gouvernement japonais (comprenant 24 ministères et agences) et débutait son plan de fabrication de sarin (Reader, 1997: 81).
La secte Aum Shinrikyo a entrepris dès 1990 la production d’agents biologiques pathogènes. La secte avait tenté de les utiliser à quelques occasions, mais sans succès. La secte s’était alors tournée vers la production d’agents chimiques, dirigée par Masami Tsuchiya, docteur en physique organique et en chimie. Disposant de sommes importantes, la secte avait mis sur pied un laboratoire (d’une valeur estimée à un million de dollars), très sophistiqué, permettant de produire des agents chimiques tels le tabun, le VX et le sarin (Brackett, 1996: 115). La production d’agents chimiques par la secte débuta en 1992. Les premiers tests de l’agent chimique avaient été conduits sur des moutons, sur une propriété de la secte située en Australie, avant d’être expérimenté sur des citoyens de Tokyo.
3.2.7 L’attentat de Matsumoto
Au printemps 1994, Aum Shinrikyo avait tenté une première attaque au sarin contre le leader de l’organisation bouddhiste Soka Gakkai. La secte avait utilisé un véhicule modifié pour disséminer le sarin et l’avait stationné près de l’immeuble où sa cible prenait la parole. L’attaque fut un échec en raison d’un disfonctionnement du dispositif de dissémination. Celui-ci, au lieu d’éjecter la vapeur toxique vers l’immeuble, s’enflamma et la fit pénétrer à l’intérieur du véhicule (Brackett, 1996: 29) [37].
L’attaque de Matsumoto constitua un second test pour la secte dans l’emploi du sarin. Mentionnons qu’au cours de l’année 1994, Aum Shinrikyo avait été impliqué dans un litige concernant un terrain que la secte désirait acquérir près de Mastumoto. Sachant que le terrain allait tomber dans les mains de la secte et que celle-ci y établirait un de ses bureaux, le propriétaire avait entrepris une poursuite au civil contre l’organisation. Le litige avait été devant les tribunaux pendant plusieurs mois. Les juges impliqués dans le dossier devaient rendre leur décision en juillet. Craignant une décision défavorable, Asahara avait ordonné l’exécution d’une attaque au sarin contre les juges pour éviter qu’ils ne se prononcent pas sur le litige (Brackett, 1996: 28). L’attaque devait servir du même coup à tester la dernière quantité de sarin produit par le «ministère des sciences et technologies» de la secte et de tester à nouveau le véhicule fumigène. Les scientifiques de la secte avaient mis au point un dispositif de dissémination contrôlé par ordinateur, comprenant trois réservoirs de sarin, un appareil de chauffage et un ventilateur permettant de disperser l’agent chimique (Brackett, 1996: 30).
Le 27 juin 1994, le commando s’était arrêté sur la route pour acheter des vêtements de travail pour se déguiser et modifier avec de la peinture les plaques d’immatriculation de leurs véhicules. Il semble que c’est cet arrêt sur la route qui aurait sauvé la vie des juges. Le commando avait stationné à 17 h le véhicule à proximité du palais de justice, situé au cœur du centre-ville de Matsumoto, en vue de disséminer le sarin vers l’entrée de l’immeuble. Mais les juges avaient déjà quitté l’édifice pour se rendre à leur résidence. Le commando connaissait l’endroit où habitaient les juges. Il avait alors décidé de lancer l’attaque à proximité du lieu de résidence des juges, une banlieue tranquille de Kita Fukashi.
Le commando stationna le véhicule fumigène dans un stationnent d’un supermarché à proximité des appartements des juges. Avant de disséminer le sarin, les six membres du commando s’étaient injectés de l’atropine et avaient mis des masques respiratoires. Le dispositif de dissémination avait ensuite été actionné. Comme prévu, le dispositif avait transformé le sarin en une vapeur toxique, dirigée vers les appartements des juges, situé quelque trente pieds plus loin (Brackett, 1996: 33). Avant d’activer le dispositif, le commando n’avait cependant pas évalué les conditions météorologiques. L’efficacité du sarin, comme on l’a vu précédemment, dépend de la température et particulièrement du facteur éolien. Au lieu de se diriger précisément sur les résidences des juges, la plus grande quantité de vapeur toxique s’était dirigée dans une direction opposée.
Le sarin fut disséminé pendant 20 minutes. Le sarin utilisé était composé en partie d’alcool isopropyl, qui donnait une couleur bleu cobalt au sarin (Brackett, 1996: 33. Une quantité supérieure à celle requise avait été utilisée, créant ainsi du fluoride d’hydrogène. En entrant en contact avec l’air chaud, la mixture avait créé instantanément un nuage de vapeur blanche autour du véhicule fumigène. Cette situation imprévue avait alors obligé le commando à quitter les lieux à toute vitesse, craignant d’être intoxiqué et repéré à cause de la vapeur (Brackett, 1996: 34). Quelques minutes suffirent pour que les effets de la vapeur toxique se fassent sentir dans un rayon de 500 mètres. Malgré le vent qui soufflait dans la mauvaise direction, les trois juges furent incommodés par la vapeur, dont un intoxiqué sérieusement. La majorité des individus incommodés par le sarin étaient les locataires des immeubles d’habitation près du lieu de résidence des juges. Le bilan de l’attaque fut de 7 morts et 20 blessés (Brackett, 1996: 37). Les personnes sérieusement incommodées ou mortes intoxiquées par la vapeur furent celles dont les logements avaient des portes ou des fenêtres ouvertes, ou qui étaient dotés d’un système d’air climatisé. Plusieurs résidents souffrirent de convulsions musculaires, de maux de tête violents et de vomissements. L’attaque entraîna le traitement de plus de 500 personnes et l’hospitalisation de 59 d’entre elles (Brackett, 1996: 38). Mais ce ne fut que quelques jours plus tard que des tests en laboratoire permirent d’identifier formellement l’agent toxique comme du sarin. Ils permirent également de constater qu’il s’agissait de sarin d’une pureté exceptionnelle.
3.2.8 L’attaque du métro de Tokyo
Le second attentat au sarin fut perpétrée par la secte dans le métro de Tokyo le matin du 20 mars 1995. Cette attaque aurait été perpétrée pour empêcher un raid imminent de la police japonaise dans les installations de la secte.
L’opération fut menée par cinq équipes composées chacune de deux personnes. Dans chaque équipe, une personne devait pénétrer dans le métro avec le sarin et l’autre devait attendre à l’extérieur de la station de métro dans une voiture. Pour ce faire, le sarin avait été placé dans des sacs de plastique scellés, qui étaient recouverts d’un autre sac de plastique pour empêcher toute fuite accidentelle (une quantité minime au contact de la peau est fatale) . Au total, 11 sacs de sarin ont été préparés contenant chacun 20 onces de liquide toxique (Brackett, 1996: 126). Les membres de la secte devaient transporter chacun deux sacs de sarin, à part un qui devait en transporter trois (Brackett, 1996: 127). Les sacs de sarin étaient dissimulés par ceux qui les transportaient à l’aide d’un journal.
L’attaque au sarin se déroula simultanément sur trois lignes du métro de Tokyo: les stations Hibya, Marunouchi et Chyoda. Ces lignes convergent vers la station de Kasumigaseki, qui est située à proximité de plusieurs agences gouvernementales et du quartier général de la police nationale. Le modus operandi était relativement simple. Les sacs de sarin furent déposés sur le sol à l’intérieur du wagon et perforés à l’aide de l’extrémité d’un parapluie. Placé à l’intérieur de wagons, les sacs de sarin une fois percés permettaient à l’ouverture des portes des wagons de laisser échapper la vapeur neurotoxique dans toute la station.
Le sarin se répandit rapidement dans l’air des stations de métro. Bon nombre d’usagers avaient constaté la présence d’une odeur inhabituelle dans l’air. Bon nombre avaient les yeux qui piquaient, d’autres avaient la nausée. Les pires cas furent ceux des personnes qui se trouvaient aux stations Tsukiji, Kasumigaseki, Kamiyacho et Kodenmacho, près de l’endroit où les sacs de sarin avaient été percés (Brackett, 1996: 135). À la station Kamiyacho, plusieurs individus furent affectés par une violente toux, des convulsions, sans compter ceux qui étaient inconscients sur le quai d’embarquement. Le plus grand nombre d’usagers qui avaient utilisé les trois lignes visées par l’attaque s’étaient tout de même rendu au travail, les premiers symptômes n’apparaissant que plus tard.
Malgré l’odeur étrange présente dans les wagons et les nombreux usagers affectés physiquement par la vapeur, il n’y eut aucun mouvement de panique. Les usagers ignoraient qu’il s’agissait d’une attaque terroriste. Une évacuation des stations de métro suivit. Le premier appel d’urgence avait été reçu à 8 h 09 par les services des incendies de Tokyo, soit 9 minutes après le début de l’attaque. En tout, 131 ambulances et 1 364 techniciens d’urgence furent dépêchés sur les lieux (WHO, 2001).
Bilan des victimes de cette attaque: 12 morts, 54 personnes blessées gravement et environ 980 personnes blessées modérément et légèrement [38]. L’attaque aurait pu faire des milliers de morts si le liquide toxique avait été répandu sur les planchers directement ou encore disséminé pendant un chaud après-midi, favorisant une évaporation plus rapide du liquide toxique. Le nombre de morts aurait aussi pu être supérieur si le sarin avait été plus concentré. La production précipitée du sarin avait entraîné la formation d’impuretés dans le liquide toxique, réduisant sa pureté à 30 % (Brackett, 1996: 125).
Le jour de l’attaque, 641 personnes intoxiquées furent admises au St. Luke’s International Hospital, situé à proximité de la scène de l’attentat. Ohbu (1997: 531) fournit une bonne descritption de la situation. Les victimes qui étaient dans un état critique souffraient de convulsions généralisées, d’arrêts cardio-pulmonaires. Plusieurs étaient inanimées. Les victimes atteintes modérément (dont quatre femmes enceintes) souffraient, pour leur part, de vomissements, de difficultés respiratoires, de douleurs musculaires et de maux de têtes sévères. Parmi celles-ci, 106 furent gardées sous observation pour la nuit. Quant aux personnes légèrement blessées, la majorité souffrait de problèmes ophtalmologiques et d’étourdissement. Elles purent repartir après six heures d’observation. La grande majorité des victimes de l’attaque purent quitter l’hôpital le cinquième jour. Soulignons que le personnel de l’hôpital fut aussi incommodé par une contamination secondaire (maux de tête, nausée, etc.) Au moment où les victimes de l’attaque furent amenées à l’hôpital, les autorités médicales n’avaient aucune information indiquant que l’incident avait été causé par une vapeur toxique. Les autorités médicales avaient été mal informées à propos d’une explosion de gaz qui aurait causé un empoisonnement au monoxyde de carbone. Ce ne fut qu’avec une déclaration officielle de la police présentée à la télévision, environ trois heures après l’incident, que les autorités médicales surent qu’il s’agissait du sarin (WHO, 2001). Dans de telles circonstances, la décontamination des victimes n’avait pu être entreprise.
3.3 Agents biologiques
Les agents biologiques ont, comme les agents chimiques, d’abord été utilisés à des fins militaires. Au Moyen-Age, des rats ou des cadavres infectés de la peste étaient catapultés dans les villes assiégés. En 1763, l’armée anglaise avait utilisé des couvertures infectées par la variole pour mettre un frein à la rébellion amérindienne de Fort Pitt. Lors de la Deuxième guerre mondiale, les Japonais avaient expérimenté le charbon contre des prisonniers de guerre chinois et l’avait utilisé en Chine centrale. Après cette guerre, l’Angleterre et les États-Unis avaient entrepris des essais du charbon dans l’île de Guinard en Écosse. Aujourd’hui, plusieurs pays sont suspectés d’avoir des armes biologiques dans leur arsenal, malgré l’interdiction dont elles sont l’objet.
Les agents biologiques sont aussi susceptibles d’être utilisés comme armes par les terroristes. Plusieurs incidents liés à ces agents, qui seront présentés plus loin, ont démontré que les terroristes avaient un intérêt pour ces agents. Bien sûr, leur probabilité d’utilisation et discutable. Bon nombre d’entre eux sont considérés comme des armes potentielles en raison de leur capacité à être utilisés sous forme d’aérosol. Nous dressons dans cette section un aperçu des principaux agents biologiques pathogènes qui constituent, selon la littérature, un risque spécifique pour la santé publique en raison du risque infectieux qu’ils présentent. Ces agents sont classés dans les catégories suivantes: agents bactériens, agents viraux et toxines biologiques.
3.3.1 Agents bactériens
Les agents bactériens sont définis par Lachance (2001: 3) comme des «micro-organismes unicellulaires qui ont la capacité de se reproduire et de survivre dans l’environnement (eau, air, sol) et affecter les être humains». Les principaux agents bactériens susceptibles de causer une infection grave, sinon la mort, sont: le charbon (anthrax), la peste, la tularémie et la fièvre Q. Parmi ceux-ci, le charbon est considéré par les experts comme l’agent bactérien le plus dangereux.
Le charbon est une maladie bactérienne qui se contracte le plus souvent accidentellement par un contact cutané avec des animaux infectés (du bétail en particulier) ou des produits d’origine animale. La bactérie pathogène à l’origine de la maladie est le bacille charbonneux. La contamination se fait par des spores du bacille, qui constituent la forme persistante de la bactérie dans l’environnement. Au contact avec la peau, les spores pénètrent dans la peau et entraînent la formation de pustules (Association médicale canadienne, 1998). La rupture des pustules laisse échapper un liquide noirâtre. Les lésions créées par les spores ne sont apparemment pas douloureuses et peuvent guérir rapidement avec l’administration de pénicilline. La contraction de la maladie peut aussi se faire par inhalation de spores dispersées en aérosol. Cette forme pulmonaire de la maladie du charbon est plus rare, mais est beaucoup plus grave. C’est sous forme inhalée que la bactérie charbonneuse est le plus redoutée en cas d’attaque terroriste (Sitruk, 2001). Aum Shinrikyo avait déjà tenté d’aérosoliser des spores, mais sans succès. Les spores du bacille charbonneux se mettent à germer dès qu’elles pénètrent dans l’organisme et sont en contact avec le sang et les tissus (Sitruk, 2001). La sporulation entraîne l’apparition rapide de la maladie et un risque de décès très élevé. À preuve, un accident survenu en 1979 à Sverdlovsk, en Russie, dans une usine d’armes biologiques, avait cuasé 96 cas d’inhalation de spores, dont 64 personnes qui en étaient décédées (Meselson, et Guillemin, 1994).
Les symptômes d’une contamination à la bactérie charbonneuse par voie cutanée prennent d’un à six jours avant d’apparaître. Par voie aérogène (aérosol), les symptômes prennent d’une à six semaines avant de se manifester. Une incubation allant au-delà de six semaines est attribuable au fait que les spores sont dans un état dormant dans les poumons et qu’elles n’ont pas encore entamé leur germination (WHO, 2001: 7). Les effets cliniques d’une contamination par voie aérogène apparaissent en deux temps. Les premiers effets qui apparaissent s’apparentent à ceux de la grippe (maux de tête, toux, frissons, fatigues, vomissements, inconfort au niveau du thorax). Une détérioration rapide peut survenir entraînant une fièvre intense, une grave difficulté respiratoire et une hémorragie qui touche les poumons et la plèvre (Association canadienne médicale, 1998). Les personnes qui entrent dans la seconde phase meurent généralement (95 %) en quelques heures (Sitruk, 2001). Il existe un traitement à l’aide d’antibiotiques (ciprofloxacin et de doxycycline). Le traitement doit être administré au maximum dans les 48 heures suivant l’inhalation des spores. On suggère également d’administrer ces antibiotiques aux personnes qu’on croit avoir été exposées aux spores afin de prévenir l’appariation de la maladie (Cieslak et Eitzen, 1999).
L’utilisation des autres agents bactériens (peste, choléra, tularémies, fièvre Q) comme arme terroriste est plus hypothétique, mais est tout de même évoquée par les experts du terrorisme. La peste est une maladie infectieuse causée par la bactérie de Yersin. Cette bactérie peut être transmise à l’homme par la piqûre de tiques de rongeurs pesteux. Il s’agit d’une bactérie très virulente pour l’homme. Elle est à l’origine de deux formes de la maladie: la forme bubonique et la forme pneumonique. La forme bubonique est la plus courante (85 %). La forme pneumonique, pour sa part, représente environ 2 % des cas. Elle résulte d’une exposition des voies respiratoires à la bactérie de Yersin par l’intermédiaire d’expectorations émanées par un malade atteint de la forme pulmonaire de la maladie. Elle pourrait également résulter d’une dissémination de la bactérie dans l’environnement par des terroristes.
Les effets cliniques de la maladie dépendent de la forme que celle-ci prend. S’il s’agit de la forme bubonique, les principaux symptômes, qui apparaissent entre un à six jours, seront l’apparition de bubons à différentes parties du corps (aine, cou, aisselles), d’une poussée de fièvre et de malaises. Les personnes infectées qui ne sont pas traitées ont 60 % de chances de mourir (Lachance, 2001: 5). Quant à la forme pneumonique, les symptômes, qui apparaissent suite à une période d’incubation de deux à trois jours, sont multiples: frissons, forte fièvre, forte toux, expectorations sanglantes, dyspnée et cyanose. La forme pneumonique peut être mortelle en l’absence d’un traitement précoce. Il est possible de traiter les personnes atteintes par des antibiotiques qui doivent être administrés dans les 24 heures après l’apparition des premiers symptômes. La streptomycine en assure le traitement dans la plupart des cas. Les personnes infectées risquent dans 100 % des cas de mourir par un arrêt respiratoire si elles ne sont pas traitées (Lachance, 2001: 5; Pike, 1998).
Le choléra est une maladie infectieuse à caractère épidémique causée par le vibrion cholérique. Cette bactérie «se fixe aux tissus du petit intestin, causant une sursécrétion de liquide qui a pour effet d’entraver la capacité du gros intestin à absorber les liquides» (Lachance, 2001: 4). La bactérie est transmise essentiellement par l’eau. À des fins de terrorisme, elle devrait être utilisée en grande quantité pour contaminer des réserves d’eau et provoquer la maladie (Pike, 1998). Elle ne présente pas de risque sérieux d’être utilisé par aérosol. La bactérie fait apparaître des symptômes entre 12 à 72 heures. La majorité des individus frappés par la bactérie ne tombent pas malade. Pour d’autres, la bactérie va provoquer des vomissements, des crampes intestinales, des maux de tête une diarrhée grave. La maladie doit être traitée aux antibiotiques (tétracycline), sans quoi elle entraîne la mort. Presque tous les malades atteints de choléra peuvent être sauvés par une réhydratation précoce, et seulement 1 % en décède (Lachance, 2001: 5).
La tularémie est un autre agent biologique potentiel pouvant servir d’arme. Cet agent à déjà fait partie de l’arsenal biologique américain. Il s’agit d’une maladie infectieuse et contagieuse causée par le bacille Francisella tularensis. Comme la peste, il s’agit d’une maladie épidémique d’origine animale, qui est transmissible à l’homme accidentellement à l’occasion de contacts avec des animaux sauvages infectés (le lièvre principalement) et aussi des piqûres de tiques. Elle peut être transmissible par voie cutanée, par ingestion ou inhalation de particules contaminées. La bactérie se transmet facilement par inhalation et aérosol, d’où son intérêt éventuel pour les terroristes (WHO, 2001: 16). Par inhalation, la bactérie crée une forme pulmonaire de la maladie. La bactérie ne peut cependant être transmissible d’une personne à l’autre. La période d’incubation est de 1 à 14 jours. Les symptômes d’une exposition sont une toux sèche, de la fièvre, une pneumonie, une enflure des ganglions lymphatiques. Les personnes affectées peuvent être traitées avec des antibiotiques (tétracycline). Près de 30 % des personnes qui en sont affectés en meurent, si la maladie est diagnostiquée tardivement ( Burke, 2000: 90).
La fièvre Q (coxiellos) peut également constituer une arme du bioterrorisme. Elle a aussi été une arme faisant parti de l’arsenal d’armes biologiques des États-Unis avant son démantèlement. La fièvre Q est une maladie infectieuse causée par la bactérie rickettsia burnetii. La bactérie est principalement transmise par certains animaux (bovins, moutons) ou au contact de produits d’origine animale (cuir, laine) et de poussières virulentes. La transmission de la bactérie se fait surtout par voie respiratoire. Pour être utilisées comme arme terroriste, les matières infectées doivent être aérosolisées (Burke, 2000: 93; Lanchance, 2001: 5). La période d’incubation de la maladie est de 10 à 20 jours. La maladie se présente sous une forme de forte grippe (fièvre avec des frissons, une transpiration abondante et des maux de tête). Environ 50 % des personnes qui en sont atteintes développeront une pneumonie. La mortalité due à la bactérie est faible. Seulement de 1 à 3 % des gens infectés mourront suite à une infection. Pour cette raison, la fièvre Q est plus susceptible d’être utilisée comme un agent incapacitant (Pike, 1998). Pour traiter la fièvre Q, on utilise souvent la tétracycline comme antibiotique.
3.3.2 Agents viraux
Les agents viraux sont aussi des micro-organismes. À la différence des agents bactériens, qui sont des micro-organismes capables de se reproduire et de survivre dans l’environnement, les agents viraux sont des virus «plus petits que les bactéries et ne peuvent se reproduire qu’à l’intérieur d’une cellule qu’ils parasitent» (Lachance, 2001: 3). Les principaux agents viraux susceptibles de constituer une arme pour des terroristes sont: la vérole, les fièvres hémorragiques et l’encéphalopathie équine.
Le virus de la variole constitue le deuxième agent biologique le plus dangereux après le charbon. Le virus de la variole peut être transmis d’une personne à l’autre, principalement par voie aérogène (Henderson, 1999: 2129). Malgré l’éradication du virus de la variole survenue au début des années 80 par un recours massif à la vaccination, la variole présenterait un sérieux risque pour la santé publique si elleétait utilisée par des terroristes. L’exposition d’une population à ce virus serait catastrophique [39] . Le virus de la variole est très stable en aérosol et la dose infectieuse est minime (Henderson, 1999: 2128). De plus, la variole comme arme biologique représente une menace en raison de son taux de létalité. La variole pose un problème par la rapidité avec laquelle elle peut se répandre dans la population et sa période de contagion. Une dissémination clandestine du virus par aérosol à un petit groupe d’individus (50 à 100 personnes) risquerait de se répandre à une population beaucoup plus large, en raison du temps nécessaire au diagnostic des premiers cas de la maladie, qui est d’environ deux semaines en raison de sa période d’incubation (Henderson, 1999: 2132).
La période d’incubation du virus est de 12 à 14 jours après une exposition. L’infection débute avec l’implantation du virus dans l’oropharynx ou la muqueuse respiratoire. Après la période d’incubation, le virus fait apparaître chez la personne infectée une fièvre élevée, des malaises et des maux de tête. Il s’agit de la phase pré-éruptive qui dure entre deux à trois jours. Suivant cette phase, le virus se manifeste par une éruption de vésicules sur diverses parties du corps (visage, bras, pharynx, membres inférieures), qui se transformeront en pustules (Lévy-Bruhl et Guérin, 2001: 2; Henderson, 1999: 2129). Le seul traitement contre la variole est la vaccination et l’isolement. La vaccination qui suit l’exposition ou qui est faite à l’intérieur d’une période de deux à trois jours suivant l’exposition offre une protection presque complète contre la maladie (Henderson, 1998). Les risques qu’une personne infectée meure après avoir été vaccinée est de 3 %, alors que 30 % des personnes non vaccinés sont condamnées (Lachance, 2001: 8).
Les agents des fièvres hémorragiques constituent des virus très pathogènes, principalement les virus de la fièvre jaune et le virus de la fièvre d’Ebola. Ces virus, en particulier l’Ebola, sont très virulents mais leur capacité d’être utilisée à des fins terroristes est aussi hypothétique (Pike, 1998). Ces virus n’ont jamais été utilisés comme arme biologique. Leur possibilité de dissémination par aérosol en fait néanmoins des armes biologiques potentielles. D’ailleurs, Aum Shinrikyo avait déjà tenté de se procurer un échantillon du virus d’Ebola en Afrique (Olson, 1999). Ces virus causent principalement des saignements internes incontrôlables. Le virus de la fièvre jaune est transmit par une piqûre de moustique, alors que le virus de l’Ebola est transmis par contact direct d’une personne. Les symptômes de ces virus prennent entre trois à dix jours avant d’apparaître. Les personnes exposées auront de la fièvre, des saignements cutanés et aux muqueuses. Dans la plupart des cas, il peut survenir un encombrement pulmonaire et la mort (Lachance, 2001: 9). Parmi ces virus l’Ebola est très létal. Entre 50 et 90 % des personnes infectées en meurent.
Un dernier virus pouvant être utilisé à des fins de terrorisme est l’encéphalomyélite équine. Ce virus pathogène a été dans le passé utilisé dans le cadre du programme d’armes biologique américain. Il s’agit d’un virus qui est à l’origine d’une maladie inflammatoire chez les équidés (chevaux, ânes, mules). Le virus provient d’oiseaux et de rongeurs et peut se trouver dans les œufs de moustiques adultes contaminés. Le virus peut se transmettre par voie aérogène (aérosol) et par une piqûre d’un moustique infecté. Il affecte spécifiquement les méninges et le cerveau (Lachance, 2001: 7). La période d’incubation du virus chez une personne infectée est de un à cinq jours. Chez la plupart des personnes atteintes, le virus crée une faiblesse généralisée et des maux de tête. Les infections graves au virus se caractérisent par l’apparition d’une forte fièvre, de maux de tête violents, de vomissements, de convulsions et d’une paralysie (Lachance, 2001: 7). Le virus est rarement fatal (moins de 1 %), et seule une faible proportion des personnes infectées développeront des encéphalites. Néanmoins, 100 % des personnes exposés contracteront la maladie. Pour cette raison, on considère cet agent pathogène plus comme un agent incapacitant (Burke, 1998: 101; Pike, 1998). Il n’existe pas de traitement spécifique pour ce virus.
3.3.3 Toxines biologiques
Les toxines biologiques sont des substances toxiques qui proviennent d’un organisme vivant (animaux, plantes, bactéries). Elles sont considérées plus toxiques que la plupart des produits chimiques industriels (Lachance, 2001: 3). Les principales toxines biologiques qui peuvent être utilisées comme armes biologiques sont: la toxine botulinique, la toxine ricine et l’enterotoxine B.
La toxine botulinique est l’un des plus puissants poisons connus. Elle a été intégrée à plusieurs programmes d’armes biologiques de divers pays (Japon, ex-Union soviétique, Irak, etc.). Aum Shinrikyo avait déjà tenté d’utiliser à quelques reprises la toxine en la disséminant en aérosol, mais sans succès (Arnon, 2001). La toxine est secrétée par la bactérie Clostridium botulinum et est à l’origine du botulisme, une infection grave. Elle est présente dans le sol et le sable ainsi que dans l’organisme de plusieurs animaux. Le plus souvent, l’infection résulte d’une consommation d’un aliment en conserve contaminé par la toxine. La toxine peut être ingérée ou inhalé par voie aérogène (aérosol). L’infection se manifeste rapidement, selon la quantité de toxine ingérée par la personne. Le plus souvent, les symptômes d’une intoxication apparaissent dans les 12 à 72 heures qui suivent. La toxine botulinique a comme effet principal de bloquer la transmission entre les neurones et les muscles, créant ainsi une paralysie. Les premiers symptômes d’une intoxication sont des troubles de la vue, une sécheresse de la bouche et une difficulté à avaler. Une contamination plus grave peut provoquer un changement du timbre de la voix causé par une paralysie des cordes vocales et un arrêt-cardio-respiratoire. Les personnes gravement intoxiquées peuvent être traitées avec un antitoxine (Lachance, 2001: 9).
La toxine ricine est aussi l’une des substances toxiques les plus violentes qui soient. Les services secrets bulgares l’avaient utilisé pour assassiner un dissident exilé en Angleterre en 1978. Elle est extraite de la graine de ricin, une plante d’allure arbustive cultivée sans restriction. La toxine se trouve en forte concentration dans la capsule des graines. L’intoxication à la toxine ricine peut se faire par injection, par ingestion de produits alimentaires contaminés et par dispersion sous forme d’aérosol de ricine liquide ou lyophilisée. La toxine ricine a comme effet lorsqu’elle est ingérée de provoquer des produits gastro-intestinaux sévères (diarrhée, vomissement, coliques), une déshydratation et un état de choc suivant une perte massive de liquide organique, et un décès. Par voie aérogène (aérosol), elle crée des lésions à l’appareil respiratoire menant progressivement à un oedème pulmonaire et à une grave détresse respiratoire (Burke, 2000: 112). Il n’existe pas d’antidote spécifique.
Quant à l’entérotoxine B, elle est secrétée dans l’organisme par la bactérie du staphylocoque doré. Cette toxine est une source fréquente d’empoisonnement alimentaire. La contamination peut se faire par l’ingestion d’aliments contaminés. Elle peut également pénétrer par voie respiratoire suivant une aérosolisation, d’où son intérêt possible pour des terroristes (Burke, 2000: 110; Pike, 1998). Bien qu’elle peut causer la mort, l’entéroxtine B est considérée comme une arme biologique potentielle dû à son potentiel à incapaciter un très grand nombre de personnes simultanément. Les symptômes qui sont dus à une intoxication varient selon le mode d’exposition. Si ingérée, la toxine provoque des vomissements et la diarrhée. Suivant une exposition à un aérosol, les symptômes sont des problèmes gastro-intestinaux (coliques, vomissements, diarrhée) qui apparaissent de trois à douze heures suivant une exposition. En cas d’une exposition sévère à la toxine, la personne est en proie à une détresse respiratoire grave, un syndrome de choc toxique et peut décéder (Lachance, 2001: 9). Il n’existe pas de vaccin ni d’antidote spécifique à cette toxine.
Tableau 3: Les agents biologiques pouvant servir à des fins terroristes
Agent | Incubation | Létalité | Persistance | Dissémination |
Agents bactériens | ||||
Charbon | 1–5 jours | 3–5 jours fatale | Très stable | Aérosol |
Peste | 1–3 jours | 1–6 jours fatale | Extrêmement stable | Aérosol, vecteur |
Choléra | 12 heures–6 jours | Faible avec traitement Élevée sans traitement |
Instable Stable en eau salée |
Aérosol Contamination d’eau |
Tularémie | 1–10 jours | 2 semaines modérée | Très stable | Aérosol |
Fièvre Q | 14–26 jours | Semaines? | Stable | Aérosol, sabotage |
Agents viraux | ||||
Variole | 10–12 jours | Élevée | Très stable | Aérosol |
Fièvres hémorragiques | 4-21 jours | Élevée | Instable | Aérosol,
contact direct |
Encéphalopathie équine | 1–6 jours | Faible | Instable | Aérosol, vecteur |
Ebola | 4–6 jours | 7–16 jours | Instable | Aérosol, contact direct |
Toxines biologiques | ||||
Toxine botulinique | Heures à jours | Élevée sans traitement | Stable | Aérosol Sabotage |
Enterotoxine B | 1–6 jours | Faible | Stable | Aérosol Sabotage |
Toxine ricine | Heures à jours | 10–12 jours | Stable | Aérosol Sabotage |
Source: Center for biological defense (2001). WMD Quick Reference Guide. University of South Florida.
3.3.4 Acquisition et dissémination des agents biologiques
Plusieurs agents biologiques peuvent donc être utilisés par des terroristes. Encore faut-il que ceux-ci les acquièrent et réussissent à les disséminer. Il existe diverses façons par lesquelles ils peuvent les acquérir. La première façon est de les produire en obtenant des souches de bactéries. Plusieurs agents pathogènes sont présents à l’état endémique. Des souches de ces agents peuvent être prélevées et isolées à partir de sources naturelles (Purver, 1995; Pearson, 1998). La bactérie à l’origine du charbon est présente à un état endémique dans plusieurs régions du monde et pourrait être prélevée, par exemple, d’une carcasse animale infectée. Les toxines, pour leur part, ne peuvent être obtenues de cette façon. Elles doivent être produites par un processus de synthèse chimique, puisqu’elles ne sont pas des micro-organismes vivants mais plutôt des dérivés (Pearson, 1998).
La façon la plus rapide pour des terroristes d’obtenir des souches virales ou bactériennes est de les voler de laboratoires de recherche, qui sont relativement faciles d’accès (Purver, 1995). Mais certaines souches sont quasi inaccessibles, comme celles du virus de la variole. Seuls deux instituts de recherche possèdent le virus de la variole, l’un situé à Atlanta et l’autre à Novossibirsk, en Russie. Une autre façon rapide d’obtenir ces souches est par l’intermédiaire de fournisseurs légalement autorisés à fournir des pathogènes à des établissements de recherche. Des spécimens de cultures virales et bactériennes pouvaient être obtenus jusqu’à récemment, par exemple, à l’American Type Culture Collective (ATCC) de Rockville au Maryland. Pour obtenir des spécimens de cultures, il suffisait de prouver que la commande provenait d’un chercheur d’un laboratoire certifié (Purver, 1995). C’est ce que L. Wayne, membre du groupuscule néo-nazi Aryan Nations, avait tenté de faire dans l’Ohio en commandant par la poste, sous le couvert d’un faux laboratoire de recherche, des souches de la peste bubonique, au coût de 240 $ (South Poverty Center, 1997). Lors de son arrestation, l’individu prétendit avoir acheté ces souches pour réaliser des expériences pour la rédaction d’un manuel sur les agents de guerre biologiques. Deux Canadiens avaient aussi tenté en 1984 d’obtenir des souches pathogènes par l’entremise de la même compagnie. En se faisant passer pour des microbiologistes de l’entreprise ICM Science, ils avaient placer une commande téléphonique à l’ATCC pour obtenir de la toxine botulinique. Ils avaient été arrêtés par le FBI lorsqu’ils prirent possession de la fausse toxine (Purver, 1995).
La production d’agents biologiques n’est cependant pas si facile qu’on puisse le croire. Elle nécessite des connaissances en microbiologie, des connaissances techniques sur la culture des agents pathogènes et leur manipulation, ainsi qu’un accès à des outils de production, qui ne sont pas à la portée de la plupart des organisations terroristes (Cordesman, 2002). La seule organisation terroriste ayant réussi à produire des agents biologiques en quantité suffisamment grande pour réaliser un meurtre de masse est la secte Aum Shinrikyo. Pour arriver à produire la bactérie charbonneuse et la toxine botulinique, la secte avait consacré des sommes importantes à la mise sur pied d’un laboratoire et avait recruté des individus diplômés en microbiologie disposant des connaissances techniques et scientifiques nécessaires à leur production. Autrement, les terroristes peuvent tenter d’obtenir directement les agents biologiques grâce à une aide extérieure. Plusieurs gouvernements qui ont soutenu des groupes terroristes possèdent des stocks d’armes biologiques.
Selon les experts, la dissémination des agents biologiques poserait plus de problème que leur acquisition. À titre d’exemple, la secte Aum Shinrikyo a réussi à produire la bactérie charbonneuse et la toxine botulinique, mais sans être capable de les disséminer de façon à ce qu’elles aient un effet quelconque sur la santé de la population. Il existe diverses méthodes permettant de disséminer des agents biologiques. Les méthodes les plus fréquentes que l’on cite dans la littérature sont: la contamination de réserves d’eau et d’aliments, la dispersion à l’aide d’engins explosifs, la dissémniation par des matières inertes (colis, enveloppes) et la dissémination par aérosol, dans un milieu ouvert ou fermé (Purver, 1995).
La contamination de réserves d’eau est difficile à réaliser avec des agents biologiques, tout comme celle impliquant des agents chimiques. Le processus de purification d’eau est conçu pour enlever les impuretés dans l’eau, dont les pathogènes. La contamination d’aliments à l’aide d’agents biologiques est plus probable. La secte Rajneesh avait employé avec succès cette méthode en 1984 contre les habitants d’une localité de l’Oregon aux États-Unis en contaminant les buffets de plusieurs restaurants avec l’agent de la typhoïde. Quant à la dissémination d’agents biologiques avec des engins explosifs, elle est selon les experts difficile à réaliser puisque la détonation produit une chaleur et un choc qui sont susceptibles de tuer les micro-organismes (Pearson, 1998).
La dissémination par matières inertes et par aérosol présente la plus grande menace du terrorisme biologique. Les cas récents de contamination au charbon survenus aux États-Unis ont impliqué l’envoi de la bactérie charbonneuse sous forme de poudre sèche dans des enveloppes. Quelques personnes avaient été gravement contaminées de cette façon, certaines en sont même mortes. La dissémination d’agents pathogènes par aérosol, pour sa part, n’exige pas de la part des terroristes qu’ils recourent à un dispositif sophistiqué. Des pulvériseurs commerciaux peuvent être utilisés, comme ceux qui sont employés dans le domaine de l’agriculture (South Poverty Center, 1997). Il est également possible de modifier un véhicule de façon à ce qu’il puisse disperser ces agents. La secte Aum Shinrikyo avait utilisé ce procédé en ajoutant à un véhicule un ventilateur et un conduit d’échappement spécialement conçu pour disperser la toxine botulinique, qui n’avait eu aucun effet. La dispersion par aérosol est pernicieuse puisqu’elle peut se faire sans attirer l’attention de quiconque et ne donne aucune indication qu’une attaque terroriste est en cours (Pearson, 1998).
Mais la dissémination par aérosol est aléatoire, comme en témoignent les attentats manqués de la secte Aum Shinrikyo. Les micro-organismes sont sensibles au processus mécanique de pulvérisation et aux conditions météorologiques (rayonnements du soleil, smog, etc.), qui peuvent altérer leur virulence (Purver, 1995). Selon les experts, des agents biologiques utilisés en soirée par un temps frais, humide et légèrement venteux pourrait être particulièrement dangereux. L’aérosolisation d’un agent biologique présenterait un risque encore plus grand s’il était réalisé dans un espace clos tels le réseau de métro et les immeubles où l’air est climatisé par un système central (Purver, 1995). Encore faut-il que le générateur d’aérosol permette de disperser des particules suffisamment petites pour être inhalées par les poumons. Les particules doivent avoir une dimension de 2 à 5 microns. Les particules plus grosses peuvent être difficilement inhalées et ont de la difficulté à rester suspendues dans l’air. Il s’agit là de l’aspect le plus difficile de l’aérosolisation (Pearson, 1998; Cordesman, 2002: 38).
3.3.5 Incidents terroristes impliquant des agents biologiques
On retrouve dans la littérature plusieurs incidents impliquant des agents biologiques. Ces incidents peuvent être divisés selon les catégories suivantes: les canulars, les cas de possession d’un agent biologique en vue de l’utiliser et les cas réels d’utilisation d’un agent biologique.
Plusieurs incidents impliquant des agents biologiques ne sont que des canulars. Le groupuscule Counter Holocaust Lobbyists of Zion est à l’origine de l’un d’eux (Tucker, 1999). Le groupe avait fait parvenir en avril 1997 un colis suspect au siège social de l’organisation internationale juive B’nai B’rith à Washington (United State Fire Administration, 1997). C’est la fuite d’un liquide rouge du colis qui avait attiré l’attention d’un employé chargé de la distribution du courrier. Le colis avait été ouvert par un agent de sécurité, qui avait trouvé à l’intérieur une note sur laquelle figuraient des propos menaçants. L’agent de sécurité avait placé le colis à l’extérieur de l’édifice et contacté la police. Celle-ci demanda l’assistance des services des incendies lorsqu’ils aperçurent le mot anthrax sur l’étiquette du colis. Peu de temps après l’ouverture du colis, plusieurs employés s’étaient plaints de vertiges et de maux de têtes, des indicateurs permettant de croire à une présence additionnelle d’un agent chimique. Après une attente de neuf heures suite à l’ouverture du colis, les résultats de l’analyse révélaient qu’aucun agent biologique ou chimique ne se trouvait dans le colis, mais qu’il s’agissait d’un canular. Un autre canular avait été, quant à lui, perpétré à Ottawa, le 30 janvier 2001. Un colis suspect avait été envoyé aux bureaux de la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Elinor Caplan. L’analyse de la substance trouvée à l’intérieur révélait qu’il s’agissait bien d’un agent bactérien, mais qu’il était inoffensif. Cet incident avait obligé l’évacuation de quelque 1 500 personnes.
On retrouve dans la littérature quelques cas de possession d’un agent biologique en vue de l’utiliser contre des personnes. En 1972, des membres du groupuscule Order of the Rising Sun, un groupe oeuvrant pour la création d’une race supérieure, avait été trouvés en possession d’une trentaine de kilogrammes de cultures de la bactérie de la typhoïde (Salmonella typhi), qui devaient servir à contaminer les réserves d’eau de la ville de Chicago (Tucker, 1999). En 1985, le FBI avait trouvé dans un bâtiment appartenant à des membres du groupuscule The Covenant, The Sword and the Arm of the Lord 33 gallons de cyanure, qui étaient destinés à contaminer une réserve d’eau municipale dans le nord de l’Arkansas (Tucker, 1999). Un autre cas de possession est survenu en 1992 impliquant des membres du groupe anti-taxation Minnesota Patriots Council, qui furent reconnus coupable de conspiration visant à utiliser la toxine ricine (une once presque pure) pour tuer des agents fédéraux (Purver, 1995).
Quant aux cas réels d’utilisation d’agents biologiques, on n’en retrouve peu dans la littérature. Un premier cas fut la contamination avec bactérie de la typhoïde par la secte Rajneesh dans le comté de Wasco en Oregon en 1984 (Tucker, 1999). Les membres de la secte avaient contaminé les buffets de différents restaurants afin d’empêcher les résidents du comté d’aller voter. La contamination avait provoqué l’intoxication de 750 personnes, dont 45 avaient dû être hospitalisées. La secte Aum Shinrikyo est aussi à l’origine d’attentats manqués avec des agents biologiques entre 1990 et 1993. En tout, la secte a tenté à deux reprises de disséminer la toxine botulinique et une fois de disséminer des spores du charbon (Brackett, 2000; Tucker, 1999). Une première tentative de dissémination de la toxine botulinique avait eu lieu en avril 1990. La secte avait utilisé un véhicule modifié pour disséminer la toxine autour du parlement japonais. La deuxième tentative avait eu lieu en juin 1993. La secte avait tenté de perturber le mariage du Prince Naruhito en disséminant la toxine dans le centre-ville de Tokyo en utilisant un véhicule similaire à celui utilisé précédemment. Quant à la dissémination de spores du charbon, elle avait eu lieu aussi en juin 1993. Les spores avaient été dispersées avec un pulvériseur placé sur le toit d’un immeuble de Tokyo appartenant à la secte. Aucune de ces tentatives n’a fait de victime. Seule la dissémination des spores d’anthrax a causé la mort de quelques animaux et une mauvaise odeur dans le quartier (Olson, 1999).
Les autres cas d’utilisation d’agents biologiques sont survenus après les attentats du 11 septembre aux États-Unis. Des lettres contaminées au bacille du charbon avaient été envoyées par la poste à des journaux, des chaînes de télévision et à des parlementaires du Parti démocrate. Plus de 40 personnes avaient été exposées à la bactérie, mais sans nécessairement contracter la maladie (AFP, 2001). Parmi ces personnes, on avait diagnostiqué 22 cas de maladie: 12 personnes atteintes de la forme cutanée, 10 personnes atteintes de la forme pulmonaire, dont cinq en sont mortes. Près de dix mois après ces attaques, le FBI n’avait toujours arrêté personne. L’hypothèse d’une origine terroriste extérieure avait été privilégiée, croyant que les attaques étaient l’œuvre du réseau Al-Qaeda (Jarreau, 2001). Le FBI avait par la suite réorienté son enquête sur la piste des spécialistes des armes biologiques travaillant aux États-Unis. La comparaison des souches de la bactérie trouvées dans les enveloppes et celles de laboratoires ont permis au FBI de constater qu’elles étaient identiques à celles de l’unité de recherche Fort Detrick, dans le Maryland. Parmi les employés de cette unité, Steven Hatfill, un ex-chercheur qui avait travaillé en 1999 sur la façon d’envoyer des bacilles du charbon par courrier, avait attiré l’attention du FBI, le qualifiant de «personne considérée avec intérêt» (Jarreau, 2001).
3.4 Réaction au terrorisme à caractère chimique et biologique
Les autorités considèrent les incidents terroristes à caractère chimique et biologique comme une menace. Si bien qu’elles ont adopté différentes mesures pour s’y préparer. Dans cette section, nous verrons un aperçu des mesures adoptées par les autorités américaines et canadiennes. Ces mesures de préparation sont centrées sur ce que l’on appelle la gestion des conséquences et le renforcement des systèmes d’intervention d’urgence.
3.4.1 Mesures de préparation aux États-Unis
Les autorités américaines se sont engagées activement à se préparer depuis quelques années à faire face à des incidents terroristes majeurs, spécifiquement ceux qui pourraient impliquer des matières dangereuses. Pour ce faire, l’administration américaine a mis sur pied le U.S. Domestic Preparedness Program. Elle prend très au sérieux la menace que présente cette forme de terrorisme. On peut le voir dans le budget fédéral qui allouait pour l’année fiscale 2000 la somme de 1,5 milliards de dollars pour renforcir le programme de préparation. Ainsi, le gouvernement américain a créé le programme de préparation le plus complexe et le plus coûteux de ce genre. Pour une bonne description de ce programme et ses composantes, nous nous référerons aux rapports présentés par Falkenrath (2000) et Ban (2000).
Les autorités américaines ont progressivement mis en place le programme de préparation après l’attentat au sarin dans le métro de Tokyo en 1995. Cet attentat avait provoqué des interrogations sur les capacités des grandes villes américaines, comme New York, à faire face à un incident similaire. On constatait qu’un nombre important de premiers répondants intervenus lors de l’incident avaient été sérieusement incommodés parce qu’ils n’étaient pas prêts à intervenir dans ce genre de situation, et qu’il était donc nécessaire de fournir la formation et l’équipement adéquats aux personnes pouvant être amenées à intervenir dans un scénario semblable.
Une première initiative fut lancée par la Maison Blanche en 1995 avec la directive 39, qui faisait appel à une intensification des efforts par l’administration fédérale pour lutter contre le terrorisme, y compris les actes terroristes à caractère chimique et biologique. La directive ne prévoyait cependant pas une plus grande part du budget fédéral consacrée à cette fin. En même temps, le U.S. Marine Corps mettait sur pied une nouvelle force d’intervention pouvant être déployée pour des incidents terroristes à caractère chimique. Dans la même période, une mesure plus importante fut adoptée par le Congrès. Celui-ci adoptait la Defense Against Weapons of Mass Destruction Act of 1996 (Nunn-Lugard-Demenici Program). Ce programme visait spécifiquement à préparer les premiers répondants des collectivités locales à assumer une gestion des conséquences appropriée à de tels incidents (Falkenrath, 2000: 3). Le Congrès accorda pour l’année budgétaire 1997 100 millions de dollars pour mettre en œuvre ce programme. Le programme actuel de préparation constitue son prolongement (Falkenrath, 2000: 3).
Le programme de préparation relève du U.S Justice Department. Au sein de ce dernier, le FBI occupe un rôle important. Au départ, le rôle du FBI au sein du programme consistait presque uniquement à fournir la formation et l’équipement nécessaires aux agences des collectivités locales et des États. Suite à l’adoption en 1996 de l’Anti-Terrorism and Effective Death Penalty Act, le FBI prit plus de place dans le programme. En 1997, le National Institute of Justice reçut un crédit de 10 millions de dollars pour développer la technologie contre-terroriste nécessaire, alors que le Bureau of Justice Assistance débutait un programme visant à équiper les pompiers et le personnel d’autres services d’urgence de 120 juridictions urbaines. En 1998, le Congrès alloua la somme supplémentaire de 17 millions de dollars pour la création du Special Equipment and Training Grant Program. Ce programme a été mis sur pied par l’Office for State and Local Domestic Preparednesss, du U.S Justice Department, qui avait augmenté le budget du FBI pour lui permettre de mettre sur pied une nouvelle unité spécialisée, la Hazardous Materials Response Unit. On conféra alors à cette unité le mandat de fournir une expertise de laboratoire sur le matériel nucléaire, chimique et biologique ainsi qu’un entraînement pour les agents spéciaux du FBI. Et puis, la même année, fut créé au sein du FBI le National Domestic Prepardness Office (NDPO), un bureau chargé d’effectuer la liaison avec les agences des communautés locales et des États concernées par la préparation.
Le U.S. Defense Department prit aussi plus de place dans le soutien aux opérations de préparation en créant 10 unités spéciales de la Garde nationale, connues sous le nom de WMD Civil Support Teams. Le rôle de ces équipes, composées chacune de 22 membres, est d’assister les premiers répondants des collectivités locales à détecter et identifier les matières dangereuses (Ban, 2000: 127). Elles peuvent être déployées à n’importe quel endroit dans leur région, dans un délai de quatre heures. En 2000, leur nombre passait à 27.
Une autre mesure fut adoptée par l’Office of Emergency Preparedness (OEP) du Departement of Health and Human Services (DHHS). Puisque les services d’urgence des communautés locales constituaient le premier maillon dans la chaîne d’intervention, l’OEP s’engagea dans le cadre du Metropolitan Medical Response System Program (MMRS) à fournir les capitaux nécessaires aux autorités locales pour qu’elles élaborent des plans d’intervention permettant de faire face à un incident similaire à celui de Tokyo. L’aide offerte par l’administration fédérale était également destinée à la formation des professionnels de la santé et des premiers répondants, à l’achat de produits pharmaceutiques et à la planification des mesures prophylactiques. En tout, 74 collectivités locales avaient adhéré au MMRS. L’OEP a comme objectif d’augmenter ce nombre à 120 d’ici 2005 (Ban, 2000: 157). L’OEP considère que le MMRS a un impact positif puisqu’il crée une collaboration entre les services de santé, de sécurité publique ainsi que le milieu de la sécurité nationale (Ban, 2000: 158).
Le programme de préparation mis sur pied en 1995 était jusqu’en 1998 consacré essentiellement à la gestion des conséquences d’incidents à caractère chimique. La raison principale était que les autorités croyaient plus probable qu’un incident semblable à celui de Tokyo survienne aux États-Unis (Falkenrath, 2000: 8). Peu de mesures de préparation n’étaient alors consacrées aux incidents bioterroristes. Ceux-ci n’impliquent pas la même dynamique d’intervention d’urgence, puisque les conséquences d’un incident bioterroriste, s’il n’est pas déclaré, risquent d’être observées dans les institutions de santé et par le personnel médical, qui assumera le rôle de premier répondant. Il est fort possible qu’il ne puisse y avoir de scène de crime évidente, contrairement aux incidents chimiques et radiologiques, étant donné que les effets d’une exposition aux agents pathogènes prennent du temps à apparaître et que les personnes contaminées sont mobiles (Falkenrah, 2000: 10). L’agent pathogène peut aussi continuer à se propager sur une période de temps indéfini, comme ce serait le cas avec la variole. Pour ces raisons, la préparation aux incidents bioterroristes repose essentiellement sur l’intervention du domaine médical et de la santé.
L’intégration de ce secteur s’est faite graduellement (Ban, 2000: 153). Jusqu’en 1998, le programme de préparation américain n’était pas en mesure de fournir une réponse adéquate à un incident terroriste à caractère biologique. Cependant, en 1999, l’administration fédérale augmentait le budget accordé au DHHS à 161 millions pour permettre aux Centers for Disease Control and Prevention, l’instrument principal de la lutte contre le bioterrorisme, de procéder au stockage de produits pharmaceutiques, à la mise au point de nouveaux vaccins et au soutien des systèmes de surveillances de communautés locales et des États. En 2000, le budget du DHHS passa à 260 millions (Falkenrath, 2000: 10).
Le DHHS a mis sur pied quatre équipes spécialisées regroupées sous le nom de National Medical Response Teams for Weapons of Mass Destruction (NMRTWMD). Elles sont basées en Caroline du Nord, au Colorabo et en Californie, et ont pour mandat de dispenser les services médicaux et assister les intervenants des communautés locales lors d’incidents biochimiques (Ban, 2000: 156). Chaque équipe est composée de 50 membres, qui sont pour la plupart des physiciens, des infirmières, des paramédicaux et autres professionnels du domaine de la santé. Le DHHS dispose aussi de 24 équipes appelées Disaster Medical Assistance Teams (DMAT), qui peuvent fournir des services de triage et de soins médicaux lors de tout incident biochimique pour une période de 72 heures.
3.4.2 Mesures de préparation au Canada
En réponse au rapport du Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignement, présidé par W. Kelly, en 1999, le gouvernement canadien s’était engagé à renforcer la capacité du Canada à faire face aux incidents terroristes biochimique. On peut donner un aperçu des mesures prises par les autorités canadiennes à cette fin [40] .
Au Canada, le mécanisme principal permettant de faire face aux incidents terroristes, y compris ceux à caractère chimique et biologique, est le Plan national de lutte contre le terrorisme. Il contient des dispositions relatives à la gestion des conséquences permettant aux autorités de faire face aux attentats biochimiques (Santé Canada, 2000).
La gestion des conséquences repose sur les compétences de plusieurs organismes. Protection civile Canada (PCC) y tient une place particulière. Il est prévu par le plan que cet organisme n’intervienne que si les possibilités de réaction des autorités provinciales sont insuffisantes (Santé Canada, 2000). Comme aux États-Unis, la lutte contre le terrorisme incombe au gouvernement fédéral [41] , alors que la gestion des conséquences est décentralisée et relève ici des autorités provinciales. Le gouvernement dispose également de l’Équipe mixte GRC/MDN d’intervention en cas d’urgence biologique et chimique (EMIUBC). Celle-ci doit jouer un rôle de soutien auprès des autorités locales pour les aider à gérer un incident terroriste à caractère biochimique. Ses membres sont formés pour appliquer des mesures de décontamination, neutraliser le dispositif de dissémination et prélever des échantillons de l’agent à des fins d’identification et de preuve pour la tenue de l’enquête criminelle. Le gouvernement canadien peut aussi compter sur le Centre de recherche pour la défense (CRDS) situé à Suffield en Alberta. Il assure un soutien scientifique à l’égard des agents chimiques et biologiques, et se livre aussi à des activités de recherche et de développement entourant le développement de vaccins et l’amélioration des techniques de détection, de protection et de décontamination [42] .
Il est prévu selon le Plan national de lutte contre le terrorisme que, si un incident terroriste à caractère chimique ou biologique survient, le Groupe consultatif interministériel en matière de politique (GCIMP) est mobilisé. Ce groupe est formé de représentants de la GRC, du SCRS, de la PCC, du MDN et Santé Canada. Le GCIMP est chargé de conseiller le gouvernement, assurer la coordination des interventions du fédéral et d’entretenir des contacts avec les autorités provinciales (Santé Canada, 2000). Santé Canada, pour sa part, assure la liaison avec le Groupe spécial d’évaluation de la menace (GSEM), qui comprend des spécialistes de divers domaines (médical, sciences, militaire, renseignement de sécurité, gestion des conséquences, application de la loi), et qui est en mesure de donner son avis sur la crédibilité de la menace (Santé Canada, 2000).
Pour mieux se préparer à faire face à un incident terroriste à caractère chimique, biologique, voire radiologique, le gouvernement fédéral a adopté récemment une série de mesures. Il a d’abord annoncé la création d’un comité consultatif national sur la sécurité et la recherche en matière d’agents chimiques, biologiques et radiologiques. Ensuite, il a injecté 5,6 millions de dollars pour l’achat d’antibiotiques et d’antidotes pour traiter les personnes qui pourraient être exposées à ces agents, augmentant ainsi sa capacité de traitement à 100 000 personnes. Il allouait aussi la somme de 2,1 millions de dollars pour améliorer le réseau pancanadien de laboratoire et 1,6 millions de dollars pour la formation des premiers répondants. Il a aussi mandaté l’organisme R&D pour la Défense Canada (RDDC) à coordonner un fond de 170 millions visant à améliorer la réponse pour protéger le pays contre le terrorisme chimique, biologique et radiologique.
Le Solliciteur général du Canada administre également le Programme de préparation opérationnel (PPO). L’un des objectifs de ce programme est de renforcir la capacité des premiers répondants à intervenir lors d’incidents terroristes à caractère chimique et biologique. À ce titre, il a aidé plusieurs villes canadiennes à organiser des exercices de simulation dans le but de tester les plans d’urgence et les capacités d’intervention des premiers répondants. L’une de ces simulations s’est tenue à Montréal en juin 2000. L’exercice «Centauri 2000» avait réuni plus d’une trentaine d’organisations, dont le Centre de sécurité civile, le Service de police de la Ville de Montréal et la Sûreté du Québec. Personne n’était informé à l’avance, pour permettre que l’évènement soit le plus réaliste possible (Girard, 2000). L’exercice avait duré plus de 24 heures. Une simulation semblable avait eu lieu à Vancouver en septembre 1997. La GRC avait simulé un détournement d’avion par des terroristes, suivi d’une attaque au tabun. Cette simulation avait réuni plus de 500 personnes et avait duré un peu plus de deux jours.
Conclusion
Depuis les trente dernières années, les moyens employés par les terroristes n’ont pas beaucoup changés. Le moyen préféré des terroristes demeure l’attentat à la bombe, qui constitue près de 80 % des actes de terrorisme. L’attentat à la bombe n’est rien de nouveau. Guy Fawkes avait déjà tenté de l’employer en 1605 contre le Parlement britannique. L’attentat à la bombe est le moyen de prédilection des terroristes pour des raisons simples. Les engins explosifs sont relativement faciles à fabriquer et peu coûteux. Ils permettent également aux terroristes de causer des dégâts matériels importants et d’attirer par leur dimension tragique l’attention des médias sur eux et leur cause. Divers types d’engins explosifs ont été utilisés par les terroristes. Les terroristes ont fait preuve de beaucoup d’imagination dans la fabrication et l’utilisation d’engins explosifs : objets piégés, dispositifs explosifs secondaires, bombes à clous, etc. Et ils ont forcé les autorités à mettre en place des moyens techniques toujours plus sophistiqués pour contrer leur menace.
Les terroristes ne sont cependant pas uniquement intéressés par les moyens conventionnels (prise d’otage, assassinat, attentat à la bombe, etc.). Les terroristes ont aussi démontré un intérêt pour les matières dangereuses. Certaines organisations les ont effectivement utilisées, d’autres ont seulement affirmé qu’elles allaient y recourir, mais sans avoir la capacité de mettre en œuvre leurs menaces. Les quelques actes de terrorisme qui ont impliqué réellement des matières dangereuses, peu nombreux pour le moment, ont tout de même démontré que les terroristes pouvaient avoir la capacité de les utiliser et qu’il ne s’agissait plus uniquement d’un des nombreux scénarios possibles anticipés par les services de renseignement.
En matière de terrorisme nucléaire, rien ne semble indiquer que des terroristes ont tenté de se procurer un engin explosif nucléaire ou qu’ils ont tenté d’en fabriquer un de façon artisanale. Les individus qui ont prétendu posséder et avoir la volonté d’utiliser du matériel nucléaire l’ont fait dans un but d’extorquer de l’argent à certaines personnes ou tout simplement faire peur au gouvernement. Les tentatives de contrebande de matières nucléaire qui sont survenues depuis le début des années 90 ont cependant alerté les autorités quant à la possibilité que des organisations terroristes se les approprient. Mais dans la grande majorité des cas de contrebande, il ne s’agissait que de matières nucléaires inutilisables pour la fabrication d’un engin explosif nucléaire. Cependant, les saisies de matières nucléaires de qualité militaire destinées à la contrebande effectuées en Allemagne et en Russie ont démontré qu’il était possible d’acheter les matières nécessaires à la fabrication d’un engin explosif nucléaire.
Même si les quantités de ces matières nucléaires ne permettaient pas à une organisation terroriste de fabriquer un engin explosif nucléaire, il reste que les saisies ont suscité des inquiétudes quant à la possibilité que ces matières se trouvent disponibles sur le marché noir en plus grande quantité. Les risques sont considérables puisque les mesures de sécurité entourant la protection du matériel nucléaire dans l’ex-Union soviétique sont apparemment inadéquates. Toutefois, il ressort clairement de la littérature que la fabrication d’un engin explosif nucléaire nécessite, en plus des matières nucléaires fissiles, une expertise scientifique et technique dont la majorité des organisations terroristes ne disposent pas. Il reste l’option du vol d’un engin explosif nucléaire, que l’on considère comme le moyen le plus direct de l’obtenir. Mais il est jugé par les experts presque impossible à réaliser, en raisons de la surveillance accrue dont fait l’objet ce genre d’engin. La seule possibilité qui est crédible selon la littérature serait que des terroristes dispersent des matières radioactives à l’aide d’une bombe sale. La fabrication de celle-ci est moins compliquée et une foule de matériels radioactifs, qui font l’objet de mesures de sécurité superficielles, pourraient à cette fin être employés.
Pourtant, ce ne sont pas les matières nucléaires qui présentent à l’heure actuelle le plus grand risque, selon la littérature. C’est l’usage délibéré d’agents chimiques et biologiques qui fait l’objet de la plus grande appréhension chez les experts. Parmi les agents chimiques, ce sont les agents neurotoxiques qui présenteraient le plus de danger. Les agents chimiques présentent un risque particulier parce qu’ils agissent rapidement sur le système nerveux central lorsqu’ils sont inhalés et qu’ils ne sont apparemment pas très difficiles à produire. Les précurseurs permettant des les produire seraient relativement faciles à obtenir. Les terroristes ne sont cependant pas obligés de produire leurs propres agents chimiques. Il existe déjà une gamme de produits chimiques très toxiques pouvant avoir un impact analogue qui sont disponibles dans l’industrie. Mais les agents chimiques n’ont fait l’objet d’une utilisation sérieuse qu’à deux reprises. L’utilisation la plus importante fut celle de l’attaque au sarin dans le métro de Tokyo en 1995 par la secte apocalyptique Aum Shinrikyo et celle de Matsumoto en 1993 perpétrée par la même organisation.
Du côté des agents biologiques, ils sont considérés comme une véritable menace pour la santé publique. Parmi ces agents, la bactérie du charbon suscite la plus grande crainte de la part des autorités en raison de sa capacité à affecter le système respiratoire et que sa contamination par inhalation est souvent fatale. L’acquisition des agents biologiques est cependant considérée plus difficile que celle des agents chimiques. Bien qu’il ne semble à première vue pas très difficile d’obtenir des souches virales, encore faut-il que l’organisation terroriste dispose des moyens techniques et des connaissances sur la culture de ces agents et de leur manipulation. Les agents biologiques présentent un risque considérable pour celui qui les manipule.
Il apparaît dans la littérature que la plus grande difficulté pour les terroristes se situe au niveau de la dissémination des agents chimiques et biologiques. Les quelques tentatives de dissémination de la toxine botulinique et de spores du charbon par la secte Aum Shinrikyo ont démontré effectivement qu’il n’était pas facile de disséminer ces agents sous forme d’aérosol. Les attaques biochimiques les plus importantes ont jusqu’à présent démonté que les méthodes de dissémination les plus efficaces n’étaient pas forcément les plus sophistiquées. L’attaque au sarin dans le métro de Tokyo en 1995 par la secte Aum Shinrikyo n’a été faite qu’à l’aide de sacs de plastique qui ont été percés à l’aide de la pointe d’un parapluie. La contamination à la bactérie de la typhoïde survenue en Oregon en 1980 par la secte Rajneesh avait simplement été causée par la dispersion de particules de la bactérie dans quelques buffets de restaurants. Quant aux multiples cas de contamination au charbon survenus suite aux incidents du 11 septembre 2001, ils ont été provoqués par l’envoi d’enveloppes contenant la bactérie sous forme de poudre.
Le recours par les terroristes à des matières dangereuses est sujet à discussion. La littérature abonde en textes qui discutent de la probabilité que des matières dangereuses soient employées par des terroristes. Plusieurs adoptent une perspective rationnelle face à ce phénomène. Pour la plupart des auteurs, il est possible d’expliquer le petit nombre d’attentats impliquant réellement des matières dangereuses par le fait que d’autres moyens sont à la portée des terroristes, par exemple les engins explosifs. Les engins explosifs sont pour les terroristes faciles à fabriquer, relativement sûrs à manipuler et leurs effets bien connus. Comme dit Jacobs (1998) : «Old fashioned terrorist techniques work well.» D’un autre côté, plusieurs experts affirment que le terrorisme suit une tendance inquiétante, marquée par une plus grande proportion d’actes de terrorisme perpétrés par des fanatiques religieux qui sont prêts à mourir pour leur cause et tout mettre en oeuvre pour s’attaquer à leurs ennemis. Les attentats du 11 septembre 2001 par l’organisation islamique Al-Qaeda l’ont démontré.
Même si l’utilisation des matières dangereuses par les terroristes est incertaine, une attitude responsable de la part des autorités les oblige à s’y préparer pour en limiter les conséquences. Un incident comme celui du métro de Tokyo en 1995 a démonté qu’il était nécessaire de se préparer à faire face à un tel incident. Il semble qu’on ne puisse pas faire grand chose dans le cas d’incidents impliquant des engins explosifs. On ne peut que ramasser les morts. Par contre, dans le cas d’incidents à caractère chimique et biologique, il est possible d’atténuer leurs effets physiologiques en étant préparé adéquatement à faire face à ce genre d’incident.
[1] D’autres infractions sont associés dans ce texte législatif au terrorisme: la fabrication ou la détention de machines, engins meurtriers ou explosifs; les destructions, les dégradations et détériorations, ainsi que certaines infractions informatiques; les infractions en matière de groupes de combats et de mouvements dissouts; les infractions relatives à la fabrication, la détention, le stockage, l’acquisition et la cession d’armes biologiques ou à base de toxines.
[2] Selon Bjorgo, il s’agit d’un terrorisme de type contre-culturel. Il est le fait de groupes de jeunes isolés et aliénés, qui sont plus impliqués dans une crise de légitimation culturelle que politique. Pour eux, le terrorisme se situe dans le prolongement de la glorification de la force physique brutale.
[3] L’attentat a été inspiré à McVeigh par le livre The Turner Diaries, écrit par Wiliam Pierce, sous le pseudonyme Andrew Macdonald, le leader de l’organisation suprémaciste Alliance nationale. Le livre décrit un renversement violent du gouvernement fédéral par des suprémacistes blancs au cours duquel ils font exploser le quartier général du FBI.
[4] Les extrémistes à l’origine de ces actes ont pour la plupart été influencés par le livre The Army of God, dans lequel on retrouve des détails sur le sabotage, les explosifs et la confection de silencieux pour les armes de poing.
[5] Inspiré du fondement doctrinaire Deep Ecology, préconisant un retour à l’état de nature et à une restauration écologique. On retrouve dans ce sillage le livre A Declaration of War, paru en Amérique du Nord en 1994, qui fait la promotion de la violence, incluant le meurtre, pour faire cesser les abus environnementaux.
[6] Selon des renseignements obtenus auprès de la GRC, ce groupe avait fait exploser le 14 octobre 1982, près de l’immeuble de la compagnie Litton Systems Canada, à Toronto, une bombe, qui avait blessé sept personnes et causé d’importants dommages matériels. Par la suite, un communiqué avait été émis condamnant l’entreprise pour avoir fourni des pièces servant à la fabrication de missiles de croisières.
[7] À ce titre, on se souviendra de l’attentat à la bombe à Montréal, dans Hochelaga-Maisonneuve en 1995, dirigé contre des rivaux des Hell Angels et qui avait tué accidentellement Daniel Desrochers.
[8] Pour les terroristes suicidaires, il semble de toute évidence qu’il ne s’agit pas là d’un avantage. Ils désirent de toute façon mourir pour leur cause.
[9] Pour une étude détaillée de la mécanique des dispositifs de mise à feu, voir Burke (2000), chapitre 5.
[10] Les activistes de l’ETA avaient effectué des excavations sous la rue Claudio Coello à partir d’un appartement adjacent et s’étaient fait passer pour des sculpteurs pour justifier auprès des voisins les coups de marteau et de burin. Les terroristes connaissaient la routine de leur cible. Chaque matin, Blanco se rendait à la messe à Madrid, empruntant ainsi le même trajet qu’à l’habitude.
[11] Selon Schweitzer, les attentats suicides seraient l’œuvre de groupes religieux fanatiques concentrés au Moyen-Orient (Israël, territoires occupés) et au Sri Lanka. L’attentat suicide est une phénomène populaire chez les groupes islamistes fondamentalistes tels le Hamas, le Jihad islamique égyptien, le Jihad islamique palestinien (Israël), le Hezbollah pro-syrien (Liban).
[12] Ces actes sont considérés par Denney et Lee (1997), du Los Angeles Fire Department, comme des actes d’utra-violence stratégique. Cette violence implique principalement l’usage indiscriminé de dispositifs explosifs qui, placés dans un endroit public dense, sont conçus pour créer un maximum de victimes.
[13] Il s’agit d’un produit chimique volatile utilisé dans le carburant des moteurs hot-rods. Ce produit permet d’oxygéné le carburant et favorise son explosion. Mélangé au nitrate d’ammonium, il constitue une puissante bombe.
[14] Il s’agit d’un mouvement islamique fondamentaliste radical engagé dans une campagne de terreur contre le gouvernement égyptien.
[15] L’explosion n’a pas eu l’effet recherché. Elle n’avait fait qu’un gros cratère dans le sous-sol de l’édifice. Quant au cyanure de sodium, destiné à intoxiquer le plus grand nombre de personnes possible, il s’est complètement désintégré au lieu de créer un nuage toxique.
[16] Le FLNC canal-historique est une organisation clandestine vouée à la lutte pour l’indépendance de la Corse.
[17] Voir D. Black (1983). «Crime as social control». American Sociological Review (48): 34-45.
[18] Selon le rapport du corroner, Pierre Laporte serait mort étranglé.
[19] Les Tupamaros enlevèrent notamment Dan Mitrione, fonctionnaire américain de l’Agence de développement internationale, détaché par le gouvernement américain auprès de la police uruguayenne en qualité de conseiller le 31 juillet 70. Ils furent aussi à l’origine de l’enlèvement du juge d’incitation Pereyra Manelli et l’ambassadeur de la Grande-Bretagne, Geoffrey Jackson.
[20] Il se rendait à Montecitorio, siège de l’Assemblée nationale. Il n’y parvint pas puisque sa voiture fut bloquée par un commando qui tua les cinq membres de son escorte et enleva l’homme politique. Il fut retrouvé six semaine plus tard, mort dans le coffre d’une voiture abandonnée après l’émission d’une série de communiqués par les terroristes.
[21] Cette organisation terroriste a été constituée à la suite des affrontements entre les fedayin et l’armée jordanienne en septembre 1970. Elle est à l’origine de plusieurs opérations terroristes en dehors d’Israël, dont la prise d’otage des athlètes israéliens aux jeux olympiques de Munich en 1972.
[22] Le réseau Al-Qaeda est aussi soupçonné d’être à l’origine des attentats de Dharan, de Nairobi, de Dar Es-salaam et du destroyer USS Cole à Aden.
[23] Les pirates avaient embarqué à l’aéroport de Logan à Boston. Lors du décollage de l’avion (8 h), les pirates avaient sorti des armes blanches artisanales et rassemblé le personnel de cabine et les passagers à l’arrière de l’appareil. Des agents de bord avaient alors été tués pour créer une diversion et attirer le pilote hors du cockpit. Les pirates avaient pris les commandes de l’avion vers 9 h.
[24] Voir US State Department (2001). Pattern of Global Terrorism 2001. Washington: Office of the Coordinator for Counterterrorism.
[25] Voir le livre Executive Orders (1998).
[26] Certaines indices peuvent être révélateurs de la présence d’un colis suspect: présence de tâches d’huile ou de graisse, d’irrégularités concernant l’adresse du destinataire et de retour, de sons émis par le paquet, d’une indication du genre «à livrer immédiatement», de ruban adhésif en quantité excessive sur l’emballage, etc.
[27] Voir Robertson, N. (2001). Disturbing scenes of death show capability with chemical gas. CNN. (http://www.cnn.com/2002/US/08/19/terror.tape.chemical/index.html)
[28] Par exemple, Jamal Abdel Hamid Yussef rationalisait les opérations suicides de l’Izzedine al-Qassam, l’aile militaire du Hamas, en affirmant: «Our suicide operations are a message that our people love death. Our goal is to die for the sake of God, and if we live we want to humiliate Jews and trample on their necks.»
[29] Peter Krömer dirige la section chargée des trafics liés aux substances radioactives ainsi qu’aux armes chimiques et biologiques.
[30] Pour être considéré comme hautement enrichi, l’uranium doit avoir une concentration en isotope 235 supérieurs à 20 %. Lorsque cette concentration atteint 90 %, l’uranium peut être utilisé pour la confection d’une arme nucléaire.
[31] La seule matière fissile présente dans la nature est l’uranium 235 qui compose 0,7 % de l’uranium naturel (99,3 % étant de l’uranium 238). Pour être utilisé dans les réacteurs à haute pression, l’uranium est enrichi jusqu’à 3 et 4 % (d’isotope 235). Les engins explosifs nucléaires demandent un enrichissement à plus de 90 % effectué dans une usine de traitement.
[32] Le combustible irradié est dissout dans de l’acide. Par la suite, on sépare chimiquement le plutonium de cette solution. Ce plutonium peut être utilisé comme combustible de réacteur ou comme explosif pour les engins explosifs nucléaires.
[33] Les experts estiment qu’environ 5 000 scientifiques provenant de l’ex-Union soviétique ont des connaissances sur les techniques d’enrichissement et du retraitement des matières fissiles et la conception d’engins explosifs nucléaires.
[34] Une rumeur circulait selon laquelle 23 têtes nucléaires provenant d’un dépôt auraient été égarées durant leur transfert en mars 1992.
[35] Frank Barnaby est physicien nucléaire et ancien directeur du Stockholm International Peace Resarch Institute. Ses propos ont été tenus lors d’une conférence de presse organisée par le Service mondial d’Information sur l’Energie et l’Environnement (WISE-Paris) en novembre 1997 à l’occasion de la publicartion du rapport Évaluation des impacts sociaux de l’utilisation de combustible au plutonium MOX dans les réacteurs à eau légère.
[36] Plusieurs États soupconnés d’apporter une aide à certaines organisations terroristes se sont dotés d’un programme de production d’agents chimique. Par exemple, l’Irak avait mis sur pied en 1985 un programme de production d’agents neurotoxiques (sarin, VX).
[37] La dissémination du sarin sous forme de vapeur semble être une opération délicate. À son état normal et à la température d’une pièce, le sarin se présente sous forme liquide. Pour le transformer en vapeur, on doit augmenter la température.
[38] La plupart des documents sur le sujet font état de 5 000 victimes au total. Mais il semble en réalité, selon l’Organisation mondiale de la santé, que la majorité d’entre elles étaient des gens anxieux d’avoir été exposés à l’agent chimique.
[39] Voir T. O’Toole (1999). «Smallpox: an attack scenario». Journal of the National Center for Infectious Diseases 5 (4). http://www.cdc.gov/ncidod/EID/vol5no4/otoole.htm.
[40] Le programme de préparation du gouvernement canadien est moins documenté. On peut présumer qu’il est plus difficile d’avoir une vue d’ensemble des mesures d’urgence pour des raisons de sécurité.
[41] Le Solliciteur général supervise la GRC et le SCRS et administre une Direction générale de la sécurité nationale.
[42] Il est à l’origine de la mise au point d’appareils du Système canadien intégré de détection des agents biologique et chimique et du Blast Guard.
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© 2002 Alexandre Blais.