Même s’il est marqué par son époque (1969) et le contexte brésilien dans lequel il a été rédigé, le document que nous présentons ici est une lecture indispensable pour quiconque s’intéresse aux phénomènes d’insurrection, de guérilla et de terrorisme. A l’époque où beaucoup de théoriciens révolutionnaires prônaient des guérillas dans des zones rurales, Marighella avait au contraire bien compris l’intérêt présenté par des actions dans des zones urbaines – même s’il se trompa quant au soutien qu’il pensait pouvoir ainsi susciter. Bien que daté à certains égards, ce texte demeure un fondement important, dont l’écho a porté bien plus loin que le Brésil.
Né à Salvador de Bahia le 5 décembre 1911, Carlos Marighella adhéra au Parti communiste brésilien (PCB) alors qu’il étudiait à l’Ecole polytechnique de Bahia pour devenir ingénieur. Il fit rapidement l’expérience des arrestations et de la prison ainsi que de la clandestinité, condition dans laquelle il vécut une bonne partie de son existence adulte. Il fut élu au Comité central du PCB en 1952. En 1954, il effectua un voyage en Union soviétique et en Chine. Tôt convaincu que seule une lutte militaire permettrait au mouvement révolutionnaire de parvenir à ses fins, il fut expulsé du PCB en 1967, après s’être rendu à Cuba pour une conférence de solidarité latino-américaine en dépit d’instructions contraires données par le PCB. Il fonda en 1968 l’Action de libération nationale (ALN), qui se lança dans des actions armées pour financer son activité, lança de premières actions de guérilla urbaine au Bréil et réussit à enlever l’ambassadeur des Etats-Unis en 1969. Marighella fut finalement tué dans une embuscade dans la nuit du 4 novembre 1969. Si l’ALN ne survécut pas longtemps à son fondateur, le souvenir de celui-ci reste encore cultivé aujourd’hui: l’année du trentième anniversaire de sa mort, en 1999, un monument lui a été dédié, à l’origine duquel se trouve le célèbre architecte communiste Oscar Niemeyer (L’Humanité, 5 février 2002).
Ce fut l’année de sa mort que Marighella systématisa ses convictions en matière de guérilla urbaine dans le célèbre Manuel du guérillero urbain, que le site terrorisme.net a décidé de mettre à disposition de ses lecteurs. Contrairement à Che Guevara, qui affirmait que “la ville est le cimetière de la guérilla“, Marighella y voyait un terrain d’action idéal. Le Manuel constitue un texte fondamental pour la stratégie de guérilla urbaine; il ne fait à nos yeux guère de doute que certains de ces principes – adaptés à de nouveaux contextes et de nouvelles possibilités – continueront d’inspirer des actions futures, comme ils ont déjà contribué à inspirer par le passé des groupes tels que la Fraction armée rouge (RAF) ou les Brigades rouges.
Nous reproduisons le texte de Marighella dans la traduction française qui figurait sur le site des Noyaux autonomes pour le communisme (NAC, maoïstes) et de la revue Front social (le groupe à l’origine de cette revue a décidé de se dissoudre en septembre 2001, en raison de mesures répressives dont il craignait d’être frappé). C’était à notre connaissance le seul site en français à offrir ce texte. Il nous a semblé d’autant plus important de republier ce texte qu’une disparition éventuelle de l’unique site sur lequel il figurait le rendrait inaccessible aux lecteurs de langue française. [Le site a en effet disparu – 05.06.2016]
Nous avons cependant corrigé plusieurs fautes de frappe ou d’orthographe dans ce texte ainsi que quelques inexactitudes de traduction (mineures) que nous avons pu repérer, mais sans nous livrer à une comparaison systématique avec l’original. Il semble d’ailleurs y avoir des variantes entre différentes éditions de ce texte, et nous ignorons laquelle peut être considérée comme la plus “autorisée”. Les différences ne portent d’ailleurs pas atteinte au sens du texte et ne concernent que des détails.
Nous avons conservé la “préface à l’édition québecoise” contenue dans cette traduction, bien qu’elle ne soit évidemment pas de Marighella, car elle illustre comment ce traité a pu – et, comme nous l’avons souligné, peut toujours – inspirer également des aspirants à la guérilla urbaine dans des pays occidentaux. Nous ignorons en revanche à quelle édition québecoise renvoie cette préface: nous n’avons pu en trouver aucune trace pour le moment et apprécierons toute information (ou photocopie de ladite édition) que pourrait nous fournir un lecteur.
Les termes “exproprier” ou “expropriation”, utilisés euphémiquement pour désigner des vols pour la cause révolutionnaire, ont été mis entre guillemets dans la traduction française, ce qui n’était pas le cas dans l’original brésilien. Nous avons cependant conservé ces guillemets.
>>> Traduction française du Manuel du guérillero urbain(1969)
Texte en portugais du Manuel du guérillero urbain:
http://www.dhnet.org.br/denunciar/tortura/mariguella.htm
Traduction en anglais, sur le site d’archive très riche de Marxists.org (une mine!):
http://www.marxists.org/archive/marighella-carlos/1969/06/minimanual-urban-guerrilla/index.htm
Cependant, le texte proposé par Marxists.org est incomplet. Une transcription d’une édition anglaise, The Terrorist Classic: Manual of the Urban Guerilla (trad. par Gene Hanrahan), Chapel Hill (N.C.), Documentary Publications, 1985, est accessible à l’URL suivante:
http://www.oocities.org/c_ansata/mm/Mmcont.html
Mais il s’agit d’une copie en archives, dont la pérennité en ligne est incertaine.