Les autorités grecques ont pris de nouvelles mesures pour empêcher les contacts entre médias et membres emprisonnés de l’Organisation Révolutionnaire 17 Novembre. Elles entendent ainsi éviter d’irriter de causer de nouvelles irritations tant aux Etats-Unis qu’en Grèce même.
Après une série d’entretiens controversés accordés à des chaînes de télévision et à des journaux par des personnes soupçonnées d’appartenir à l’Organisation 17 Novembre et actuellement sous les verrous à la prison Korydallos d’Athènes, les autorités ont entrepris d’agir afin de ne plus permettre aux détenus d’entrer en contact avec qui que ce soit en dehors de leur prison.
Les restrictions sont considérées comme temporaires et ont été mises en application après que le dirigeant présumé du groupe, Alexandros Giotopoulos, eut accordé un entretien de trois pages à Lamiakos Typos, un journal local, le samedi 5 octobre.
L’entretien s’est déroulé en dépit de l’interdiction signifiée au groupe de communiquer avec qui que ce soit – en dehors des membres de leurs familles et de leurs avocats – à la suite de l’entretien accordé le mois dernier à une chaîne de télévision à une heure de forte écoute par un autres suspect, Savvas Xsiros.
Le premier ministre Costas Simitis, qui dirige également le PASOK (parti actuellement au pouvoir), a critiqué sans équivoques cette émission, en avertissant que ceux qui traiteraient le terrorisme comme un “spectacle” allaient encourir la condamnation unanime du peuple grec.
Lors de son entretien sur la télévision Alpha, Xsiros a pris la défense des tactiques violentes utilisées par l’Organisation 17 Novembre: “J’ai tué des individus parce que j’avais un amour plus grand pour le peuple dans son ensemble, pour ceux qui avaient été affectés par les actions de ces individus.”
Ses remarques ont provoqué une tempête de protestations en Grèce: de nombreux médias ont dénoncé tant la chaîne de télévision que le groupe extrémiste. Même le journal de gauche Eleftherotypia, autrefois dénoncé comme le porte-voix de l’Organisation 17 Novembre parce qu’il publiait ses déclarations, a critiqué ce que la rédaction de ce journal a qualifié de “jungle journalistique“.
Cette réaction de la presse a entraîné le 2 octobre une manifestation de plus de 1.500 membres de groupes gauchistes et anarchistes à Athènes; des slogans de soutien pour les actions violentes de l’Organisation 17 Novembre ont été entendus à cette occasion.
Le gouvernement de Costas Simitis craint de voir le cirque médiatique autour du 17 Novembre porter atteinte aux relations avec Washington, qui se sont améliorées après la série d’arrestations qui ont eu lieu cet été et ont permis de démanteler le groupe extrémiste anti-américain.
Les Etats-Unis avaient longtemps accusé la Grèce de fermer les yeux sur l’Organisation 17 Novembre. L’arrestation de Xsiros en juillet 2002 a marqué le premier coup contre le groupe en vingt-sept ans. Au cours de ces années, l’Organisation 17 Novembre a commis des douzaines de vols à main armée et d’attentats à la bombe ainsi que 25 assassinats au moins, dont ceux de quatre diplomates américains.
La première action du 17 Novembre avait été l’assassinat de Richard Welch, chef de l’antenne de la CIA à Athènes, en 1975 – un an après la chute du régime militaire soutenu par la CIA. Etant donné que certains membres du PASOK avaient été actifs dans la résistance contre la junte, les Etats-Unis avaient laissé entendre dans le passé que le groupe parvenait à survivre en raison du soutien implicite d’éléments au sein du parti.
En janvier 2002 encore, dans un programme de la chaîne de télévision CBS, Thomas Niles, ancien ambassadeur des Etats-Unis à Athènes, s’était plaint d’une réticence des autorités grecques à agir contre les terroristes. “Le gouvernement tolère les terroristes parce qu’il pense qu’il lui coûtera trop cher politiquement de les arrêter“, avait-il déclaré.
Le même programme avait émis des doutes sur l’aptitude d’Athènes à héberger les Jeux olympiques de 2004, en raison de son approche supposément molle envers le 17 Novembre.
Diffusé aux Etats-Unis deux jours avant une visite officielle de Simitis, cette émission avait entraîné des plaintes de l’Ambassade de Grèce et un démenti catégorique par le Premier Ministre de tout lien entre son parti et les extrémistes.
Le gouvernement avait présenté les arrestations cet été de plus d’une douzaine d’activistes soupçonnés d’appartenir au 17 Novembre comme une preuve envers les Etats-Unis de sa détermination à combattre les groupes violents. Cependant, le désir de Simitis d’être considéré comme un allié de confiance dans la “guerre contre le terrorisme” pourrait le mettre en conflit avec des éléments anti-américains et nationalistes dans la société grecque, au sein même des milieux qui apportent leur soutien au PASOK.
Près de trois décennies apèrs la chute de la junte soutenue par la CIA, l’anti-américanisme reste vif en Grèce. Beaucoup de ceux qui s’étaient réjouis de savoir les membres du 17 Novembre derrière les barreaux ont été néanmoins consternés par des spéculations sur leur éventuelle extradition en Amérique pour y répondre de leurs actes.
Le 4 août 2002, l’ambassadeur Thomas Miller a refusé de s’exprimer à ce sujet. “Je ne peux pas parler de cette question maintenant. Notre intérêt est de voir ces gens jugés et de trouver des preuves qui permettent de les condamner aux peines les plus lourdes“, a-t-il déclaré dans un entretien à un journal grec.
L’objectif de Washington semble maintenant de mettre sur pied une solide équipe d’avocats pour représenter les victimes des extrémistes devant les tribunaux grecs.
Pour l’instant, les organes officiels américains se sont abstenus de faire des commentaires sur la fascination des médias pour le 17 Novembre. Des sources au sein de l’ambassade des Etats-Unis à Athènes ont cependant fait part à l’IWPR de leur dégoût pour les entretiens télévisés avec Xsiros à une heure de forte audience.
Cette fascination médiatique pour le 17 Novembre se poursuivra tant que le sujet gonflera les tirages des journaux et fera monter les taux d’écoute de la télévision. Le gouvernement peut simplement espérer que ses mesures pour empêcher des entretiens avec des membres détenus du groupe préviendront les critiques américaines et désamorceront les tensions en Grèce même.
Gazmend Kapplani et Neil Arun
Gazmend Kapplani travaille comme journaliste de la Radio publique grecque, à Athènes. Neil Arun collabore à l’IWPR, à Londres.
Cet article a originellement été publié en anglais dans le Balkan Crisis Report, N° 373, 11 octobre 2002, de l’Institute for War and Peace Reporting (IWPR).
© Institute for War & Peace Reporting, Londres.
Traduit de l’anglais par les soins de terrorisme.net