Après un siège, Imam Ali, trois de ses compagnons et l’épouse de l’un d’entre eux ont trouvé la mort le 29 septembre 2002 sous les balles des policiers dans un quartier tranquille de Bangalore, capitale du Karnataka. Agé de 32 ans, Imam Ali était accusé d’avoir été le maître d’oeuvre d’un attentat à la bombe qui avait fait une douzaine de morts en 1993 et de préparer de nouveaux attentats.
Originaire du Tamil Nadu, repéré et appréhendé pour la première fois au début des années 1990, Imam Ali avait été arrêté et s’était évadé à quatre reprises. Sa dernière arrestation remontait à 1997, mais il avait réussi à fausser compagnie à ses gardiens – en s’emparant au passage de l’arme d’un policier – en mars 2002 à Madurai (Tamil Nadu) alors qu’il était transféré vers sa prison après une audience de tribunal.
Il était accusé de l’attentat à la bombe commis en 1993 contre un local du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) à Chennai (Madras). Selon les autorités indiennes – qui auraient découvert ces projets grâce à la surveillance de communications téléphoniques – , il planifiait l’assassinat de personnalités nationalistes hindoues et des attentats à la bombe contre des temples du Tamil Nadu. Ces attentats auraient eu pour objectif de provoquer des tensions intercommunautaires.
Les policiers sont intervenus alors qu’il faisait encore nuit, après plusieurs jours de surveillance de la maison qui avait été louée il y a moins de trois mois par les suspects. Afin de passer inaperçu, Ali s’était rasé et prétendait être hindou: il avait adopté le nom de Ravi. Il s’était apparemment livré ces dernières semaines à différentes activités criminelles (vols, etc.) afin de financer ses activités. Les enquêteurs s’efforcent maintenant d’établir la liste de ses contacts, en étudiant à la fois les documents retrouvés sur les lieux et la liste des appels de son téléphone mobile.
Les différentes sources sur l’itinéraire d’Imam Ali se contredisent: il n’est pas très aisé de déterminer avec certitude l’évolution de ses appartenances. Il aurait successivement appartenu à plusieurs organisations islamistes, dont Al-Umma, un groupe actif au Tamil Nadu, mais s’en serait séparé en raison de désaccords (même si plusieurs articles de presse le présentent encore comme l’une des figures de proue d’Al-Umma) et aurait été à l’origine d’une Islamic Defence Force (IDF). Il aurait fondé récemment un nouveau groupe, Al-Mujahideen.
Al-Umma n’était pas une organisation clandestine: elle était apparue dans les années 1980 et se livrait alors à des activités sociales, mais semble s’être particulièrement développée (et peut-être radicalisée) après la destruction de la mosquée d’Ayodhya en décembre 1992. A Coimbatore s’étaient produits en décembre 1997, à l’approche de l’anniversaire des événements d’Ayodhya, des heurts sanglants entre membres d’Al-Umma et militants du RSS, le principal inspirateur idéologique de l’actuel nationalisme hindou. Tout indique donc que les actes de violence avaient été le produit de tensions croissantes entre nationalistes hindous et militants musulmans.
Plusieurs membres d’Al-Umma se trouvent aujourd’hui incarcérés et purgent des peines de prison à vie. Des militants de cette organisation se trouvent notamment accusés d’être à l’origine de l’explosion d’une douzaine de bombes à Coimbatore (Tamil Nadu) le 14 février 1998, attentat qui avait fait plus de 50 morts; les explosions s’étaient produites alors qu’allait se dérouler une réunion électorale en présence du président du Bharatiya Janata Party, la formation politique à la tête de la coalition actuellement au pouvoir en Inde. Ces attentats auraient eu pour but de venger la mort d’activistes d’Al-Umma dans les heurts de 1997.
Des activistes d’Al-Umma ont été accusés de différentes autres activités terroristes. Ainsi, en juin 2002, à Coimbatore, un militant du groupe a été condamné pour avoir envoyé à un commissariat de police des gourmandises empoisonnées au cyanure.
Ces développements rappellent que, si l’on évoque plus souvent les frictions et violences qui se produisent dans le Nord de l’Inde, des dérives violentes et parfois terroristes se produisent également dans le Sud. Les tensions entre groupes hindous et musulmans n’y sont d’ailleurs pas nouvelles: qu’il suffise de rappeler la rébellion moplah (musulmans de la côte malabare) en 1921 et les conversions forcées qui l’avaient alors accompagnée. Les problèmes ne sauraient donc être réduits uniquement à des réactions face au RSS, dont la fondation fut postérieure.