Parmi les courants religieux qui développent des activités terroristes, les liens entre certains mouvements millénaristes et violence est souvent évoqué. Plusieurs articles récents abordent ces questions.
L’approche de l’an 2000 avait suscité une montée de la préoccupation par rapport au potentiel violent de mouvements millénaristes. Des colloques avaient eu lieu autour de ce thème, des chercheurs publièrent livres et articles, des services de polices préparèrent des rapports. Rien ne se produisit, en définitive: non parce que ce potentiel de dérive violente n’existe pas dans quelques mouvements, mais parce que le passage à l’an 2000 ne revêtait pas une grande importance dans le calendrier de la plupart des groupes millénaristes. La crainte très séculière du bug informatique et d’autres désagréments semblables agita en définitive beaucoup plus de monde…
En revanche, cette vague d’intérêt a eu une conséquence positive: le renforcement de l’intérêt pour le sujet et donc certaines publications, y compris dans le domaine des recherches sur le terrorisme. Signalons donc brièvement les références bibliographiques suivantes:
- La revue réputée Terrorism and Political Violence a consacré au printemps 2002 un gros numéro spécial (14/1) de plus de 300 pages au thème: “Millenial Violence: Past, Present and Future”, sous la direction d’un spécialiste connu des phénomènes d’extrémisme et de radicalisme idéologique, Jeffrey Kaplan. Le dossier contient notamment les deux rapports de police qui avaient été rendus publics sur le sujet, Project Megiddo (FBI) et Doomsday Religious Movements (Service canadien du renseignement de sécurité) – à noter que le second rapport, puisque canadien, est disponible sur Internet également en version française, sous le titre de Mouvements religieux eschatologiques (18 décembre 1999). Un rapport confidentiel de chercheurs israéliens s’y ajoute. On trouve ensuite trois analyses de ces rapports par des universitaires, puis différents articles relatifs aux phénomènes millénaristes – y compris un texte de Ian Reader, l’un des meilleurs spécialistes d’Aum Shinrikyo. Deux articles historiques, enfin, portent sur des courants apocalyptiques du Moyen-Age.
- Dans le numéro de juin 2002 (49/2) de la revue internationale de sociologie de la religion Social Compass, les Actes de la 26e Conférence de sociologie des religions qui s’est tenue au Mexique en août 2002 contiennent un article du chercheur italien Massimo Introvigne: “‘There Is No Place for Us to Go but UP’: New Religious Movements and Violence” (pp. 213-224). Après avoir évoqué quelques cas de dérives violentes (suicides, homicides ou combinaison des deux), l’auteur s’intéresse aux tentatives d’interprétation de ces événements. Il rejette les théories qui réduisent les phénomènes à un “lavage de cerveau” ou à la psychopathologie, mais prône une approche qui prenne également en compte les interactions avec la société – mais aussi la possibilité que certaines doctrines soient plus susceptibles que d’autres d’engendrer la violence.
- Un important volume récemment paru – et toujours en anglais: David G. Bromley et J. Gordon Melton (dir.), Cults, Religion, and Violence, Cambridge, Cambridge University Press, 2002 (XX+250p.). Déjà prêt avant les événements du 11 septembre, ceux-ci ont conduit les auteurs à les évoquer dans un prologue. mais, en dehors d’Aum Shinrikyo (à nouveau sous la plume de Ian Reader), c’est à des groupes occidentaux que s’intéressent les différentes contributions du livre. Pour la plupart écrits par des sociologues de la religion connus, les articles portent pour certains sur des cas précis, mais d’autres proposent des réflexions générales qui permettent de replacer les cas particuliers dans une tentative de cadre interprétatif plus large.
Il est possible de commander directement à partir de cette page (en cliquant ici) Cults, Religion, and Violence chez Amazon.fr. - Enfin, le numéro de septembre-octobre 2001 (24/5) des Studies in Conflict and Terrorism publie quelques-unes des interventions présentées au colloque d’Oklahoma City (avril 2000) sur les perspectives du terrorisme au 21e siècle, organisé conjointement par la RAND Corporation et le Memorial Institute for the Prevention of Terrorism. Parmi les articles, celui du chercheur suisse Jean-François Mayer: “Cults, Violence and Religious Terrorism: An International Perespective”. Sur la base des connaissances acquises au sujet de différents cas de violence (pas nécessairement de type terroriste) dans des groupes religieux d’apparition récente, l’auteur essaie de tirer quelques enseignements généraux et d’identifier les facteurs qui – combinés – paraissent le plus susceptibles de déboucher sur des comportements violents.
Ces différentes contributions récentes – auxquelles on pourrait ajouter plusieurs autres publications importantes ces dernières années – démontrent une fois de plus que le champ d’étude des interactions entre religion et violence dans ses différentes manifestations est en plein essor. Cela ne peut que bénéficier également à nos analyses des phénomènes terroristes.