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Attentats suicides: le regard d’un journaliste allemand

13 septembre 2005 Par Rédaction - Terrorisme.net

Publié en allemand, puis en anglais, le livre du journaliste allemand Christoph Reuter propose un panorama des attentats suicides dans le monde contemporain. Le livre offre des chapitres de lecture aisée, particulièrement sur les différents terrains du Proche-Orient où sont pratiquées les opérations de martyre.

lifeasweaponComme on pouvait s’y attendre, les ouvrages sur les attentats suicides se multiplient depuis quelque temps, témoignant de la diffusion géographique de plus en plus large de cette pratique. Le grand public s’interroge en effet sur les motivations de ceux qui sacrifient leur vie à une cause, religieuse ou séculière: fanatisme? désespoir? lavage de cerveau? Les tentatives d’explication ne manquent pas.

Terrorisme.net a déjà eu l’occasion d’aborder cette question et se propose de publier au cours des prochains mois des comptes rendus de plusieurs ouvrages récents à ce sujet. Nous commencerons par celui de Christoph Reuter, reporter du magazine allemand Stern. Après avoir été publié en allemand en 2002, une édition de son livre a vu le jour en anglais, avec le même titre suggestif: Ma vie est une arme. L’ouvrage est de lecture aisée, n’est pas trop épais, et comptera donc sans doute de nombreux lecteurs.

Le livre a pour sous-titre: “Une histoire moderne de la bombe suicide”. A vrai dire, les points forts du livre se trouvent dans les premiers (et plus longs) chapitres, sur l’Iran (non pas les attentats suicides, mais les martyrs qui se précipitaient par vagues sur la ligne de front durant la guerre avec l’Irak), sur le Liban et sur le conflit israélo-palestinien. Ce sont manifestement les terrains sur lesquels Reuter a directement enquêté. Les autres chapitres ont été ajoutés pour essayer de compléter le panorama, mais offrent moins d’intérêt, même s’ils offriront des résumés utiles aux lecteurs sans connaissances préalables du sujet. En raison des dates de rédaction du livre, les développements en Irak et la pléthore d’attentats suicides dans ce pays n’ont pu être pris en compte et n’y figurent donc pas.

L’introduction offre une bonne mise en contexte de cette “réinvention du martyre” que représentent les attentats suicides: ils annihilent la logique du pouvoir, puisque l’on ne saurait menacer de mort et ainsi dissuader quelqu’un qui est précisément prêt à sacrifier sa vie pour commettre son acte.

A juste titre, Reuter met en garde contre la tentation d’utiliser un modèle unique pour tous les usages de cette pratique: certes, le succès d’une technique utilisée par un mouvement peut en encourager d’autres à y recourir, mais cela n’empêche pas que les contextes et objectifs restent différents, même si l’attentat suicide exige manifestement une dévotion illimitée à la cause (encore que l’on connaisse des cas où des personnes désignées pour des attentats suicides refusèrent, non sans encourir des représailles – sur d’autres terrains, en revanche, les volontaires ne semblent pas manquer).

Laissons de côté les bataillons suicides iraniens, moins directement pertinents pour notre propos, même s’ils nous valent quelques-uns des meilleurs passages du livre. Les héros d’hier, souvent à peine sortis de l’enfance, qui partaient vers la ligne de front avec la certitude de la mort glorieuse du martyr, sont bien oubliés par les jeunes Iraniens d’aujourd’hui: l’épisode rappelle un passé embarrassant, que l’on préfère oublier.

Le chapitre sur le Liban est essentiel, puisque ce fut le point de départ des attentats suicides au Proche-Orient. Le Hezbollah créa un vocabulaire spécifique lié à cette pratique (p. 65), à commencer par l’expression “opérations de martyre”, utilisée pour contourner le tabou du suicide.

Le Hezbollah a pratiqué l’attentat suicide, mais – comme nous l’avions déjà observé dans de précédents articles – de façon beaucoup plus “contrôlée” et limitée que la surenchère à laquelle nous assistons aujourd’hui sur d’autres terrains. (Sur quelque 50 attentats suicides au Liban depuis 1983, selon Reuter, moins de la moitié seraient attribuables au Hezbollah.) Un responsable du Hezbollah déclare à Reuter: “Il faut traiter très soigneusement quelque chose d’aussi spécial qu’une opération de martyre. Après tout, les vies humaines sont précieuses!” (p. 78)

Aujourd’hui, le Hezbollah lui-même ne pratique donc apparemment plus ce type d’opérations (même si rien ne l’empêcherait d’y recourir à nouveau de façon ciblée en cas de besoin), même si ses médias continuent de donner écho aux “opérations de martyre” palestiniennes. Le Hezbollah est devenu une puissante force régionale, il s’efforce en outre de cultiver une image de vainqueurs plus que de victimisation, ce qui se manifeste de différentes façons.

L’exemple du Hezbollah a encouragé des groupes palestiniens à recourir aux bombes humaines. L’idée était dans l’air depuis quelque temps déjà: cinq ans avant le premier attentat suicide palestinien (survenue en avril 1993), Fathi Shikaki, l’un des fondateurs du Jihad islamique, avait envisagé cette tactique dans un livre. Yahda Ayyash, le légendaire “ingénieur” du Hamas, suggérait le recours aux attentats suicides dans une lettre écrite en 1990.

Les Palestiniens étaient loin d’être une majorité à approuver les “opérations de martyre” au début, rappelle Reuter: en 1996, à Gaza, beaucoup de monde y était encore opposé. Aujourd’hui, selon le chercheur israélien Ariel Merari, “les commandos suicides sont une image miroir de leur société” (p. 109). Ce sont loin d’être tous des pratiquants fervents de la religion.

Reuter ne cache pas son scepticisme par rapport aux théories selon lesquelles les auteurs d’attentats suicides auraient été soumis à un “lavage de cerveau” ou – variante – seraient drogués: cela n’est tout simplement pas confirmé par les données recueillies. La forte pression sociale pour devenir martyr sans en avoir véritablement fait le choix apparaît en revanche comme pertinente pour les jeunes Iraniens lancés par vagues sur le de la guerre avec l’Irak dans les années 1980: l’incitation au martyre était soutenue par l’appareil éducatif d’un Etat, ce qui prend d’autres dimensions.

L’une des qualités du livre est de prêter attention aux familles des “martyrs”. Si Reuter rencontre la veuve d’un militant du Hezbollah qui l’avait épousé (et en avait eu des enfants) en sachant d’avance que l’intention de son mari était de connaître la fin d’un martyr, il raconte aussi la visite à telle famille palestinienne qui, derrière la fierté de circonstance affichée, a du mal à cacher sa peine et son désarroi. Sans parler du portrait bref, mais poignant de la mère d’un “martyr” iranien de 13 ans, rencontrée sur la tombe de son fils près de vingt ans plus tard.

Indépendamment du degré de liberté de choix de ceux qui sont devenus des martyrs, la pratique exige une mise en contexte montrant le degré d’acceptabilité et d’encouragement par les sociétés auxquelles les martyrs et candidats martyrs appartiennent. Avec la plume d’un journaliste, Reuter réussit bien à restituer ces dimensions dans les chapitres de son livre sur le Proche-Orient.


Christoph Reuter, My Life Is a Weapon. A Modern History of Suicide Bombing (trad. Helena Ragg-Kirkby), Princeton / Oxford, Princeton University Press, 2004, 200 p. (éd. originale: Mein Leben ist eine Waffe, Munich, C. Bertelsmann Verlag, 2002).

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Deux ans après une première édition, nous proposons une mise à jour de notre base de données qui s’étend jusqu’en mai 2021.
📖 L'analyse http://bit.ly/3gYKq68
📈 Les données http://bit.ly/2VhCLs2

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