Au cours des dernières années, le Bangladesh a subi une série d’attentats, frappant des cibles très variées. Leurs auteurs n’ont jamais été identifiés. Cependant, ces actions ne doivent vraisemblablement pas toutes être attribuées à des groupes terroristes.
Le 21 août 2004, alors que Sheikh Hasina, à la tête de la Ligue Awami (opposition), finissait de s’adresser à une foule de 15.000 partisans lors d’un rassemblement dans la capitale, Dhaka, plusieurs grenades explosèrent, tuant une vingtaine de participants et en blessant plusieurs dizaines d’autres. Grâce à la réaction d’un garde du corps, qui se jeta devant elle pour lui sauver la vie, la présidente de la Ligue Awami s’en tira avec des blessures légères.
Ce grave incident entraîna une agitation dans le pays: en effet, les partisans de la Ligue Awami furent prompts à soupçonner que les auteurs de l’attentat étaient proches de milieux gouvernementaux. Mais il faut dire que les relations entre le BNP, principal parti dans la coalition au pouvoir, et la Ligue Awami sont si mauvaises que de telles accusations n’étonnent personne. Il est courant que les formations politiques s’accusent mutuellement.
Mais cet attentat n’était pas le premier, et tous n’avaient pas des objectifs politiques, même s’il est vrai qu’il s’agissait du troisième attentat contre un rassemblement de la Ligue Awami cette année. Au cours des derniers mois notamment, une série d’attentats non élucidés ont frappé différentes cibles dans le pays. Ces incidents se sont produits dans différentes régions du Bangladesh. A plusieurs reprises, des bombes ont explosé dans des cinémas. Dans d’autres cas, ce sont des journalistes qui ont été la cible d’attentats. Ou encore, les cibles ont été des rassemblements politiques ou des lieux de culte. L’usage d’explosifs pour des motifs variés semble donc se répandre dans ce pays surpeuplé, où les éruptions de violence ne sont pas rares.
Au total, avant l’attentat du 21 août, on dénombrait déjà plus de 100 personnes ayant perdu la vie dans des explosions criminelles au Bangladesh au cours des cinq dernières années. Quelques exemples:
– En octobre 1999, à Khulna, une bombe tue huit personnes dans une mosquée du mouvement Ahmadiyya (un mouvement considéré comme hétérodoxe par les autres musulmans et vivement critiqué par les milieux islamistes, au Bangladesh comme ailleurs).
– En janvier 2001, plusieurs personnes perdent la vie lors d’un attentat commis contre un rassemblement du Parti communiste du Bangladesh.
– En juin 2003, c’est au tour de 10 fidèles d’une église chrétienne de mourir dans un attentat frappant le lieu de culte.
– Le même mois, 8 personnes périssent par suite d’un attentat contre un rassemblement de la Ligue Awami.
– En septembre 2002, 3 morts lors de l’explosion d’une bombe au cours d’une foire à Satkhira.
– En décembre 2002, une action particulièrement difficile à expliquer et bien coordonnée se produit à Mymensingh: en l’espace de 90 minutes, des bombes explosent dans quatre cinémas et tuent 21 personnes au total. La police commence immédiatement plusieurs membres de la Ligue Awami, mais ils sont par la suite relâchés sans faire l’objet d’inculpations.
– En janvier 2004, 4 personnes sont tuées par une bombe dans un lieu de culte musulman à Sylhet. Le même jour, dans la capitale, un bus transportant des fidèles d’un groupe musulman fortement contesté par d’autres associations musulmanes explose, faisant plusieurs blessés parmi ses passagers, dont certains gravement.
– En mai 2004, à Sylhet, le Haut Commissaire britannique, Anwar Choudhury, est blessé par l’explosion d’une bombe alors qu’il visite un sanctuaire musulman.
– En août 2004, des explosions se produisent devant deux cinémas très fréquentés de Sylhet, tuant un adolescent et blessant plusieurs autres personnes.
Ce n’est là qu’un échantillon (assez représentatif) des attentats à la bombe qui se sont multipliés au Bangladesh depuis quelques années. Il est difficile de voir un lien entre des explosions frappant des cinémas, des partis politiques ou des lieux de culte. Mais l’on comprend – et encore plus après les blessures infligées par l’explosion du mois de mai à un diplomate britannique – que les ambassades occidentales au Bangladesh se montrent également préoccupées. Au mois de janvier 2004, des représentants du Département d’Etat américain affirmaient travailler “en étroite collaboration” avec les autorités du Bangladesh pour surveiller autant que possible l’évolution de la menace terroriste.
Mais il faut dire que la contrebande d’armes semble pouvoir s’exercer sans trop de difficultés au Bangladesh. Même si la police enregistre parfois des succès, comme lors de l’importante saisie d’armes effectuée au début du mois d’avril 2004 à Chittagong, alors que la cargaison était en train d’être débarquée par 150 ouvriers. Immédiatement, les partis politiques se lancèrent mutuellement des accusations, certaines sources prétendant même que des policiers participaient à l’opération de contrebande. L’officier de police accusé d’avoir supervisé l’opération a été nommé… responsable de l’enquête, ce qui n’a rien fait pour calmer les soupçons.
Il n’est pas exclu, à vrai dire, que ces armes aient été destinés à des groupes insurgés opérant dans les territoires du Nord-Est de l’Inde. Il n’est pas facile de surveiller la très longue frontière entre les deux pays. Mais certains soupçons se sont également orientés vers des groupes islamistes radicaux. Des sources indiennes, notamment, affirment depuis longtemps que – outre les groupes islamistes indigènes actifs au Bangladesh – des membres de certains groupes étrangers auraient trouvé refuge dans le pays. Il faut dire que certains groupes musulmans extrémistes au Bangladesh n’hésitent pas à exprimer leurs sympathies pour Al Qaïda. Plusieurs sont soupçonnés d’avoir des camps d’entraînement clandestins dans des zones reculées du pays.
Pour en revenir aux attentats, il est probable qu’un certain nombre aient simplement une origine criminelle. L’inclination de différents acteurs à recourir à la violence – notamment aux bombes – pour régler leurs comptes ou atteindre d’autres objectifs est une source d’inquiétude et un indicateur d’un climat de violence latente qui pourrait connaître d’autres manifestations encore en fonction des développements sociaux et politiques dans ce pays à la forte population et aux maigres ressources.